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Migrants : c’est la crise entre Paris et Rome #cdanslair 10.11.2022
Bloqué en Méditerranée avec 234 migrants à bord et objet d’un bras de fer entre la France et l’Italie, le navire humanitaire Ocean Viking va finalement pouvoir accoster ce vendredi à Toulon, a annoncé le ministre de l’Intérieur à l’issue du Conseil des ministres. Dénonçant un “choix incompréhensible” de l’Italie de ne pas proposer de port d’accueil au bateau ainsi qu’un “manque d’humanité et de professionnalisme” de la part de Rome, Gérald Darmanin a ajouté qu’”un tiers” de ses occupants seraient relocalisés en France. Un peu plus tôt, l’évacuation vers l’hôpital de Bastia de trois personnes avait déjà été annoncée. Selon l’ONG SOS Méditerranée, qui affrète le bateau humanitaire, il s’agit de trois migrants qui “sont dans un état de santé grave et ont besoin d’une prise en charge hospitalière”.
L’Ocean Viking est l’un des quatre navires ambulances ayant secouru des migrants, pour certains il y a presque trois semaines, entre la Libye et l’Italie, alors qu’ils tentaient de rejoindre l’Europe sur des embarcations de fortune. Trois d’entre eux ont obtenu l’autorisation ces derniers jours d’accoster dans des ports italiens. Mais Rome n’a autorisé dans un premier temps qu’une partie des rescapés à descendre à quai, essentiellement les femmes et les enfants, au grand dam des organisations humanitaires qui ont dû mener d’âpres négociations avec le gouvernement italien pour parvenir à débarquer l’ensemble des passagers. L’Ocean Viking, en revanche, n’a pas reçu le feu vert de l’Italie, à côté de laquelle il naviguait encore mardi et les services de la nouvelle Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni avaient fait savoir qu’elle remerciait la France, qui, selon elle, acceptait d’accueillir le navire dans l’un de ses ports.
Dans la foulée la tension était montée d’un cran entre Paris et Rome. Les autorités françaises opposant un démenti et dénonçant le “comportement inacceptable” de leurs homologues italiennes, “contraire au droit de la mer et à l’esprit de solidarité européenne”. Bruxelles, de son côté, avait appelé au débarquement immédiat de tous les migrants.
Finalement la France a décidé d’accueillir vendredi le navire à Toulon “à titre exceptionnel”. Mais quatre ans presque jour pour jour après l’Aquarius, la question de l’accueil des migrants oppose de nouveau la France et l’Italie, dont le gouvernement est une nouvelle fois dirigé par une coalition nationaliste. Pour Matteo Salvini hier comme pour Giorgia Meloni aujourd’hui, il s’agit de pousser l’Europe à plus de solidarité avec Rome mais aussi de donner des gages à leurs électeurs sur la question de l’immigration, thème de prédilection de l’extrême droite dans le pays.
En France, cette question de l’accueil divise également la classe politique. Si la Nupes estime qu’il y avait urgence à venir en aide à ces personnes rescapées et presse depuis plusieurs jours Emmanuel Macron à accueillir le navire, les Républicains et le Rassemblement national y sont opposés. Marine le Pen s’est fendue ce jeudi d’un tweet pour dénoncer un “signal dramatique de laxisme” : “Avec cette décision, [Emmanuel Macron] ne peut plus faire croire à personne qu’il souhaite mettre fin à l’immigration massive et anarchique”. “Ce serait une faute, une erreur” d’accueillir ce bateau dans un port français, avait estimé Éric Ciotti sur Radio J hier. “Ce serait donner un signe pour les passeurs qui exploitent la détresse humaine”, a-t-il ajouté, soucieux de “sauver” les personnes à bord, mais qui devront selon lui ensuite être reconduites à leur point de départ. Le président du groupe Modem à l’Assemblée, Jean-Paul Mattei, s’était lui dit prêt à “regarder avec une certaine ouverture d’esprit” la proposition du président de l’exécutif corse Gilles d’accueillir l’Ocean Viking sur l’île de Beauté. “À cas exceptionnel, condition exceptionnelle”, avait-il ajouté.
Un point de vue qui ne satisfait pas en revanche la gauche. “Il est grand temps que l’Europe mette en place une vraie politique. On ne peut pas, au cas par cas, se dire, ’qui va le faire’”, avait déclaré la député socialiste Christine Pirès-Beaune.
Alors que prévoit le droit européen ? Que se passe-t-il en méditerranée ?
Immigration, Europe… Que veut faire Giorgia Meloni ? Et quelle est la situation à bord du navire Ocean Viking ? Enfin comment s’organise l’accueil des migrants en France ?
Experts :
– Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman et auteur de “Européen sans complexe”
– Marc Lazar, professeur d’histoire et de sociologie à Sciences Po et spécialiste de l’Italie
– Soazig Quéméner, rédactrice en chef du service politique – Marianne
– Anna Bonalume, journaliste italienne et auteure de “Un mois avec un populiste”