Enseignement 2023-2024 : La faculté de punir
    Cours du 14 mai 2024 : Reproduction de l’inégalité

    Professeur : Didier Fassin
    Chaire Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines

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    [Musique] [Musique] des trois interrogations de la philosophie morale et de la théorie du droit autour du châtiment qu’est-ce que punir pourquoi punit-on qui punit-on c’est cette dernière qui semble avoir été le moins euh qui semble avoir suscité le moins d’intérêt la définition a donné lieu au milieu du 20e siècle on l’a vu à une efflorescence de discussion qui ont permis la stabilisation de la réponse à la question qu’est-ce que punir même si comme on l’a vu cette définition pouvait être discuté et nous le verrons la distinction entre punition et vengeance demeure débatue la justification à elle été beaucoup plus discuté encore et ce particulièrement depuis le 18e siècle puisque se sont opposé les deux approches principales de la question pourquoi punit-on que j’évoquais il y a quelques instants l’une rétributiviste qu’ancienne affirmant la nécessité de punir pour la seule raison qu’une violation de la loi été commise l’autre utilitariste benamien limitant l’acte de punir à la seule éventualité que la conséquence en soit une réduction de la délinquence et de la criminalité la première donc tournere vers l’individu et le passé et la seconde vers le collectif et le futur mais la distribution dans la société c’est-à-dire la question qui puniton n guerre retenu l’attention des philosophes et des juriste ainsi l’article legal punishment le châtiment légal de la Stanford encyclopia of philosophy qui est une référence mondiale pour cette discipline donc dans cet article le mot distribution distbtion pas une seule fois et parmi les 283 références indiquées seul deux contiennent ce terme tandis que on ne trouve nulle part dans le texte ni dans les références texte par ailleurs très riche le mot inégalité tout se passe comme si la répartition sociale du châtiment était réglée implicitement par le fait que tous les individus doivent être traité de manière égale n’appelant donc guerre de commentaires supplémentaires sur la manière dont cette égalité doit s’opérer dans l’éthique à niikomac Aristote accordait une même importance en matière de justice au respect des lois et à l’égalité des droits je le cite ce qui est juste c’est ce qui est légal et ce qui est équitable tandis que ce qui est injuste c’est ce qui est illégal et qui est inéquitable il distinguait la justice distributive concernant la répartition des biens et la justice corrective concernant l’application de châtiment s’agissant de cette dernière la justice corrective il insistait sur l’importance que chacun soit traité de la même manière je cite peu importe qu’une spoliation soit commise par un honê homme au dépend d’un vilain ou à l’inverse ou ou l’inverse ou que l’auteur d’un adultère soit un honnête homme ou un vilain ce qui importe c’est le dommage occasionné et la seule chose que considère la loi traitant les personnes sur un pied d’égalité c’est de savoir si l’une a commis une injustice dont l’autre a été victime la conclusion s’imposait donc je le cite encore devant ce traitement injuste ce qui introduit de l’inégalité le juge s’efforce de rétablir l’égalité cette tâche n’appelle cependant pas une équivalence entre le tort causé le châtiment infligé comme dans la loi du talion car dit-il la réciprocité veut qu’on rende en proportion et non selon le principe d’égalité ce que cette réciprocité proportionnelle signifie précisément a fait l’objet de nombreuses discussions notamment pour savoir si elle implique que la justice consiste à rétablir les choses telles qu’elles étaient avant qu’ ne soit commis le dommage ce qu’on qualifie d’interprétation standard ou bien à répondre à l’attente de la personne lésée d’obtenir réparation afin de garantir son adhésion aux valeurs de sa société son une approche que à ce moment-là on peut appeler plutôt communautarienne l’essentiel est cependant cette association de la légalité et de l’égalité qu’Aristote établit dans la définition de la justice aussi bien distributive d’ailleurs que corrective c’est-à-dire pour utiliser un langage contemporain en matière de justice sociale comme de justice pénale s’il est probable que la plupart des philosophes et des juriste partage l’idée que la justice doit traiter également tous les membres de la société ce qui revient au faut bien dire au truisme que la justice doit être juste au sens anglais de fair et donc que chacun soit traité comme il le mérite sans différence en fonction du statut ou de l’origine et sans biais lié à des passions ou des intérêts peu s’intéresse à ce qu’il en est dans les faits c’est du reste le constat qu’on fait au début du 20e siècle les promoteurs de la théorie du legal realism le réalisme juridique lequel en réaction contre les approches formalistes du droit ont affirmé premièrement qu’il fallait aborder la loi non non pas à travers des réflexion philosophique cherchant à en comprendre la nature et les principes mais à travers des enquêtes empirique examinant la manière dont elle est conçue et appliquée et deuxièmement que les magistrats ne prononçaient pas leur jugement uniquement en fonction de règles abstraites mais également en fonction d’enjeux politiques d’intérêts sociaux et plus généralement du contexte dans lequel ils exerçaient ils étaient en cela les héritiers du pragmatisme de John Dewey et plus plus directement encore de la théorie prédictive du droit d’Oliver Wendell holes juge de la Cour suprême des États-Unis qui écrivait en ouverture de son livre célèbre the common law paru en 1881 je le cite la vie du droit n’a pas été une affaire de logique mais d’expérience les nécessités perçues dans une époque donnée les théories morales et les politiques dominantes les intuitions avoué ou inconscient d’ordre public et même les préjugés que les magistrats partagent avec leur semblabl ont joué un rôle bien plus important que le syllogisme dans la détermination des règles par lesquelles Lestat les êtres humains devrait être gouverné et pour lui le droit incarne l’histoire du développement d’une nation c’est cette même tradition qu’ reprise bien plus tard le mouvement law and society qui a été créé en 1964 selon lequel je cite le droit ne se limite pas seulement au mots des documents officiels mais peut aussi se trouver dans les diverses approches et pratiques des personnes interagissant avec les domain avec les domaines régis par le droit dans les domaines demandes de réparation juridique des injustices et dans le pouvoir coercitif exercé pour faire respecter l’ordre légal fin de citation en somme de la théorie du legal realism au mouvement law and society et sans d’ailleurs qu’il y ait une filiation directe entre les deux s’exprime la volonté de comprendre le droit non comme il devrait être mais comme il est réellement c’est aussi ce à quoi s’emploi les sciences social et ce qui importe finalement le plus je crois aux citoyens et c’est ce que ce à quoi je vais consacrer ce cours sur la reproduction des inégalités en matière de justice pour revenir au principe affirmé de l’égalité devant la loi et donc de la distribution juste du châtiment nombreux sont celles et ceux qui au fil des siècles ont constaté que cette égalité et cette distribution juste n’était assurément pas respecté dans les faits deux exemples à plus de de siècles de distance et très différent de nature comme vous allez le voir permettront de l’illustrer le 23 mai 1791 le parlementaire révolutionnaire et haut magistrat Louis Michel Le Pelletier présente devant l’Assemblée nationale le projet de Code pénal établi par le Comité de constitution et de législation cri présid il déclare que l’égalité des pees est un principe trop précieux pour nêtre pas transcrit dans le code pénal et il ajoute ce sera un grand et salutaire exemple lorsqu’on pourra voir le ministre prévaricateur confondu avec la tourbe des criminels puni plus longtemps parce que son attentat a blessé davantage la patrie et chargé légalement des mêmes F dont il opprim arbitrairement l’innocence fin de citation discours d’un temps où il avait semblé nécessaire que la justice soi juste un idéal qui filon feu discours qui raisonne aussi 220 ans plus tard dans la remarque que me faisait un jeune homme détenu dans la maison d’arrêt où j’ai conduit la recherche que j’ai déjà évoqué pendant 4 années français d’origine marocaine il avait été condamné à 3 ans d’emprisonnement ferme pour une s de cannabis session de cannabis et ce bien qu’il fut primod délinquant c’est-à-dire qu’il e jamais été condamné auparavant enfermé depuis 18 mois il avait gagné grâce à sa bonne conduite dans l’établissement la position envié d’auxiliaire dont j’ai déjà dit que d’une part elle l’obligeait à assurer des tâches d’entretien dans l’aile de son bâtiment mais d’autre part lui permettait de bénéficier seul d’une cellule plus grande et de garder sa porte ouverte pour ses activités par un après-midi caniculaire donc il avait préféré euh ne pas sortir en promenade pour éviter la chaleur d’autant que c’était Ramadan et qu’il souffrait de la soif nous discutions dans sa cellule regardant par la fenêtre qu’opacifiait le doublement des barreaux par un épais caiboti noir il me dit on va pas se mentir monsieur regardez dans la cour de promenade il y a que des noirs et des Arabes il reconnu qu’il qu’il avait fait du commerce de cannabis et que c’était un délit et il ajoutait cependant mais c’est que du chit moi j’ai jamais fait de mal à personne je suis incapable de voler quoi que ce soit dans un supermarché je paye mes impôts et mes amendes alors quand je vois un président de la République qui profite de l’argent d’une vieille femme sénile ou un ministre du Budget avec ses millions qu’il doit au fisque et eux ils sont libres là on ressent l’injustice de la justice il faut savoir que la plupart des prisonniers n’ont guère d’autre activité en maison d’arrêt que la télévision et beaucoup suivent très attentivement les informations et notamment lorsqu’elle traite d’affaires judiciaires qu’il compare à cell qui les concernne quelques années après cette conversation l’ancien président de la République et l’ancien ministre du budget dont il était question ont pourtant fini par être jugés et d’instruction en procès de procès en appel ils ont fait l’objet de condamnation l’ancien président a certes bénéficié d’un nonlieu dans l’affaire qui était évoqué par mon interlocuteur parce que les abus de faiblesse le trafic d’influence et le recel n’ont pas été retenus faute de preuve suffisantes des déficiences cognitives de sa généreuse donatrice mais il a été condamné pour deux autres affaires la première à un an d’emprisonnement ferme réduit en appel à 6 mois pardon réduite en appel à 6 mois de avec sursis et pour euh et pour des fausses factures en lien avec ces dépenses de campagne électorale la seconde à 3 années d’emprisonnement dont une ferme pour corruption et trafic d’influence et dans les deux cas il s’est pourvu en cassation tandis que plusieurs autres affaires parfois très anciennes sont encore en attente d’un premier procès l’ancien ministre à quant à lui était condamné en première instance pour fraude fiscale et blanchiment à 3 ans de prison ferme puis en appel à 4 ans d’emprisonnement dont deux avec surcis en ce qui concerne l’ancien président les deux peines étant distinctes 6 mois ferme et un an ferme elles ne donneront donc pas lieu à des incarcérations puisquelle se situe juste sous la limite légale de l’aménagement AB initiau qui est ramené à qui a été ramené à un an par une loi de 2019 et pour ce qui est de l’ancien ministre la peine a été révisée en appel précisément afin de permettre l’application de cette mesure qui à l’époque du procès permettait l’aménagement abinitiau jusqu’à 2 ans d’emprisonnement ferme dans le cadre d’une loi de 2009 ainsi bien que les deux hommes politiques jugés pour des faits graves qui touchent au fonctionnement de la vie démocratique étud des am nation sévère et du reste comparable par leur durée à celle du détenu l’un comme l’autre ne connaîtront pas la prison pour les délit qu’ils ont commis tandis que le jeune homme y a passé lui la totalité des 3 années de la peine affligée moins quelques mois de réduction de peine la France du 21e siècle est donc encore loin du rêve de Louis-Michel Le Pelletier de ce que serait je le cite à nouveau le grand et salutaire exemple du châtiment du responsable politique varicateur la justice c’est parfois prononcer des peines sévères contre des hommes de pouvoir mais elle le fait en leur évitant le stigmate et la rigueur de l’incarcération auquel elle n’a en revanche pas de scrupule à condamner les délinquants des classes populaires comme l’écrivait émil Durkheim alors même que l’acte criminel est certainement nuisible à la société il s’en faut que le degré de nocivité qu’il représente soit régulièrement en rapport avec avec l’intensité de la répression qui le frappe on peut se demander si en l’occurrence les malversations financières dans le cadre d’élection présidentielle la corruption de magistrats en vue d’interférer avec des enquêtes judiciaires et la soustraction d’agent public pour une fraudte fiscale massive ne sont pas plus préjudiciables à la société que la revente d’une substance cert illégale mais dont l’usage est dépénalisé dans la plupart des pays européens les juges ne semblent pas P donnant ainsi raison à l’auteur de la division du travail social donc m de cette disparité des condamnation en fonction des catégories sociales le statisticien Bruno auusson de cavarlet avait donné en 1985 une analyse dans un article au sous-titre significatif homme peine et infraction la légalité de l’inégalité son enquête portait sur les données publiées par le ministère de la Justice de 195 2 à 1978 et intégrait des variables concernant les crimes et délits les sanctions infligées et la caractérisation des condamnés par sexe âge profession et nationalité il établissait notamment que l’emprisonnement ferme était prononcé une fois sur deux pour les personnes sans profession une fois sur 7 pour les ouvriers et une fois sur 30 pour les employeurs tandis qu’à l’inverse les amendes étaient données dans plus de 8 cas sur 10 aux employeurs une fois sur deux aux ouvriers et une fois sur 5 aux personnes sans profession l’auteur en concluait d’une formule aux accents marxistes qui est souvent cité veut-on caricaturer l’amand des bourgeoise et petite bourgeoise l’emprisonnement ferm sous prolétarien et l’emprisonnement avec surcis est populaire mais il nignoraait évidemment pas que cette différenciation aurait pu simplement résulter de la structure particulière des infractions dans les différentes catégories sociales et donc pour prendre en compte cette structure il a construit un indice de sévérité relative pour chaque grand type de délit et de crime en divisant simplement le tau d’emprisonnement ferme de chaque groupe par le taux d’emprisonnement ferme moyen donc la valeur 1 correspondait au fait qu’il y a pas de sévérité particulière pour la catégorie qui était concerné et donc dans son étude pour avec un exemple les infractions liées au travail l’indice pour ces infractions était par exemple donc de 4,80 pour les personnes sans profession de 2,37 pour les ouvriers et de 0,06 pour les employeurs ce qui révélait une tolérance 80 fois plus grande à l’égard des employeurs que des personnes sans profession plus généralement il mettait en évidence une gradation des classes sociales pour presque tout toutes les violations de la norme hormis pour les atteintes aux murs cette recherche qui comme vous voyez remonte à plusieurs décennies n’est pas obsolète et ce qu’elle décrit est largement confirmé par diverses enquêtes en France et à l’étranger une étude conduite par audil timbar pour le ministère de la Justice montre au au cours de la décennie 2000 les condamnations pour infraction à la législation sur les stupéfiants qui concernent essentiellement le cannabis ont plus que doublé de 22800 à 46600 et C pour simple usage ou usage simple a presque quadruplé de 6800 à 24000 au recours de cette période les enquêtes épidémiologiques montrent que les jeunes qui sont principalement visés par la répression sont de moins en moins attirés par le cannabis ainsi la consommation régulière passe de 10 à 7 % la consommation occasionnelle de 28 à 24 % et la consommation sous forme d’expérimentation de 46 à 42 %. autrement dit on observe un recul significatif de l’usage mais une hausse spectaculaire des sanctions pour les usagers parallèlement selon cette étude au cours de cette même décennie 2000 les condamnations pour infration économique et financière baisse de 17 % de 20000 à un peu plus de 16000 or dans le même temps le nombre de faits constatés par la police double pratiquement passant de 127000 à 246000 à ceci près il est vrai que cette augmentation est liée surtout aux escroqueries et abus de confiance incluant les utilisations frauduleuses de cartes bancaires dont la comptabilité se fait non pas par le nombre de délinquants mais par le nombre de victimes ce qui évidemment augmente beaucoup le les les chiffres à l’inverse les délit des entreprises en matière de banquroute de fraude fiscale d’abus de biens sociaux et d’infraction à la législation sur le travail sont divisés par 5 en 20 ans du fait d’un désinvestissement des services de pression de la délinquence économique et financière qui voit leurs moyens et leurs effectifs se réduire tandis que les parquets font passer de moins en moins d’affaires aux pôles économiques et financiers spécialisés qui sont composés de magistrats habitués à travailler sur les enquêtes de sur des dossiers complexes en somme on observe une baisse des condamnation pour les délits commis par les entreprises non en raison d’une diminution des infractions mais par réduction des ressources allouées et soustraction des affaires transmises au services compétent cette double évolution une progression des condamnations pour usage de cannabis pourtant en baisse dans les faits et un recul des condamnations pour deslit économiques et financier par déclin des dispositifs d’enquête correspond à des choix politiques de sévérité sélective au cours des années 2000 le ministre de l’Intérieur devenu président de la République d’un côté déclarait je le cite une guerre trafiquant et au délinquants qui s’avirrait en réalité être une guerre aux usagers de cadabis tandis que les condamnations tandis que les condamnations pour trafic stagnent et de l’autre il annonçait je le cite encore mettre un terme à la pénalisation des affaires afin de protéger le monde de l’entreprise la ligne de partage social était donc clairement tracé entre ce qu’on veut punir et ce qu’on veut épargner je vais essayer de préciser un peu comment se manifeste euh concrètement cette euh distinction entre les deux la répression de l’infraction à la législation sur les stupéfiants est loin d’être socialement neutre alors que les enquêtes établissaient dans les années 2000 que parmi les jeunes c’étaient dans les milieux favorisés caractérisés par la présence de parents chefs d’entreprise cadres ou artisan que la consommation de cannabis aussi bien occasionnelle que régulière était la plus élevée cependant qu’elle était la plus faible dans les catégories modes défin par des parents ouvriers mais c’est au sein des classes populaires qu’avait lieu les interpellations comme je l’ai évoqué précédemment au cours des 15 mois de mon enquête avec des unités de police les patrouilles n’avaient jamais lieu dans les quartiers résidentiels mais se concentrait dans les seules cités d’habitat social ainsi que dans les centres-villees les soirs de célébration des fins de trimestre les étudiantes et les étudiants d’une prestigieuse école de commerce qui se trouvaent autour d’un bar sur une place publique pour boire et fumer n’était pas inquiété par l’équipage de la brigade antiriminalité stationné aux abords de ce lieu au bout d’une heure ou deux de cette présence passive les policiers reprenaient la route et se dirigeaient vers l’un des grands ensembles d’immeubles de l’agglomération s’y livrant parfois avec rudesse à des contrôles d’identité et des fouilles au corps des adolescents et des jeunes qui bavardaient tranquillement près de leur domicile les forces de l’ordre ignoraient donc la consommation ostensible de cannabis des des uns pour ne considérer que l’éventualité de la possession de ce produit chez les autres mais il y avait plus si elle se postait près du lieu de la fête estudantine à l’observer sans pour autant interrompre l’ostensible consommation de drogue c’est qu’elles avaient pour mission de protéger la jeunesse dorée de l’école de commerce sous l’empire de l’alcool et des stupéfiants d’une possible agression ou d’un possible vol de téléphone portable qu’on imaginait pouvoir être commis par la jeunesse racisée des cités voisines ainsi cette répression sélective conduisait-elle à ce que les seules interpellations pour usage ou possession de cannabis se produisent au sein de cette jeunèse des cités sans pour autant que ces interpellations il soient d’ailleurs systématiques puisqu’ell pouvaient dépendre d’un éventuel contentieux avec un jeunne ou de quotas de mise en cause à défendre à atteindre la guerre annoncée par le président de la République et la M est mise en œuvre par les forces de l’ordre n’a donc eu lieu que dans les quartiersp populaire dont les habitants étaient fréquemment contrôlés parfois interpellés présent et présentés au parquet voire condamnés dans certains cas à des peines d’emprisonnement ce n’était là ces années 2000 que le début d’une répression ciblée au cours de la décennie suivante la part des poursuites pénales pour usage simple de cannabis a encore doublé en île-de-fance passant de 17 à 32 % des mises en cause tandis qu’au niveau national les condamnations augmentaient de 20000 à 35000 essentiellement du fait de l’introduction de l’amende forfaitaire délictuelle dont il a déjà été question qui a été introduite en 2019 pour le traitement de cette infraction et permettant au policiers d’exercer leur pouvoirs discrétionnaire dans la rue ainsi les punitions infligées en matière de lutte contre les stupéfiants présente trois trois phénomènes premièrement l’application du dispositif législatif institué à partir de 1970 pour lutter contre le trafic de drogue s’est transformé en une pénalisation de l’usage simple de la moins dangereuse d’entre elles moins dangereuse et du reste bien moins dommageable que l’alcool et le tabac qui elles sont des addictions légales deuxièmement le développement de l’amande forfaitaire d’ellctuelle officiellement destiné à remédier à l’augmentation du contentieux judiciaire à l’encontre des consommateurs permettait en réalité de déplacer l’administration de la sanction de la justice vers la police de supprimer la possibilité d’individualiser en fonction du contexte et de multiplier le nombre des peines inscrites au Casie judiciaire desevenants troisièmement la concentration de la répression par les forces de l’ordre sur les seules classes populaires et notamment les minorités racisées avait pour conséquence que les différentes logiques décrites à savoir pénalisation de l’usage simple de cannabis et développement d’une sanction délivré de manière discrétionnaire ne concerne en fait que ces catégories cette mécanique discriminatoire ne concerne cependant pas seulement la lutte contre les stupéfiants elle se retrouve dans de nombreux délits dont la caractérisation et le traitement dans la chaîne pénale obéit au logique de ces politiques de répression sélective à l’autre extrémité de la structure sociale on trouve ce que le sociologue et criminologue états-uniens Edwin Sutherland dans la conférence qu’il a donné en 1939 devant l’American sociological association dont il était le président a appelé white color criminality expression qui s’est depuis imposé dans les sciences sociales et qu’on traduit en français par délinquence en col blanc son exposé commençait ainsi les économistes connaissent bien les méthodes des affaires mais n’ont pas l’habitude de les traiter du point de vue de la criminalité les sociologues connaissent bien la criminalité mais n’ont pas l’habitude de les considérer du point de vue du monde des affaires cette conférence est une tentative d’intégrer ces deux corpus de savoir la thèse qu’il qu’il avance allait à l’encontre du sens commun et même des statistiques pénales qui je le cite montre de manière non équivoque que le crime tel qu’il est généralement conçu et officiellement mesuré et Edwin Sutherland insistait sur cette incise a une incidence élevée dans les classes inférieures et une incidence faible dans les classes supérieures pour lui cette description des faits et les interprétation en terme de pathologie sociale qui en rendait compte en se focalisant sur les catégories sociales les plus modestes étaaiit trompeuses et incorrectes car je cite toujours le crime n’est en fait pas étroitement corrélé à la pauvreté si l’on avait cette impression fausse explique-t-il c’est qu’on avait fermé les yeux sur la criminalité en colblanc telle qu’on la trouve parmi ceux qu’il appelait les princes du commerce et les capitaines de la finance et de l’industrie dont il citait même les noms les plus célèbres dans sa conférence rappelant que cette délinquence était mise en évidence et là je le cite encore dans les activités foncières les chemins de fer les assurances l’armement les banques les services publics les bourses l’industrie pétrolière l’immobilier les comités de redressement les mises sous séquestre les faillites et la politique bien que ces pratiques ne soient généralement pas qualifié de crime et ajoutait-il que les qualifiés ainsi ne les rendent pas pire qu’elles ne sont en parler dans ces termes c’était simplement les les ramener dans le giron de la criminologie en rappelant qu’elles doivent être pris en compte au même titre que celles commises dans les classes populaires car elle porte atteinte non seulement à l’économie mais également à la collectivité et il disait aussi grande que soit la perte financière entraînée par ces pratiques elle est moins importante que le dommage causé aux relations sociale en terme de rupture de confiance et par conséquent de préjudice à l’institution de la société publi un an plus tard dans l’American Journal of sociology le texte de cette conférence n’a pas seulement nommé une réalité jusqu’à leur occulé mais elle a également ouvert un domaine de recherche en même temps qu’une discussion théorique sur ce que signifie white color crime la délinquence en col blanc les délit sont-ils liés à une catégorie sociale favorisé à l’exercice d’une activité professionnelle ou bien au fonctionnement même du monde des affaires dit autrement l’analyse doit-elle se faire au niveau individuel au niveau fonctionnel ou au niveau structurel les trois ne s’excluent d’ailleurs pas mais donne une lecture du mécanisme du délit très différente celon considère selon que l’on considère qu’il faut analyser les avantages indus d’une d’une classe privilégiée par exemple les voyages au frais de la compagnie les actes déviants dans l’exercice de certains métiers tels que des vols de matériel ou les logiques propres à l’univers de l’entreprise ou de la finance comme le mensonge sur les réalités des comptes dans une approche plus exhaustive Susanne chapiro proposait de redéfinir la délinquence en col blanc non non simplement comme le délit commis par des personne mais comm comme une violation de la relation de confiance cette relation est établie entre des agents qui délèguent une part de leur souveraineté à d’autres agents par exemple dans le cadre d’une banque d’une institution de crédit d’un fond de pension d’un syndicat d’entreprise d’une organisation humanitaire d’un gouvernement municipal on pourrait ajouter national la duplicité et la tromperie le détournement et la corruption le délai d’initier et le conflit d’intérêt sont autant de pratiques délictuelles qui mettent à l’épreuve la confiance dans le monde social la crise dite des sub primes de 2008 pourrait certainement servir de cas d’espèce pour comprendre d’une part la multiplicité et la complexité des délits qui ont conduit et d’autre part l’impunité dont ont bénéficiit les auteurs de ces pratiques puisque personne hormis un cadre du Crédit Suisse n’a été condamné tous les contencieux avec les grandes banqu ayant été réglé à l’amiable avec des amendes relativement modestes au regard des chiffres d’affaires de ces institutions par exemple 5 milliards de dollars pour Goldman sax dont les actifs s’élevaient à 878 milliards 7 milliards pour la Deut banque et c’est 1670 milliards 16 milliards pour la Bank of America et c’est 2150 milliards 13 milliards pour JP Morgan Chase et c’estes 2420 milliards soit 5 MLI de ses actifs si je donne ces indications précises c’est qu’elles ont une valeur générale sur la manière dont la délinquence en colblanc échappe à la justice grâce à des arrangements financiers peu dissuasifs négociés avec un pouvoir remarquablement conciliant le chairman de la commission d’enquête sur la crise financière créée par le la commission créée par le Congrès des États-Unis exprima sa déception devant le refus du gouvernement d’engager des poursuites et le procureur fédéral du Department of Justice démissionna de son poste par frustration de ce qu’il appelait le manque d’engagement de compétence et de courage des autorités le pouvoir public et le système pénal n’avaient d’ailleurs pas toujours fait preuve d’un tel laxisme aux États-Unis en matière de délinquance économique et financière ainsi à la suite de la crise de 1987 des savings and loan les caisses d’épargne états-uniennes qui s’était lancé dans des investissements hasardeux à la suite d’une dérégulation fédérale sous la présidence de Ronald Reagan 1100 responsables avaient été poursuivis et 800 condamnés et après la faillite en 2001 de l’entreprise du secteur de l’énergie enrun la plus importante banqueroute consécutive à des fraudes de tous les temps ce sont 750 cadres qui avaient été poursuivis 24 d’entre eux dont deux présidents directeurs généraux qui avaient été condamnés certains à des peines d’emprisonnement longue mais les temps ont changé et bien que la crise financière de 2008 é été bien plus grave elle n’a pas donné lieu à des sanctions on dispose pour la France de l’analyse historique qui a été réalisée par Pierre lascou et giseline Morau cap de viiel en 1983 sur ce qu’ils appellent la délinquence d’affaires il distinguent quatre moments au cours des deux siècles précédents entre la révolution 1789 et la Monarchie de Juillet les condamnations sont peu nombreuses et concerne surtout les délit dit astucieux c’est-à-dire les escroqueries les abus de confiance et les FS en écriture au cours de la seconde moitié du 19e siècle le développement parallèle du capitalisme et d’une législ visant à en contenir les excès entraînent une augmentation sensible de la délinquence économique et financière mais aussi de sa répression essentiellement cependant à l’encontre des affairistes individuels de 1900 à la Seconde Guerre mondiale le contentieux des affaires continue de se développer dans le cadre d’une politique officielle de moralisation de la vie économique avec désormais des poursuites qui concernent des faits liés à l’activité des entreprises mais à partir du milieu du 20e siècle la tendance s’inverse l’activité pénale dans ce domaine décline étant divisé par de en qu décennies malgré la progression du contentieux en matière de législation du travail et de la sécurité sociale depuis la publication de cette recherche il y a quelques décennies l’évolution pour décrite pour cette dernière période a continué au cours des années récentes si une augmentation de la économique et financière est observée comme on l’a vu elle porte essentiellement sur la partie dite astucieuse donc les escroqueries donc des actes individuels tandis que les délits d’entreprises notamment dans le cadre des ce qu’on appelle les atteintes à la probité représenté par la corruption le trafic d’influence la prise illégale d’intérêt le détournement de fonds publics sont en baisse dans un contexte où d’une part la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires rend délicat le dévoilement par les employés et les cit moyen des délis des entreprises que la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alertes ne clarifi pas entièrement et ou d’autre part les moyens mis à la disposition des parquets spécialisés notamment du parquet national financier sont insuffisants d’une manière générale la lutte contre la délinquence dans le domaine des affaires n’est pas la priorité des gouvernements et la preuve en elle le refus en 2021 de renouveler l’agrément de l’association anticorps qui depuis sa création en 2002 est la principale association de lutte contre la corruption et ses porté parties civil dans de nombreux procès pour des malversations présumées y compris d’ancien président de la République d’ancien président de l’Assemblée nationale secrétaire général de l’isée du ministre de la Justice la loi du 6 décembre 2013 relative à la faute fiscale et à la délinquence économique et financière permet en effet que les associations de lutte contre la corruption bénéficiant d’un agré puisse se porter partie civile et ainsi obliger le parquet à transmettre au juges d’instruction des dossiers que sous la pression du garde d’ saau il souhaite enterrer et donc le refus de renouvellement entrave cette possibilité les liens existants en France entre le monde politique et le monde de l’entreprise a d’ailleurs conduit Transparency International l’organisation qui lutte contre la corruption des gouvernements et des institutions gouvernementales et classe les pays en fonction a placé la France au 23e r mondial en 2022 la recherche qu’ a conduite Alexis Spear sociologue sur ce qu’il appelle la domestication de l’impôt par les classes dominantes montre comment plutôt que de dénoncer la contrainte fiscale comme il le faisait nager les catégories les plus fortunées préfèrent aujourd’hui s’arranger avec les pouvoirs publics en jouant sur la ligne de crête qui sépare les activités illégales des activités immorales mais légales c’est le cas d’une part sur la frontière floue entre évasion fiscale réprimée et optimisation fiscale tolérée par exemple en adoptant la résidence pour soi-même ou pour son entreprise dans des pays et des territoires dont l’impôt est moindre et d’autre part sur l’intervention auprès de l’exécutif et du législateur en vue d’obtenir des conditions favorables permettant d’être taxé moins grâce à des niches fiscales tout en paraissant consentir démocratiquement à l’impôt le résultat de ces deux stratégies développées par l’école blanc et de priver leur pays de leur contribution à ces ressources fiscales et d’approfondir ainsi les inégalités économiques en étant moins taxé que leur richesse ne l’impliquerait parallèlement leur relation avec l’administration fiscale se font d’un côté par l’obtention de conseil personnalisé à l’occasion de rencontre avec les inspecteurs des impôts qui leur expliqueent comment tirer le meilleur profit des règles existantes et de l’autre par le traitement des fraudes avérées pour lesquelles les redressements sont négociés de manière avantageuse avec les contrôleurs du fisque en faisant jouer ces double connivance éventuellement avec l’aide d’avocat fiscalistes dont certains sont des anciens agents du fisque les catégories aisées qui mêlent volontiers leur reven r privé et les comptes de leur entreprise par exemple comme on leur conseille en créant des holdings qui permettent de les faire figurer ensemble à des taux d’imposition très bas d’un côté évite les sanctions tout en contournant l’esprit de la fiscalité et de l’autre lorsqu’ils ne peuvent l’éviter les éviter euh en réduisent les effets les affinités entre le monde politique et le monde des affaires favorisent ainsi les dispositifs qui autorisent ces arrangements et par une tau plus riche les désagréments de la punition ce qui est vrai au niveau national et également au niveau international après la révélation en 2014 grâce à une enquête journalistique d’un vaste système d’évasion fiscale de multinationale au Luxembourg l’ancien Premier ministre de ce pays devenu entre-temps président de la Commission européenne reconnaissait que ces pratiques ne correspondaient pas je le cite au concept de justice fiscale et aux normes éthique et morale généralement admise alors que les entreprises en cause ne faisaient pas l’objet de sanction ce sont en fait les deux lanceurs d’alerte qui étaient condamnés par la justice luxembourgeoise à des amendes et des peines d’emprisonnement avec surc condamnation confirmé en appel et pour l’un des deux en cassation ce sont donc des régimes de punitivité bien distinct qui s’applique aux classes populaires et aux classes dominantes et l’usage de cannabis a des conséquences bien plus graves pour les contrevenants que la fraude à l’impôt en réalité l’inégalité est plus grande encore puisque ce n’est pas simplement la sanction qui diffère c’est aussi la qualification ce qui est un délit pénal pour les uns et pour les autres une simple irrégularité fiscale cette distinction entre délit des classes populaires qu’il faut punir et irrégularité des classes dominantes qui doit être toléré Michel fouca l’ mise en évidence dans son cours au Collège de France de 1972 1973 intitulé la société punitive la question qu’il se pose alors est la suivante comment comprendre le remplacement d’un système coercitif hétérogène par un double système pénal et pénitentiaire relativement homogène à la fin du 18e siècle avec la naissance de la prison en d’autres termes pourquoi ce processus lent de décalage vers l’appareil d’État s’est-il accéléré et pourquoi a-t-on Abou finalement à ce système unifié c’est-à-dire autour de la prison pour rendre compte de cette transformation il faut dit-il en passer par une analyse de la différenciation de ce qu’il appelle les illégalismes populaire et bourgeois sont ces termes et leur passage d’une relation d’accommodement mutuel à une relation de confrontation il empreunte pour ce faire au livre de l’historien Paul bois les paysans de l’Ouest l’exemple des tisseran du umaine au 17e et 18e siècle les artisans fabriquent des toiles sur des métiers qu’ils possèdent à leur domicile et il les vendent à des marchands qui en font le commerce il existe des ordonnances réglementant cette production et des agents de contrôle qui vérifi le respect des règles ainsi que des prélèvements effectués par les pouvoirs publics par l’exercice de droit et le paiement des amendes pour contourner ces contraintes artisans et marchands s’entendent entre eux les seconds pour passer des contrats au premier en dehors du marché officiel les uns et les autres évaluant à leur gré la quantité et la qualité d’étoil de cet illégalisme Michel foucco montre qu’il est fonctionnel bénéficiant au capitalisme naissant par la soustraction de l’impôt féodal qui dégage ainsi une marge profitable pour les deux [Musique] parties victime de cette fraude les nobles se rattrapent toutefois à la cour du roi en obtenant des avantages matériels et fiscaux qui prive donc l’état des ressources correspondantes plus généralement au cours de cette période se constituent trois illégalisme populaire bourgeois privilégiés qui se tiennent dans une sorte d’accommodement plus ou moins implicite où chacun trouve son compte le plus instable des trois c’est cependant l’illégalisme populaire soit qu’il glisse vers la délinquence de droit commun avec le brigandage et le vagabondage quand les pays ance popérise soit qu’il passe dans la lutte politique avec la greffe des impôts ou le pillage des perceptions lorsque la fiscalité les étrangle quant au dispositif administratif du chargé du contrôle de la régularité des échanges économique il agit en fait comme une instance d’arbitrage des illégalismes ce sonit les termes de Michel fouco c’est cet équilibre qui seront à la fin du 18e siècle et au début du 19e lorsque la bourgeoisie conquier le pouvoir en effet avec le développement du capitalisme industriel l’économie s’organise autour de nouveau rapport de production considérant cette fois les activités dans le port de Londres où arrivent les produits du monde entier Michel fouco décrit comment les ouvriers qui travaillent pour des salaires misérables se trouvent en présence de richesse considérabl dont certains organisent le détournement la déprédation qui en résulte laisse désormais directement la bourgeoisie et conduit cette dernière à mettre en œuvre un appareil répressif ce n’est plus la règle qu’on enfrain c’est la propriété qu’on viole on on tolérait le le fraudeur nécessaire au bon fonctionnement de l’économie on punit le voleur devenu ennemi public la prison devient la solution au problème de la délinquence cette pénalisation des classes populaires s’accompagne d’une moralisation qui a pour objectif ultime d’opérer en leur sein une distinction entre le prolétaire délinquant et l’ouvrier honnête permettant à a à la bourgeoisie d’assurer son autorité sur le peuple au sommet de cette hiérarchie qui se redessine les classes privilégiées continue de de pratiquer les illégalismes mais elle les escamote de deux manières d’une part elle met en place des modalité d’échappement aux sanctions prévoit la loi et d’autre part elle change la législation pour l’adapter à leur pratique déviante ainsi les illégalismes se reconfigurent en fonction des positions sociales d’une manière qui se consolidera dans les deux siècles suivants ainsi que je l’ai décrit précédemment justice inflexible et emprisonnement largement distribué pour les petits délinquants des quartiers populaires justice bienveillante et arrangement avec les autorités pour les délinquants en col blanc entre les deux des classes moyennes qui ne peuvent jouir des privilèges des classes supérieures mais craignent les désordres causés par les classes populaires qu’il s’agisse de délit ou de révolte 2 ans après son cours en 1975 Michel foucco publie surveillé et Pun un ouvrage qui transforme radicalement la recherche internationale sur la pénalité et la prison dans le premier chapitre il dit son admiration pour le ce qu’il appelle le grand livre de rouche et kirchmeer kirchheimer pardon à savoir punishment and social structure dont il affirme tirer un certain nombre de repères essentiels à savoir je cite ce défaire d’abord de l’illusion que la pénalité est avant tout une manière de réprimer les délits et que dans ce rôle selon les formes soci les systèmes politiques ou les croyances elle peut être sévère ou indulgente tourné vers l’expiation ou attaché à obtenir une réparation et analyser plutôt au lieu de de cette illusion analyser plutôt les systèmes punitifs concret les étudiés comme des phénomènes sociaux dont ne peuvent rendre compte la seule armature juridique de la société ni ses choix éthiques fondamentaux les replacer dans leur champ de fonctionnement où la sanction des crimes n’est pas l’unique élément c’est ainsi qu’il devient possible écrit-il toujours en référence à cet ouvrage de mettre en relation les différents régimes punitifs avec les systèmes de production où ils prennent leur effet cette économie politique du corps Michel fouot comme il écrit Michel fouc la reprend à son compte en montrant qu’elle révèle je le cite une microphysique du pouvoir il semble à la fois indéniable et paradox sal qu’une étude marxiste de l’histoire de la punition relativement ignorée jusqu’alors a influencé le philosophe français inspirateur de ce qu’on a appelé de manière approximative la théorie culturelle du châtiment alors c’est en 1939 que punishment and social structure est publié le sociologue allemand Georg rouche en avait fait on avait reçu la commande par l’institut de recherche sociale qui est le lieu d’émergence de l’école de théorie critique de Francfort qui venait juste d’être créé le livre achevé à Londres où l’auteur s’est réfugié à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir est près l’année suivante mais critiqué par des sociologues chargés de l’évaluer et délaissé par son auteur il est repris amendé et complété plusieurs années plus tard par un autre membre de l’Institut de Francfort Otto kirchheimer exilé à Paris puis à New York le châtiment en tant que tel n’existe pas écrivent les auteurs seul existe des systèmes concr près de châtiment et des pratiques criminelles spécifiques la double question qu’il pose est la suivante je les cite pourquoi certaines méthodes de punition sont-elles adoptées ou rejetées dans une situation sociale donnée dans quelle mesure le développement de technique pénal est-il déterminé par des relations sociales structurelles et pour y répondre il propose une histoire longue du châtiment au Moyen-Âge selon eux le droit féodal et la pénitence impliquent que le dommage fait à une personne soit réparé par une somme d’argent versée à la victime ou sa famille et que le coupable fasse pénitence mais dans la mesure où les pauvres ne sont pas en mesure de régler leurs dettes un châtiment corporel leur est administré il s’agit à travers cette réparation d’éviter que les conflits ne perdurent à la fin de la période médiévale l’augmentation de la population s’accompagne d’une popérisation des paysans et entraîne une recrudescence des rapines des brigandages et des révoltes tandis que la centralisation du pouvoir conduit à la la constitution d’un système pénal plus sévère dans lequel les magistrats deviennent les principaux bénéficiaires des sanctions financières et les ordonnateurs d’exécution capital souvent cruel à partir de la seconde moitié du 16e siècle le contexte économique et démographique se modifie radicalement avec d’un côté lesessort du commerce maritime et des conquêtes coloniales et de l’autre une baisse parfois considérable de la population du fait des guerres des épidémies et des famines cette double conjoncture entraînant une raréfaction de la main d’œuvre et une hausse des salaires au regard de cette nouvelle situation les pratiques punitives se modifient on n’exécute plus car les nations ont besoin de forces vives et l’on adapte les peines aux injonctions du mercantilisme c’est l’époque des galères qui permettent au vaisseaux de fonctionner jusqu’à ce que la voile les remplace des transportations qui fournissent une main d’œuvre pour développer les colonies notamment américaines et australiennes et des travaux forcés dans les maisons de correction légitimant l’exploitation des délinquants et des criminels sur le territoire national avec la révolution industrielle du 19e siècle la prolétarisation d’une partie importante de la population et la constitution d’une armée de réserve de travailleurs sans travail génère une criminalité de survie à laquelle répond à surcroix de sévérité du système pénal alors que se multiplient les prisons destiné avant tout à mettre à l’écart tout comme la relégation des récidivistes qui les éloigne souvent définitivement de la métropole ainsi selon ses auteurs à chaque grande période de l’histoire du monde occidental correspondent un mode de production une situation démographique et un type de gestion pénale des classes des classes populaire cette correspondance stricte entre les trois éléments et l’économicisme qui la soutend ont certes été critiqué à la fois parce que les dispositifs punitifs imaginés à chaque époque étaient loin d’être aussi profitable qu’il le croyait et parce que d’autres logiques tant politique que moral idéologique que symbolique qu’ils ignoraient était aussi à l’œuvre il ne reste pas moins que le livre de Georg rouche et Otto kirchheimer a jeté les bases d’une analyse structurelle du châtiment dans une perspective moins systématique plutôt qu’une histoire c’est d’un généalogie qui a reconstitué le sociologue de l’université de Berkley loï vacant pour comprendre comment pour comprendre l’appareil punitif contemporain aux États-Unis l’incarcération de masse dans ce pays où le nombre de détenus a atteint 2,3 millions en en 2009 après une multiplication par 7 de ce chiffre en un peu plus de 3 décennies a pour corelaire une surreprésentation considérable des minorités et nooraciale et notamment la population noire dont le taux d’incarcération est 5 fois plus élevé que la population blanche soit 900 pour 100000 habitants pour l’ï vacant cette évolution est la dernière étape d’un long processus de domination des Afro-Américains la première a été l’esclavage chattle Savery qui a permis l’extraction d’une force de travail nécessaire au développement du développement du pays par l’importation et l’exploitation d’hommes et de femmes réduits au statut déshumanisé de BI meubles qu’on pouvait vendre et acheter et bien sûr tuer impunément la seconde a été après la guerre civile au terme de laquelle l’esclavage a été aboli l’institution de la ségrégation et la discrimination raciales par les lois Jim Crow voté dans les anciens États confédérés qui ont maintenu les populations noires du Sud dans une position inférieur avec des systèmes séparés de résidences de transport d’éducation de service public tandis qu’en l’absence de terre elle continuait à être exploitée dans le cadre d’un salariat misérable et que pour ceux qu’on emprisonnait pour des délis souvent mineur le dispositif de convict leasing permettait de louer leur force de travail au grand propriétaire le troisème la troisème a été à la suite d’une migration de millions d’Afro-américains vers le Nord pour échapper à ce système la Constitution dans les centres-villes de ghetto po dont une partie des habitants a pu être employé dans l’industrie fordiste pu progressivement dans une économie de service tandis que les autres se trouvant sans activité s’engageit dans des pratiques déviantes de plus en plus sévèrement réprimé enfin après le succès du mouvement des droits civiques malgré la fin officielle des législations discriminatoires et l’obtention d’une égalité formelle le racisme des institutions a persisté ne notamment à travers des politiques de Law and Order la loi et l’ordre qui se sont cristallisé dans la panique morale autour du craque et de l’héroïne et ont conduit à la War on Drugs la guerre à la drogue visant spécifiquement les minorités 4è étape donc cette incarcération de M est l’aboutissement de cette histoire de la domination des Afro-Américains dans un temps où leur force de travail devient moins nécessaire à cause des transformations technologiques dans l’industrie des délocalisations des activités de production et de la concurrence des migrants sur le marché de l’emploi le chômage la pauvreté et la criminalité deviennent le lot de cette population vu comme surnuméraire dont l’économie a désormais moins besoin que la répression met à l’écart de la société et dont l’emprisonnement massif fait baisser les chiffres officiel du chômage on passe ainsi d’une logique du workf à une logique du pron fair autrement dit d’une régulation des pauvres par le travail et l’aide sociale à une régulation des pauvres par la prison et l’exclusion sociale le moment est venu de tenter une synthèse de la reproduction de l’inégalité à travers les politiques punitives développé au fil des dernières décennies dans les pays occidentaux les États-Unis en ont fourni le modèle le plus extrême mais l’Europe de l’Ouest n’a pas été épargné parler d’inégalité signifie penser la société dans son ensemble plutôt que de se focaliser sur les seules catégories les plus modestes comme on tend souvent à le faire et par conséquent à s’attacher à comprendre à la fois comment on sanctionne les classes populaires et comment on épargne les classes privilégiées ce que j’ai essayé de faire les travaux historiques que j’ai évoqué ont montré de quelle manière depuis de siècles et demi la geste des pauvres s’était effectué en bonne part à travers un double mécanisme de pénalisation et d’incarcération les classes laborieuses étant devenu des classe dangereuse selon la formule de l’historien Louis Chevalier et du reste d’autant plus dangereuse qu’elle devenait moins laborieuse lorsqu’une partie d’entre elles s’est trouvé frappé par le chômage ce double mécanisme s’est intensifié dans les années 1970 aux États-Unis et au cours de la décennie 1980 en Europe de l’Ouest conduisant à une production en excès de délinquants et de prisonniers dans les milieux populaires avec une surreprésentation des minorités ethnraciales et il s’est accompagné d’un processus parallèle de dépénalisation des élites économiques et politiques ainsi que de protection des mondes de l’entreprise et de la finance processus moins visible car opérant en quelque sorte par défaut contraste avec l’excès précédent par défaut et de surcroit occulté par la médiatisation de rares affaires qui donnent l’impression que la justice frappe aussi les riches et les puissants cette période se caractérise par deux phénomènes majeurs premièrement une progression des disparités économiques marqué surtout aux deux extrêmes de la hiérarchie sociale c’est-à-dire les très riches et les plus pauvres disparités qui se traduisent d’ailleurs en terme de santé puisque l’espérance de vie des 5 % les plus fortunés en France est de 13 ans supérieur à l’espérance de vie des 5 % les plus modestes deuxièmement une financiarisation de l’économie avec un décrochage entre l’activité financière dont la dérégulation produit à la fois des enrichissements considérables et des bulles génératrices de crise grav et l’économie réelle dont les décisions en matière de production de localisation d’innovation dépendent de plus en plus des évolutions boursières c’est dans ce contexte plus large qu’il faut appréhender la reproduction de l’inégalité sociale y compris dans sa dimension punitive les pouvoirs publics jouent un rôle essentiel dans ces transformation au risque de simplifier on peut distinguer autour de la question de la faculté de punir quatre figures de l’État contemporain que j’analyse en référence implicite au cas français mais avec lequel il est facile de faire des parallèles avec d’autres pays notamment en Europe quatre figures qui prolongent et complexifie en quelque sorte le dualisme de la main droite et de la main gauche proposé par Pierre Bourdieu pour décrire l’état premièrement l’état néolibéral entant faciliter le développement de l’économie de marché par des interventions de dérégulation ce qui fait de ce qui fait obstacle à l’essort des entreprises y compris en supprimant des contraintes légales en matière de contrôle des déviances et en atténuant les conséquences des infraction à la loi par le développement de solutions négociées ainsi les élites t économique que politique se trouve-t-elle à l’abri des rigueurs de la justice deuxièmement l’état social sétio sous l’effet d’une logique qui vise à réduire à la fois les dépenses publiques et les charges fiscales avec une multiplication de mesures restrictives des droits et des allocations en matière de chômage de maladie de retraite de logement de formation notamment ainsi les classes populaires constatent-elles la diminution de leurs prestations sociales au moment même ou leur pouvoir d’achat baisse tandis que la plupart des programmes de l’action sociale de l’éducation nationale de l’insertion par le travail de l’aide au retour à l’emploi et de la prévention de la délinquence pâtisent du déclin de leur subvention troisièmement l’état punitif se renforce sous l’effet du populisme pénal dans les mondes politiques et médiatique de législation plus sévère de répression policière plus dure de décisions judiciaire plus inflexible cette évolution punitive n’affecte cependant pas tous les segments de la société de la même manière car en choisissant de s’en prendre à certains types de délit elle oriente les sanctions contre les classes populaires de plus elle suppose de protéger les exécutants de cette action politique et donc de garantir à la fois d’importantes prérogatives et une large impunité aux forces de l’ordre enfin l’État libéral au sens du libéralisme politique cette fois d’un côté institue certaines dispositions juridiques visant à reconnaître des droits individuels formel au justi au justiciable y compris en prison et ce notamment parce qu’il est tenu de mettre en œuvre les directives et les législations de l’Union européenne ce qui n’empêche pas qu’il soit régulièrement condamné par la Cour européenne des droits de l’homme dans ce cadre et d’un autre côté cet état libéral utilise le principe de libre arbitre et de responsabilité morale pour faire reposer la totalité de la charge sur les individus accusés de délits ou de crime comme on le constate entre autres dans l’adoption de législation restreignant le champ de l’application de l’irresponsabilité pénale pour les personnes présentant une maladie mentale qui les prive de discernement au moment où elles ont commis un acte délinquent ou criminel ce que la Commission nationale consultative des droits de l’homme a récemment critiqué la mise en relation de ces quatre figures de l’État néolibéral social punitif et libéral autour de la faculté de punir permet ainsi d’élargir la perspective au-delà du seul châtiment afin de mieux comprendre la manière dont les politiques contribue à la reproduction de l’inégalité devant la peine je vous remercie [Applaudissements] [Musique]

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