Colloque : Lumières médiatiques
Conférence du 19 juin 2024 : Le journalisme scopique : regarder le monde
Session 5 – Les imaginaires médiatiques
Intervenante : Hélène Boons, Université Paris Nanterre
Retrouvez les enregistrements audios et vidéos du cycle et son texte de présentation :
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Chaire Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle
Professeur : Antoine Lilti
Retrouvez tous les enseignements du Pr Antoine Lilti :
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[Musique] alors on peut une nouvelle fois remercier le comité d’organisation parce que voilà un programme bien construit on voit très bien là les liensin entre ce que nous a raconté Yve autour de cette posture d’apocalypse là ces gens qui vont se mettre à révéler en fait et Simon linguet c’est vraiment comme ça qu’il se présente par exemple dans son conflit avec les économistes libéraux les physiocrates il se pose en révélateur en racontant ce que tu disais également au départ en racontant n’importe quoi hein parfois en racontant des histoires complètement délirante sur le père de turgo sur du pont de nemour et cetera et cetera avec un un don très très fort pour s’attirer les ennuis et quelqu’un qu’on pourrait imaginer tu parlais de Trump sur le plateau de ces news ça marcherait très très bien très très bien alors on va passer à notre dernière intervention euh donc Hélène je vous en prie installez-vous donc hélenne Bones vous êtes maîtresse de conférence en littérature du 18e siècle à l’université parinanre vous êtes autrice d’une thèse qui s’intitule un journaliste d’expression personnelle espion et spectateur dans la ville des lumières 1709 1799 vous avez dirigé en 2020 un dossier de la revue d’histoire littéraire de la France consacrée au Baby au 18e siècle la parole bavarde hors des hors des cadres contraints et vous travaillez en ce moment la publication d’un volume codirigé avec Lucien de Renn consacré aux études de murs entre le 18e et le 19e siècle et aujourd’hui vous allez nous parler du journalisme scopique tout à fait merci beaucoup c’est à vous donc bonjour Merci beaucoup au comité d’organisation merci beaucoup à Antoine Lilti c’est un honneur d’être ici je suis très contente de venir vous présenter un ensemble de textes peu connus du siècle des Lumières un ensemble peu connu aussi parmi les spécialistes de la presse un ensemble qui relève beaucoup de ce qu’on rapprocherait nous de la littérature dans le sens où il engage un rapport à la fiction et à la fiction de soi qui est très présente donc le journalisme scopique regardez le monde vaste programme je commencerai d’emblé par une première partie le monde et le moi un paradoxe de la presse des lumières je voudrais présenter ce paradoxe et pour se faire commencer par citer un périodique français datant de 1760 écrit par un auteur appelé Jean-François de bastide périodique qui s’intitule le monde alors le journal ressemble très peu à notre quotidien bien connu en France euh ce périodique relève en partie d’une forme périodique propre au 18e siècle celle des spectateurs que je présenterai ensuite alors c’est un journaliste qui parle et qui nous dit je ne suis point journaliste et non si j’écris l’histoire des meœurs ces meurs ont de tout temps subsister mon travail est journalier mais mon objet ne l’est pas on était fou avare ingrat envieux il y a 1000 ans comme aujourd’hui j’embrasse tous les temps et ce n’est que de cette façon que je puis peindre tous les hommes il en échappera sans doute beaucoup au flambeau qui me guide dans mes recherches mais ce sera la faute de ma vue et non pas de mes vu en un mot je suis spectateur et non pas journaliste c’est-à-dire historien et non pas gazotier donc déclaration de principe de la part de de Jean-François de bastide il ne faut pas être grand clair pour repérer ici deux des thèmes clés de l’intervention que je propose aujourd’hui le monde titre du périodique dont les connotations se retrouvent dans cette prétenion dans l’extresscité à une une forme d’exhaustivité et d’universalité il s’agit de parler de tous les hommes d’autre part second thème clé le regard euh puisqu’il s’agit donc de peindre tous les hommes à l’aide de la vue et de se désigner en tant que spectateur alors attention le monde ici n’est pas un terme qui invite à considérer l’intégralité du globe le monde ici n’est pas pris dans son sens physique mais dans son sens mondain celui de la société des hommes celui qui vit enfin le Mondin étant au 18e siècle celui qui vit parmi les hommes par opposition à celui qui se consacrerait à la réclusion monacale il s’agit donc pour ce spectateur journaliste d’étudier les hommes dans une visée queon rapprocherait aujourd’hui plutôt descit de la Bruère ou de laaroche fouco pour le résumer très grossièrement il s’agit d’observer les meœurs qui sont perçus comme beaucoup plus durables qu’une actualité éphémère le journaliste je le baptise ici comme cela malgré lui par commodité le journaliste ajoute une analogie le spectateur est historien et son ennemi le journaliste serait gazotier bon le faudrait faire une petite précision terminologique ici puisque ces mots n’ont pas au 18e siècle le sens qu’ils ont aujourd’hui le mot journaliste au siècle des Lumières signifie l’auteur de journal oui mais plus encore il a tendance à se doter de connotation péjorativ on en a un petit peu parlé hier avec l’intervention de Marion bretcher et le mot journaliste tend à désigner en particulier le critique celui qui commente les activités les productions d’autrui euh il désigne aussi potentiellement le vulgaire compilateur de nouvelles le gazetier il est connoté péjorativement et nombreux sont les auteurs de périodique à refuser comme Jean-François de bastide le terme de journaliste ici bastil lui substitue un autre terme celui de spectateur en effet les journalistes et notamment les critiques sont vilipandés par les philosophes des Lumières plus spécifiquement par la génération des encyclopédistes le paradoxe au 18e siècle paradoxe passionnant et bien que nombre des encyclopédistes se font à l’occasion journaliste et que l’activité de journaliste n’est pas nécessairement dissociable de siècle de pardon de celle de l’écrivain le journaliste étant avant le journalisme étant avant tout un support et donc un support de publication comme un autre prenons l’exemple par exemple de Antoine prévau le célèbre auteur de Manon lesco qui est aussi le créateur et l’auteur d’un périodique le pour et contre qu’il publie de 1733 à 1740 prévaut ça donne au journalisme en grande partie pour des raisons économiques car les journaux se vendent permettent aux auteurs souvent d’obtenir une bonne rémunération quand ils savent s’y prendre et prévud est un homme qui sait s’y prendre qui sait négocier les contrats juteux et qui a du flair ce n’est pas anodin qui se consacre au journalisme Jean-François de bastide de même est aussi romancier compteur et en l’occurrence dans ces années 1758 1760 il se sert du support périodique pour diffuser ses comptes moraux pourquoi il est dans une situation sitation de concurrence avec Marmontel qui est en train de sortir pas mal de comptes Morau aussi dans le magazine d’actualité culturelle on baptiserait comme ça aujourd’hui le Mercure de France Marmontel a commencé à publier ses comptes moraux à peu près en même temps que bastide dans ce périodique le problème c’est qu’en 1758 Marmontel prend la tête du Mercure de France bastide se doute que ses comptes moraux à lui vont être réduits à poau de chagrin et se lance dans une entreprise périodique donc il y a vraiment le sens aussi de pouvoirf l’idée de pouvoir diffuser ses propres activité ses propres textes j’aimerais maintenant euh passer à un autre extrait euh qui me permettra d’illustrer la position ambivalente des auteurs et des philosophes des Lumières vis-à-vis du journalisme citation de l’encyclopédie dans un article de didro lui-même l’article journaliste je lis journaliste substantif masculin littérature auteur qui s’occupe à publier des extraits et des jugements des ouvrages de littérature de science et d’art à mesure qu’il paraisse jusqu’ici le jugement est neutre d’où l’on voit qu’un homme de cette espèce ne ferait jamais rien si les autres se reposaient le jugement commence à s’infléchir légèrement il ne serait pourtant pas sans mérite s’il avait les talents nécessaires pour la tâche qu’il s’est imposé il aurait à cœur les progrès de l’esprit humain il aimerait la vérité et rapporterait tout à ces deux objets je m’interromps ici pour l’instant la citation est en de temps et repose sur un balancement très net ne rien faire si les autres se repose cela assimile directement le journaliste à un parasite selon une critique topique du siècle des Lumières didro n’innove pas ici il s’insère dans toute un ensemble de critiques toujours de la part souvent des encyclopédistes qui se retrouvent souvent la cible des attaques des journalistes donc qui qui se qui se défend en quelque sorte quand Bastit dit je ne suis pas journaliste il refuse de s’accoller l’étiquette d’un espèce de compilateur limité au présent toutefois deème temps de la citation il s’agit d’avoir à cœur les progrès de l’esprit humain et d’aimer la vérité voilà qui se reproche très étroitement de la définition du philosophe selon la même encyclopédie il y a donc une proximité très une porosité très grande entre la posture du journaliste et l’ambition philosophique ce potentiel philosophique de l’activité journalistique est récurrent au 18e siècle Voltaire par exemple qui est connu pour sa véritable haine à l’égard des journalistes qu’il a dû subir dont il a subi les critiques Voltaire écrit pourtant à des tion d’un philosophe clandestin Boyer d’Argin des conseils à un journaliste en 1737 dans lequel il incite le jeune auteur à s’adonner un journalisme de type encyclopédique visant à la diffusion des connaissances il faut donc être enfin les philosophes des Lumières sont sensibles à la force de frappe de ce support mobile apte à s’insinuer partout didro possède la même ambition comme l’illustre la suite de l’article et et il reconnaît aussi la complexité de cette ambition philosophique je continue donc la lecture de la citation un journal embrasse une si grande quantité de matière qu’il est impossible qu’un seul homme fasse un médiocre journal on n’est point à la fois grand géomètre grand orateur grand poète grand historien grand philosophe on a point l’érudition universelle alors attention au contesens possible par médiocre didro ici en temps moyen selon le sens réel de cet adjectif qui n’est plus plus employé dans ce sens aujourd’hui j’ai pas envie de dire qu’il est mal employé parce que j’ai tendance à croire que si les mots évoluent tant mieux on va dire qu’il est pas employé de la même façon qu’au 18e siècle ce que veut dire didro c’est qu’un seul homme ne peut réussir à lui seul à produire un journal correct car il est impossible de posséder toute l’érudition nécessaire à l’ambition journalistique et didro appelle ensuite à la production d’un journal produit par une communauté de savants de personnes éclairées ça peut vous rappeler quelque chose comme le projet encyclopédique par exemple alors didro ne fait pas le rapprochement mais ce à quoi il appelle c’est bien la production d’un Journal encyclopédique produit par des personnes éclairées des philosophes donc une encyclopédie bis qui passerait par le support périodique dans la suite de l’article journaliste il revient sur les qualités qui sont nécessaires au bon journaliste le bon journaliste est vraiment un espèce d’idéal fantasmatique du siècle des Lumières c’est quelque chose qui revient tout le temps quelque chose auquel on n jamais vraiment acc mais qui est là qui miroite au fond l’excellent journaliste je citerai quelques-unes des qualités de l’excellent journaliste il doit avoir des connaissances du goût de la sagacité il doit être équitable et ne pas donner dans la satire ou la critique assassine là on sent les auteurs de l’encyclopédie qui sont énervés contre ces journalistes qui parfois leur tapent dessus assez sévèrement le bon journaliste ne doit pas plagier les auteurs qu’il cite ou qu’il commente et il doit respecter les hommes de génie qui donne comme exemple montesquieux Buffon Voltaire donc personnes qui sont des encyclopédistes ou des proches du cercle et enfin alors je donne pas toutes les qualités de la suite de l’article qui est assez long euh je ouis je vais pas énumérer toutes les qualités nécessaires au journalistes mais j’en donnerai une dernière le bon journaliste doit être aussi mesuré dans son enthousiasme et donc c’est moi qui fait ce lien là savoir modérer sa subjectivité cet ensemble de points semble dessiner de quelqu’un qui aurait un jugement éclairé jugement qui ne s’affirme pas dans sa partialité et dans sa subjectivité propre puisqu’il s’agit d’écrire à plusieurs de viser l’équité et de ne pas s’adonner à l’expression d’une passion aussi subjective et nocive pas toujours chez lidro bien entendu mais en tout cas une passion dangereuse comme l’enthousiasme à présent j’aimerais revenir à l’autoportrait après ce détour j’aimerais revenir à l’autoportrait proposé par Jean-François de bastide dans le monde je voudrais mettre au jour un paradoxe ici dans cette citation que j’ai lu tout à l’heure l’ambition est bien de peindre tous les hommes on retrouve cette prétenion à l’exhaustivité il s’agit d’embrasser tous les temps euh donc ambition de la part du journaliste comme s’il revenait à cet homme de se faire l’historien selon le terme qu’il emploie lui-même du temps présent pourtant le journaliste assume dans cet extrait un prisme absolument subjectif bon déjà il emploie la première personne du singulier cela le révèle assez c’est un phénomène stylistique aussi récurrent dans la presse du 18e siècle qu’on appelle presse ensemble très très diversifié qu’on appelle la presse d’expression personnelle et sur lequel Alexis levrier fait porter ses travaux mais non contant d’imposer la première personne du singulier le journaliste impose un regard sur le monde et il le dit bien s’il y a des erreurs elles seront imputables à sa vue mais non pas assees vu que signifie cette distinction la vue file la métaphore du spectateur l’idée c’est que la vue du journaliste peut être plus ou moins bonne c’est assumer une part d’erreur dans la production journalistique en tout cas les erreurs ne seront pas imputables à ses vues c’est-à-dire à ses ambitions donc le BIA subjectif assumé et ses limites n’est pas enfin ne sont pas perçus comme une gêne et ne paraissent pas devoir contrevenir à l’équité comment comprendre cela en se penchant sur cette famille de texte que j’ai regroupé sous le terme de journalisme scopique un ensemble de textes qui tout au long du 18e siècle mettent en scène un journaliste fictif qui ne correspond pas au journaliste réel et qui exerce un regard sur le monde et qui délivre ensuite le résultat de ces observations dans son journal alors ce sera le second temps de cette intervention le journalisme Scop configurer la déontologie journalistique je voudrais montrer le lien entre cette famille de texte et des essais de configurer euh l’éthique professionnelle journalistique alors qu’est-ce que ce journalisme scopique je vais faire un petit un petit point là-dessus il y a un paradigme optique et un paradigme communicationnel qui parcourt la presse du 18e siècle bon il relève plus globalement d’un dispositif plus vaste et propre aux modalités de la réflexion philosophique du temps la figure du tiers critique c’est une formule qu’emploie Bertrand Binoche dans son ouvrage écraser l’infâme philosophé à l’époque des lumière le parangon de ce tiers critique pour nous lecteurs du 21e siècle c’est le couple de Persin usbec éica qui se promène dans Paris et délivre selon un point de vue décentré un ensemble de critiques sur la France ainsi également que sur leur propre Orient donc tiers critique qu’on retrouve massivement dans la littérature du 18e siècle et dont on trouve une incarnation dans la presse à travers ces deux figures celle du spectateur et celle des espion donc deux personnages de journalistes qui donnent lieu à tout un ensemble de titres qui peuvent être plus ou moins fantaisistes le spectateur français le nouveaux spectateurs l’espion anglais l’espion français l’espion chinois et cetera ces personnages impose une parole directe qui prétend à la transparence on a un personnage qui impose un et qui impose son regard donc impose une parole directe qui semble transparente et en même temps qui impose aussi un écran entre le journaliste réel et le contenu du journal puisque ce n’est pas lui qui parle mais son personnage fictif pour faire un point sur le personnage du du spectateur c’est un personnage une figure qui est importée de la presse anglaise à partir du début des années 1710 Joseph Addison et Richard Steele publie 271 à 1714 le quotidien spectator dont le personnage principal s’appelle Mister spectator alors qui est Mister spectator c’est un homme âgé qui a vécu par le passé mais qui est revenu de tout et qui est apte donc qui a surmonté les passions qui est apte à regarder le monde et à livrer ses conclusions philosophiques sur les meurs de ses contemporains il est donc ancré dans un territoire citadin spécifique celui de Londres et il se promène dans les espaces publics ou semiu londonien je vous ai mis le premier numéro ici l’image du premier numéro de de la tradu sur lequel je vais pas m’apppesantir euh si jamais cet ensemble enfin pardon je voulais dire que ce quotidien est traduit et imité assez rapidement dans toute l’Europe si cela vous intéresse vous trouvez en ligne une base de données qui a été établie par l’Université de Gratz en Autriche moralev oan shrifton pour vous montrer l’ampleur de ce phénomène européen la base de données regroupe la numérisation de nombreux journaux de type spectateur dans toute l’Europe donc vous avez la section Angleterre France Allemagne Italie Espagne Portugal et on trouve effectivement des titres qui à chaque fois impose l’idée le la figure d’un personnage qui est souvent regardant ainsi en Italie on a une spectatrice ici un observateur toscan un philosophe à la mode un Socrate vénétien vénétien pardon et en Espagne un senseur on écriv s titrre un un penseur mexicain et cetera et en France tout un ensemble d’autres titres donc une base de données très précieuse qui permet de prendre en compte c’est pas là de prendre en compte l’ampleur du phénomène européen des spectateurs euh oui pour vous donner donc une idée en extrait du du spectateur anglais je vais citer la traduction ici pour vous donner une idée du ton de ces textes c’est le premier numéro du périodique dans lequel Mister spectator décrit sa méthode sa démarche il y a déjà quelques années que je réside à Londres où l’on me voit souvent dans les endroits les plus fréquentés de la ville quoi qu”il n’y ait qu’une demi-douzaine de bons amis qui me connaissent et que je vous caractériserai un peu en détail dans mon second discours il n’y a point de rendez-vous public où je me trouve quelquefois je me glisse au milieu d’un cercle de politique dans le café de Guillaume et j’écoute avec une grande attention tout ce qui se dit dans ces petites assemblées quelquefois je fume une pipe au Café de Child et lorsqu’on me croit le plus occupé à la lecture du postillon je prête l’oreille à tous les raisonnements que se font à chacune des tables qu’il y a dans la chambre qui se font pardon à chacune des tables qu’il y a dans la chambre le dimanche au soir je parais au Café de Saint-Jacques et cetera et cetera j’interromps ma lecture ici le journaliste définit sa méthode en France cette vogue est patente jusqu’à la fin du 18e siècle jusqu’à la Révolution marieau y adonne avec trois périodiques dont le spectateur périodiques qui sont disponibles qui ont été réédités en poche si cela vous intéresse et très récemment chez il y a une dizaine d’années chez Garnier flamarion euh alors je voudrais à présent insister sur un point le périodique anglais il est traduit en français et il est diffusé en 6 volumes à partir de 1716 et jusqu’en 1726 j’insiste sur ce point qui dit quand même beaucoup de la proximité entre support périodique et non périodique au 18e siècle et qui est essentielle si l’on veut je pense comprendre quelque chose à la presse du 18e siècle ça ressemble souvent à des livres les journaux qu’on lit le texte est donc découvert par un public français dans un format de volume nombreux sont les journaux apparaîtrent sous le sous la forme de petit cahiers reliés comme des petits livres voire directement en volume donc très peu de journaux tels que nous les visualisons aujourd’hui et qui correspondrait au format du monde ou de libération pourquoi j’insiste là-dessus parce que cela interroge le statut éphémère ou non de ces textes et de leur contenu c’est en effet heureusement grâce à ces publications en volume que nous avons gardé trace d’une grande partie des périodiques du 18e siècle qui sinon serait sans doute détruit ou perdu et la publication en volume est déjà perçu à l’époque comme une preuve du succès de l’œuvre pour les journaux qui sont diffusés en petites feuilles volantes être réédité en volume signifie que le journal a eu du succès qu’il mérite d’être conservé euh là-dessus le 19e siècle hyper presque car la réédition y est un peu moins fréquente et j’aimerais faire un petit détour par le par le 19e siècle Jules Valès souhaite d’ailleurs produire un journal d’une qualité telle qu’il serait présent dans les bibliothèques je pas m’arrêter longtemps sur cette citation mais c’est un journal que Valis a créé qui s’appelle la rue qui date de 1867 et il a l’ambition que la rue je cite c’est le deuxème paragraphe devienne la tribune du peuple le confident de l’individu non pas le journal de quelques-uns mais l’œuvre de tous et je continue ce ne serait point une feuille seulement amusante et frivole une publication éphémère et banale tas de papi qu’à la fin de l’année on revend où l’on brûle c’est vrai que le feu médiatique ça peut être aussi le feu qui détruit ces feuilles aussi fragiles et c’est peut-être d’ailleurs le paradoxe ou l’insolence suprême de ce support qui est tellement fragile et qui réussit pourtant à embraser les imaginations ce serait donc à un chapitre par semaine l’histoire pittoresque exacte et saisissante d’un pays étrange et passionné on aurait au bout d’un temps dans un coin de sa bibliothèque la vie moderne tout entière renfermée donc ambition de passer au stade de la [Musique] bibliothèque extrait qui fait écho avec une citation de Rousseau qui dévalue le support périodique et qui de même mobilise pour dévaluer ce support sa fragilité ainsi bien entendu que le fait que le journal est est lu par des femmes pardon qu’est-ce qu’un livre périodique c’est un ouvrage éphémère sans mérite et sans utilité dont la lecture négligée et méprisée par les gens les trit ne sert qu’à donner aux femmes et aux saut de la vanité sans instruction et dont le sort après avoir briller le matin sur la toilette et de mourir le soir dans la gare d’Europe donc condamnation du jour journal trop fragile le journal trop frivole et au 18e siècle cette haine cette critique du journal est patente et il y a on peut considérer que les journalistes ne cessent de configurer des dispositifs leur permettant c’est une hypothèse que je soumet leur permettant de lutter contre cette attaque permanente et les spectateurs et les espions sont un moyen de cette lutte je vais maintenant préciser il me reste je crois 9 minutes ou là là attention c’est vraiment juste pour m’embêter ça ça marchera pas 9 minutes donc et 9 minutes donc pour dire ce qu’autorise le regard du spectateur et celui de l’espion dans ce lien avec la déontologie alors premère premier point ces formes de journalisme d’expression personnelle autorisent une reconfiguration individuelle de l’expérience vécu de l’expérience journalistique au service de la cohésion du journal alors qu’est-ce que je veux dire par là pourquoi je dis que le journal a besoin d’aide pour être cohérent parce que cette peur de l’obsolescence et de la destruction au 18e siècle va aussi avec une peur de la dispersion des sujets si on a peur que les feuilles volantes se perdent se brûlent c’est aussi que leur contenu ne serait peut-être pas assez précieux serait trop éclaté pour mériter d’être conservé le choix de ces personnages type espion ou spectateur permet une reconfiguration du temps parce qu’ils imposent un regard qui unifie les perspectives fragmenté risque inhérent à celui de la forme périodique he celui de la dispersion dispersion du regard des sujets de la parole c’est ce qu’on peut voir dans un extrait assez connu du spectateur anglais toujours le premier numéro alors c’est au début du deuxème paragraphe je vis ainsi dans le monde plutôt comme un spectateur du genre humain que comme un individu de la même espèce de sorte que je suis devenu par là un politique un soldat un marchand et un artisan du moins pour la théorie sans mettre mêlé jusqu’ici de la pratique le mouvement est double la position de spectateur permet la démultiplication se tenir au rôle de spectateur permet de ne jamais agir peut-être de ne jamais choisir regarder revient à s’investir dans la société sans prendre une place fixe mais l’unicité du regard autorise en retour une saisie cohérente du monde qui autorise aussi l’ambition philosophique et l’exercice d’une pensée suivie je prendrai comme autre exemple un extrait très connu mais que j’aime beaucoup citer du du du spectateur français périodique rédigé par marivau de 1721 à 1724 avant que marivo s’illustre dans la carrière théâtrale le journalisme toujours souvent aussi un moyen de faire un coup d’essaiis pour des écrivains qui ont envie de s’adonner à l’écriture le personnage qui di je donc est un spectateur français qui commence ainsi un de ses numéros euh euh voilà on est à la 5e feuille pour situer rapidement ce texte nous sommes peu après l’entrée de l’Infante dans Paris l’infante d’Espagne promise au jeune Louis XV qui entre dans Paris dans une cérémonie spectaculaire en mars 1722 la Gazette Journal Officiel avalisé par le pouvoir donne un compte-rendu officiel de l’événement qui s’arrête sur le le caractère monumental de cette cérémonie maintenant j’aimerais lire ce que propose ces journaux qui comment dire qui incite à jeter un regard assez décentré sur le monde parce que marivo ici va disons s’éloigner de l’événement tel qu’il pourrait être traité dans la Gazette j’ai promis un rêve je m’en rouviens mais c’est un rêve qui ne roule que sur l’amour amis lecteur en vérité cela peut se différer donc premier signe d’indifférence vis-à-vis de ce qu’on a dit précédemment je me sens aujourd’hui dans un libertinage d’idée qui ne peut s’accommoder d’un sujet fixe expression du humeur personnelle subjective qui invite donc à passer d’une idée à l’autre sans cohérence nécessaire je viens de voir l’entrée de l’Infante j’ai voulu parcourir les rues pleines de monde c’est une fête délicieuse pour un misanthrope que le spectacle d’un si grand nombre d’hommes assemblé c’est le temps de sa récolte d’idées cette innombrable quantité d’espèces de mouvements forme à ses yeux un caractère générique à la fin tant de sujets se réduisent en un ce n’est plus des hommes différents qu’il contemplent c’est l’homme représenté dans plusieurs M on voit que le texte se détourne complètement de l’événement pour se tourner plutôt vers la description du public qui se trouve représenter dans le média qui le journal le public qui regarde l’événement et en fait marivo ne va pas s’intéresser au public qui regarde l’événement la curiosité du journaliste va se porter dans la suite du texte sur un savetier qui doit travailler et qui n’a pas le temps de regarder l’entrée de l’Infante dans Paris parce qu’il doit travailler pour gagner son pain et c’est finalement avec cet individu que le journaliste va s’entretenir on voit qu’ il y a ici une cte philosophique voire anthropologique saisir donc l’homme représenté potentiellement dans plusieurs mes ainsi au 18e siècle le journal devient le support de l’étude anthropologique en raison de sa forme même qui autorise une saisie très souple très enfin renouvelé et nuancé de ces objets d’intérêt j’aimerais à présent en venir à une seconde apport euh de ce ce dispositif du personnage dans la presse ses spectateurs et ses espions Christ ise une tension entre biéance et subversion pourquoi parce que le spectateur est un personnage qui relève des codes de l’attitude mondaine c’est un homme raisonnable sérieux qui peut pénétrer dans des cercles mondains de façon très libre et très raisonné qui et très raisonné qui se tient au code de la bienséance de l’autre on a ces familles on a cette autre famille de texte celle des espions qui se fait beaucoup plus subversif qui assume une part de marginalité qui serait peut-être inhérente à l’enquête journalistique et qui se trouve donc formulé dans ces textes de façon implicite les espions constituent une famille de textes qui apporent un contrepoint beaucoup plus subversif à celle des spectateurs c’est une forme périodique publiée pendant les guerres européennes quelques titres un titre l’espion anglais ou correspondance entre milord all ey et milord all texte qui date de 79 à 84 donc milord touttieux et mord tout oreille euh ces journalistes se mettent en scène en tant que canaille ils évoquent l’actualité politique de façon beaucoup plus directe que les spectateurs qui se concentrent sur des sujets philosophiques et moraux et ces textes type espion en viennent même à formuler une définition du journalisme qui passerait par l’attitude de l’espionnage alors là c’est un extra que je nai pas par de temps mais je passe donc à cette citation d’un périodique de Jean-Jacques rutlich qui s’appelle le babillard comme je le disais le paradigme optique et communicationnel sont liés et dans le babillard rutlich se met en scène en tant qu’espion j’ai toujours pensé qu’un infatigable espion qui connaîtrait tout le monde qu’un questionneur à droit et subtil qui vous démêlerait avec politesse les tenants et les aboutissants d’un homme ferait des ouvriers aussi essentiels à la fabrication d’un journal moderne que l’écrivain éloquent et docte qui en rassemble les membres éparts et qui leur donne le dernier lustre l’espion ouvrier essentiel à la fabrication d’un journal moderne c’est donc assumer une part de marginalité parce que la figure de l’espion est très mal vue au 18e siècle c’est vraiment une une figure considérée avec beaucoup de méfiance euh je conclurai à présent en disant que ces personnages de regardeur qui relève de ce que j’ai nommé le journalisme scopique permettent de mettre en scène et de révéler au sein du journal même les difficultés du travail journalistique difficulté qu’à relever par exemple l’article de l’encyclopédie que je citais tout à l’heure cette presse devient un lieu de configuration de d’interrogation sur l’éthique et le rapport du journaliste à la matière qu’il étudie ceci permet aussi de d’envisager les intérêts enfin l’intérêt d’une presse profondément subjective qui révèle son caractère subjectif parce que cette mise en avant volontaire de soi autorise à une ambition philosophique et morale qui serait selon les auteurs de spectateurs et destionion qui serait bien supérieur à celle de l’actualité éphémère celle des gazettes par exemple qui répètent leur contenu qui se plagient mutuellement qui souvent font des erreurs il vaut mieux atteindre la nature même de l’homme donc se détourner du spectacle de l’Infante du spectacle aussi du public regardant l’infante pour se tourner vers l’étude de celui qui ne regarde pas et s’interroger sur les raisons de ce non regard en l’occurrence les contraintes professionnelles euh ben voilà j’ai fini mer [Musique]