Confrontant les manuscrits inédits de François de Paule Latapie avec 254 autres écrits de voyageurs des Lumières, Gilles Montègre propose une autre approche historique du voyage, écrite au ras du sol et au fil du chemin. À l’heure où le défi environnemental remet en question le modèle du tourisme de masse, ce livre nous invite à redonner du sens à nos manières de voyager.

    “Voyager en Europe au temps des Lumières. Les émotions de la liberté” de Gilles Montègre (Éditions Tallandier) est sélectionné pour le jury final de l’édition 2024 du Prix Château de Versailles du livre d’Histoire.

    Le Prix Château de Versailles du livre d’histoire récompense l’auteur d’un ouvrage historique dont le sujet principal s’inscrit dans le cadre chronologique des XVIle et/ou XVIlle siècle(s), ou plus largement si celui-ci concerne l’histoire du château, du musée et du domaine national de Versailles.
    L’auteur de ce Blog est membre du jury final de ce prestigieux Prix.

    + d’informations sur le livre : https://www.tallandier.com/livre/voyager-en-europe-au-temps-des-lumieres/
    + d’informations sur le Prix du livre d’histoire : https://www.chateauversailles.fr/prix-livre-histoire

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    [Musique] je suis Gill montègre historien maître de conférence HDR à l’université ble Alpe et je suis ici au jardin d’hermenonville au nord de Paris pour vous parler de mon dernier livre publié aux éditions Talandier qui s’intitule voyager en Europe au temps des lumières les émotions de la liberté alors j’ai choisi de d’être ici au jardin d’Hermonville car c’est un un lieu emblématique à la fois du renouveau de la pratique du voyage au 18e siècle et en même temps un renouveau de l’art des jardins au cours de ce même siècle des Lumières au tournant des années 1770 le marquis de Girardin a fait de ce domaine d’hermenonville l’un des tout premiers jardin à l’anglaise créé en France à l’image de ces parcs paysagés que les Anglais développaient depuis le début du 18e siècle en laissant une place beaucoup plus grande à la liberté de la nature quelques années plus tard le philosophe Jean-Jacques Rousseau vient y passer les derniers instants de sa vie jusqu’à y mourir ici en 1778 son corps sera enterré ici même sur l’île des Peupliers et il y restera jusqu’en 1794 lorsque les révolutionnaires le transféreront à Paris au Panthéon Rousseau a dans ses écrits promu un nouveau rapport des sociétés à la nature il a aussi en particulier dans un chapitre célèbre de l’Émile publié en 1762 revendiquer de nouvelles manières de voyager écrivant en particulier que pour bien voyager il faut voyager à pied on sait que rousseo a eu de très nombreux lecteurs de son vivant on sait moins qu’il a eu également de très nombreux suiveurs c’est-à-dire des femmes et des hommes qui se sont donnés pour objectif d’arpenter les chemins et les routes de l’Europe en tenant compte des leçons philosophiques données par Rousseau et par les autres philosophes des Lumières alors ce que les lecteurs vont découvrir en lisant ce livre c’est que le voyage à pied et l’intimité du rapport à la nature ne sont pas des inventions comme on a longtemps cru du romantisme ou du 20e siècle mais qu’ils sont profondément liés à la culture à la à la philosophie des Lumières cette dimension est est tout à fait intéressante parce que elle est aussi une invitation à repenser nos manières de voyager aujourd’hui touristes avides et pressés que nous sommes et il est à ce titre important de revenir un petit peu sur la l’histoire du voyage cette histoire du voyage elle est se cristallise en deux grands moments de grands temps en réalité il y a le temps l’époque la plus récente qui est l’époque du tourisme alors le tourisme fait son apparition le C au 19e siècle avec la révolution des transports qui permet un nombre accru de de de personnes de couches sociales de voyager et puis avant ce temps du tourisme il y a le temps de ce qu’on a pris pour habitude d’appeler le grand tour le grand tour désignant une pratique bien particulière de voyage qui concerernent principalement seulement d’ailleurs à vrai dire les jeunes nobles du continent européen qui à partir de la fin du 16e siècle se mettent à parcourir ce continent pour développer leur culture classique au contact des monuments qui sont liés aux œuvres qu’ils ont lu dans les dans les dans les collèges ou auprès de leurs précepteurs et en même temps cultiver leur leur identité de courtisans en fréquentant différentes cours ce grand tour c’est il est omniprésent dans réalité dans les étude sur le voyage et je crois qu’ il est intéressant de revenir dessus car le grand tour en réalité est une notion piège c’est une notion piège car d’abord c’est une notion qui n’a jamais une expression qui n’a jamais été utilisée en tant que tel par les voyageurs de l’époque de la Renaissance au au temps des Lumières en fait cette notion s’est développée principalement à la fin du 20e siècle dans les études sur le voyage à un moment et ce n’est pas un hasard où le tourisme de masse ce qu’on appelle aujourd’hui le surtourisme se développe considérablement à l’échelle de l’Europe et du monde et donc le grand tour devient en quelque sorte cette une forme de nostalgie d’un art du voyage que l’on aurait perdu et qu’il s’agit de retrouver pour faire face à un tourisme prédateur prédateur à la fois pour les populations et prédateur pour l’environnement ce que propose mon livre c’est une autre scansion une autre une autre histoire puisque il est une alternative finalement au surtourisme et au voyage élitiste du Grand Tour c’est le voyage des lumières et ce voyage des lumières il a je crois beaucoup à nous apprendre sur les les manières que nous pouvons avoir de de transformer le sens du voyage aujourd’hui alors ce qui m’a amené à m’intéresser au voyageurs au temps des lumières c’est que je suis un spécialiste de l’Italie et l’Italie comme on le sait la la la terre d’élection par excellence du voyage dans l’Europe dans l’Europe ancienne à telle enseigne que de grandes œuvres de grandes personnalités se sont forgé au contact des paysages italiens de de standandal à Byron en passant par montesquieux mais je crois aussi que cette Italie du voyage elle souffre d’un certain nombre de clichés le berceau de l’Antiquité le le Bel paèse et la terre des Papes et des moines et et Cera et ce que je constate ce que j’ai constaté en en consacrant ce livre à à l’histoire du voyage au 18e siècle c’est deux choses d’abord c’est que cette Italie du voyage elle se reconfigure conformément aux suggestions de la philosophie des Lumières les voyageurs ne s’intéressent plus seulement au 18e siècle à l’Italie des cours et à l’Italie des villees mais à l’Italie par exemple des volcans et à l’Italie des îles l’Italie est également cette péninsule par le truchement de laquelle des voyageurs européens vont parvenir à approcher des territoires plus lointains qu’ n’ont pas encore véritablement les moyens matériels d’appréhender des territoires comme les Amériques comme l’Inde comme l’Égypte et qu’ils vont pouvoir commencer à découvrir à l’appui des des collections de manuscrits de vestiges présents dans les collections italiennes et puis une deuxième dimension qui me semble centrale dans cette histoire du voyage auutant des lumières c’est que l’Italie n’est pas le seul point de mire hein de cette Europe du voyage toute une série d’autres territoires deviennent attractifs pour les voyageurs des lumières et on peut dire à ce titre que on a vraiment à faaire à une à une époque 18e siècle où les voyageurs deviennent finalement les pionniers les premiers promoteurs d’une d’une forme d’unification de la géographie culturelle de l’Europe en mettant en contact les villes avec les campagnes en mettant en contact euh les franges littorales avec les arrières-pays en mant en contact les vallées avec les sommets on a une Europe qui se découvre elle-même qui se forme qui se forge à l’appui des des chemins du voyage au temps des lumières alors renouveler l’approche du du voyage dans cette époque charnière qui est le 18e siècle suppose évidemment de de recourir à un autre une autre documentation que celle qui est é utilisé le plus souvent auparavant comme documentation pour pour disons forger cette histoire du voyage on a évidemment des récits des écrits de voyages qui sont publiés dans le courant du 18e siècle qui sont très nombreux puisquil y en a plus de de 3450 au fil du siècle ces récites VoyaG ce sont des sources fondamentales que j’ai utilisé qui ont leurs atouts mais qui ont aussi leurs limites qui ont leurs limites parce que lorsqu’un voyageur publie un récit de voyage évidemment il recompose à l’envie à postériori après son expérience après son parcours et en fonction aussi il faut bien le dire des attentes de son lectorat une forme de parcours qui est quelque part idéalisée qui est une idéalisation rétrospective de son itinérance je crois que pour comprendre le sens véritablement émancipateur socialisateur qu’a eu le voyage auant des lumières il faut non pas délaisser complètement mais faire en sorte que ces récits de voyage se complètent avec des archives du voyage qu’est-ce que j’appelle archive du voyage j’appelle archive du voyage et bien toute une série de documents qui sont à la fois principalement des manuscrits mais qui sont à la fois dans en tant que manuscrit des journaux des lettres des notes des dessins des graphiques des carnets qui documente le voyage au jour le jour qui documente le voyage en train de se faire et qui donc montre le voyageur au prise avec aussi les difficultés de la route et au prise avec des émotions qui se construisent au rat du sol au fil du chemin hein c’est c’est en cela que j’ai essayé de de renouveler cette approche et je dois bien dire que pour le faire j’ai une une chance extraordinaire c’est de de découvrir l’une des plus alors je dirais d’abord assurément l’une des plus profuses l’une des plus complètes et peut-être aussi à mon avis l’une des plus belles archives de voyage de tout le 18e siècle européen ce sont les archives de François de Paul latapis un voyageur bordelé qui a parcouru l’Europe l’Angleterre la France l’Italie auournant des années 1770 et qui a conservé de ces périples de très importants portefeuilles comportant à la fois justement des journaux de voyage plus de 4 millions de signes mais des lettres et qui documentent ce ce voyage réalisé au fil de la route au au au fil du chemin alors François de Paul latapille c’est quelqu’un qui aujourd’hui est assez peu connu du grand public et pour cause ces archives de voyage n’ont jamais été publiés en son temps je les ai retrouvé chez dans un château de l’entre de mer chez les descendants actuels du voyageur et c’est un personnage en réalité fascinant pour comprendre le siècle des Lumières car c’est ce qu’on appellererait aujourd’hui un véritable transfuge de classe du 18e siècle c’est quelqu’un qui a eu une destinée qui n’était pas forcément lié à à son son ascendant sociale c’est quelqu’un qui est le fils d’un notaire mais pas n’importe quel notaire puisque son père était le notaire du philosophe montesquieux dans sa dans sa seigorriie de laabède Montesquieu va prendre sous son aile ce ce jeune enfant lui on lui proposant une éducation une éducation à la fois dans les lettres dans les sciences et finalement lui donner une destinée qui n’aurait pas dû être sienne grâce au réseau Montesquieu au réseau de philosophe Montesquieu mais aussi de ses descendants direct la Tapie va être amenée à fréquenter les milieux de la cour les milieux de la ville va se rendre à Paris et va acquérir les moyens financiers pour voyager pour parcourir l’Europe en voyageant la tapapie va se rendre compte des injustices qui fracturent la société d’Ancien Régime et il s’en rend d’autant mieux compte que lui-même a été victime de ces relatives injustices il a longtemps été à Paris précepteur de de de familles aristocratiques et il a cherché à échapper en quelque sorte à son sort en en en quittant le le le giron des des grands pour trouver sur les chemins du voyage une expérience fondamentale qui est l’expérience de la liberté alors aussi avec des lumières non seulement les voyageurs ne se limitent pas à la pratique du grand tour aristocratique mais il s’inscrit d’une certaine manière en faux en contradiction avec les logiques du grand tour le grand tour je le rappelle c’est une un voyage fondé sur une éducation liée à à l’amélioration de soi or le voyage des lumières tel qu’il est d’ailleurs défini dans l’Encyclopédie le voyage est une école où on apprend la diversité de tant d’autre vie donc le voyage devient un instrument non pas simplement pour s’améliorer soi mais pour participer à une compréhension globale et collective du monde et donc de nouveaux voyageurs vont se mettre à parcourir l’Europe en tenant compte de cette philosophie et la Tapie est très intéressant parce que ces archives de voyage sont si profuses qui nous permettent d’aboutir à une véritable radiographie de l’Europe voyageuse j’ai fait une base de données sur toutes les rencontres de laatapie pendant son voyage franco-italien on a 1313 rencontres 245 voyageurs et sur ces 245 voyageurs ben on a que 81 voyageurs qui ressortissent de ce qu’on appellerait le grand tour donc on a des tas de voyageurs qui participent à ce que j’appelle dans le livre un archipel du voyage qui ne correspondent pas au strict carcan du Grand Tour aristocratique au 18e siècle le voyage la pratique du voyage s’ouvre à de nouvelles couches sociales quelles sont ces couches sociales on pense bien sûr à la bourgeoisie à la gentie anglaise mais aussi à d’autres milieux les milieux de l’art les milieux de l’artisanat et puis aussi au voyage des femmes qui acquèrent une importance toute particulière au voyage également des domestiques qui on le sait par la les la presse d’annonce manifeste un désir personnel intense de de voyager comme pour d’une certaine manière commencer à se libérer de leurs conditions et le voyage est donc libérateur la tapapie est un exemple qui permet de de de comprendre cette dimension émancipatrice du voyage la tapapi qui écrit dans un passage très beau de ses éphémérides chacun est dominé par ses goûts le mien est celui de la liberté extrême je veux toujours pouvoir me dire je verrai ceci j’irai là si je veux et donc la liberté c’est ça que nous montre je crois cette enquête avant d’être une une doctrine affichée au fronton de notre notre Constitution et de nos institutions la liberté c’est une émotion c’est une émotion qui s’éprouve sur les chemins du voyage en Europe et ça nous permet donc de mieux comprendre cette articulation entre une société en mouvement et une société politique qui va s’émanciper donc en lisant ce livre les lecteurs découvriront bien sûr des grands seigneurs en voyage mais aussi des voyageurs artistes des voyageurs érudis des voyageurs libertins des voyageurs aventuriers des pèlerin également on trouve également dans mon livre des voyageurs non européens qui viennent de territoire lointains de Chine par exemple des terres amérindiennes ou du Pacifique qui se mettent à parcourir l’Europe et qui offr aux Européens finalement un tableau très nouveau puisque les Européens ne sont plus simplement des observateurs mais sont des sujets observés et donc ce voyage des des des des non européens va offrir la possibilité à la Société européenne de repenser les frontières entre elle-même et les autres le 18e siècle est un siècle de l’écrit donc on a effectivement une production de de guide de voyage d’art du voyage qui se développe tout au long du siècle des GUID d’ailleurs qui se spécialise au fil du siècle en fonction de ces nouvelles catégories de voyageurs on va avoir des guides conçus pour des artistes des guides conçus pour des voyageurs naturalistes et on a également 200 ans avant le le le guide du routard je rappelle que le premier les premiers guides du routard en France c’est le milieu des années 70 en 1775 le premier pourraiton dire guide du routard de l’Europe des Lumières c’est le livre de d’un certain dutins itinéraire des routes les plus fréquenté de l’Europe qui paraît donc en 1775 et qui de manière très moderne va enjoindre les les les les Européens les les les voyageurs à s’intéresser non pas seulement au point d’arrivée mais à la route qui permet qu’il qu’il les lie al de leur point de départ à leur destination finale à leur horizon d’attente ce guide est composé de manière très moderne avec 117 très pratique surtout avec 117 tinéraire de ville à ville qui font de la route non plus un mal nécessaire mais un un moyen progressif de de de découverte l’étude du voyage est intéressante parce qu’elle permet de sortirun peu de l’image d’épinale que l’on a parfois sur le 18e siècle qui est de dire que c’est un temps où toute l’Europe parla les Français alors c’est vrai que si on reste dans le monde des cours dans le monde des chancelleries dans le monde des salons le français est une langue véhiculaire comme peut l’être l’anglais aujourd’hui de manière un peu triste d’ailleurs dans à travers une langue appauvrie que certains appellent le globich mais pour ces voyageurs des lumières qui cherchent à appréhender les populations et le territoire bah ils se rendent bien entendu compte de la nécessité d’apprendre les langues du pays traversé et c’est d’autant plus important et d’une certaine manière d’autant plus facile pour eux que les temps de voyage au 18e siècle beaucoup plus long prenent souvent plusieurs mois plusieurs années donc le temps du voyage est bien souvent un temps d’apprentissage de la langue la tapille en offre un bon exemple il séjourne 6 mois à Rome en 1775 et il s’offre les services d’un maître de langue qui en 22 leçon semaine après semaine va lui permettre d’approcher d’appréhender la langue italienne et lui permettre de tenir une conversation courante avec des interlocuteurs italiens et donc de renouveler son espace social en ne se limitant plus seulement au milieu des voyageurs et des expatri français à romeme mais en intégrant le milieu des des Romains et des habitants de la ville alors ce qui est important lorsqu’on confronte ces ces fabuleux manuscrit de voyage de laapie avec 254 écrits issus de la plume d’autres voyageurs comme je l’ai fait pour ce livre c’est de se rendre compre aussi de de la manière dont ces voyageurs inspirés par les les philosophes appréhendent les les territoires et appréhendent l’autre euh le voyage au 18e siècle si on on lit l’encyclopédie quelque chose de très très très important c’est pas simplement un divertissement personnel ou collectif c’est le voyageur est véritablement celui qui va permettre au philosophe de l’informer sur le degré de bonheur de féliciter des différents peuples de l’Europe et par la même également de de de relier ce niveau de bonheur si on peut dire à la constitution des états et à la pratique des gouvernements donc dans ce cadre là le voyageur ne peut plus se contenter d’une forme d’entre soi élitaire ou élitiste il doit aller à la rencontre des ouvriers des populations des artisans à Londres par exemple pour la Tapie en 1770 alors évidemment cette rencontre elle donne parfois lieu à des incompréhensions des incompréhensions qui sont d’ailleurs réciproques parce que vous avez des des catégories de population qui voient arriver à eux dans les campagnes dans les îles des gens qui viennent les visiter et qui dont ils ne comprennent pas la présence he la tapapi par exemple lorsqu’il arrive sur la petite île du gilu en Italie passe auprès de la population pour un mystérieux envoyé du sultan ottoman qui serait là pour s’emparer de l’île alors que lui il ne vient là que pour enquêter sur la population et sur les richesses de l’île mais ces nouveautés dans le rapport intime qui se tisse entre les voyageurs et les autochtones pourrait-on dire je crois qu’il il donne lieu aussi à des collaborations très très fortes des collaborations d’ailleurs qui rappellent un certain nombre de choses qui ont pu advenir par la suite je pense par exemple à la à la à la très belle entente entre un voyageur russe et un autochtone sibérien qui est mis en scène dans le le film de corozawa derzu ouala cette rencontre entre les voyageurs et et les couches populaires c’est pas simplement un fantasme philosophique dans la base de données que j’ai établi des 1313 rencontres fait par la tapapis pendant son voyage on se rend compte qu’il y a 24 % de personnes qui relèvent des couches populaires ça veut dire que les archives de voyage nous permettent aussi d’appréhender quelque chose que l’on peut voir dans dans les dans les œuvres d’art de la même époque c’est l’érruption du peuple sur la scène politique je pense à ce titre au très belles fresques de théolo le père et le fils de de jeanbaptista à Jean dominiquetier PAO chez le père on voit des figures allégoriques mythologiquesune société princicière aristocratique chez le fils on voit dans ces très belles fraisques que l’on peut découvrir aujourd’hui dans les villas près de viissence ou à Venise même au musée de la caré zonico et bien on voit des paysans des artisans on voit le peuple qui fait irruption littéralement sur la scène politique c’est aussi ça je crois la la leçon que nous donne les lumières alors l’expérience du voyage peut aussi être une expérience très très violente pour ces nouveaux voyageurs expérience d’une stigmatisation sociale qu’ils éprouvent à l’ône de d’une société du voyage qui est désormais composite et qui donc qui met au prise des des des aristocrates voyageurs très sûrs de leur de leur de leur puissance de leur naissance et des voyageurs qui valorisent davantage les talent hein pour faire leur entrer en quelque sorte dans cette dans cette nouvelle société des lumières euh ce qui est intéressant c’est que les archives du voyage sont un très bon observatoire de ces rivalités de ces tensions les récits de voyage beaucoup moins parce que les récits de voyage vous avez le système de publication qui fait que vous vous ne pouvez pas dire du mal des grands dont vous dépendez dans les archives du voyage un certain nombre d’émotions des émotions comme le rire des émotions comme la honte des émotions comme la peur se donnent à voir la Tapie en est un très bel exemple et on comprend les à la fois la force et les limites de cette société clivée qui est celle des lumières société clivée qui va donc donner lieu nécessairement à des à des mouvements de disons de de rébellion de rébellion qui avant d’être des rébellions politiques sont des rébellions intérieures et ça c’est les les archives de voyage sont un très bel exemple pour s’en rendre compte j’ai introduit dans le livre La la notion nouvelle de de voyage frontière en m’inspirant d’ailleurs d’une notion ancienne paru dans un article de 1989 sur les les les objets frontières boundary object alors cette idée de voyage frontière c’est ce qui fait aussi la modernité je crois du voyage des lumières c’est que euh ces voyageurs portent sur un certain nombre d’objets un certain nombre de lieux des regards croisés des regards complémentaires des regards qui sont à la frontière de différents champs de compétence je vous en donne un exemple à travers un site qui devient une nouvelle destination de voyage au 18e siècle c’est le site de pompay hein la monarchie napolitaine découvre ce ce site fabuleux qui va permettre aux voyageurs non seulement de de nourrir leur leur passion pour l’Antiquité mais d’avoir comme le disait standandal une antiquité face- à faceace la tapi porte sur ce site pompéen un regard très original qui participe du voyage frontière parce que et bien la tapapi est une formation de naturaliste de botaniste et donc il va considérer le site de Pompée non pas comme un lieu où on peu excaver des des trésors des des vestiges des monuments mais comme un lieu de fouille qu’il faut penser de manière globale avoir une vision stratigraphique du du du du site de fouille et ça ça renouvelle complètement l’approche du lieu puisque pompayi ne devient plus seulement un lieu d’extraction de trésors mais un lieu où il faut penser la cohérence d’un d’un d’un d’un espace archéologique et le plan de la tapapie qu’il réalise des fouille de pompay en 1776 conservé aujourd’hui à l’académie de Bordeaux et le plus ancien plan de fouille du site qu’on dont on dont on dispose avant même celui publié quelques années plus tard par pyranèse voilà donc c’est un bel exemple de ces de ces voyages frontières à l’articulation des savoirs sur la nature et des savoirs sur la société c’est ce qui fait que les voyageurs des lumières sont des des bah disons des des passeurs très modernes et qui nous enseigne beaucoup de choses aujourd’hui à l’heure où l’on souffre je crois d’une dissociation des savoirs sur la nature et des savoirs sur la société hein un divorce qui nous a finalement éloigné d’une vision humaniste du monde naturel et en même temps d’une vision naturaliste des sociétés humaines et je crois que les voyageurs du 18e siècle à travers ces voyages frontières qui sont habitués à pratiquer nous réconcilient avec ces deux formes fondamentales de de savoir qui sont des une articulation décisive à prendre en compte face au au défis environnemental qui qui qui nous touche cette histoire du voyage que que que je que j’essaie de construire c’est aussi une histoire politique c’est une histoire qui nous montre que les les effets d’appropriation culturelle queon a souvent tendance à envisager à l’échelle de l’Europe coloniale vis-à-vis des autres parties du monde ces questions d’appropriation culturell se posent aussi à l’intérieur même du vieux continent européen avec des euh des des appropriations d’objets d’objets d’art mais aussi d’objets naturalistes qui font qu’un certain nombre de couches de population un certain nombre de de d’état de pays de région mettent la main sur d’autres bien avant la question euh célèbre aujourd’hui des marbres du parténon les Anglais même s’il ne sont pas les seuils pillent allègrement les collections euh euh d’art de italien du 18e siècle euh on peut citer quand même un sub fuge assez étonnant dans la Rome du 18e siècle les SEP sacrements de Poussin l’un des plus beaux cycles de peinture admirés par les voyageurs du 18e siècle qui sont littéralement exfiltré de Rome mais alors avec un stratagème particulier puisque celui qui les exfiltre passe une sorte de contrat avec le possesseur de ces tableaux pour réaliser des copies de ces œuvres des copies qui vont rester dans le dans le palais qui vont permettre aux voyageurs qui continuent à all voir de de croire que ce sont des vrais mais les originaux et bien vont enrichir les collections les collections anglaises et ces ces phénomènes de captation que l’on va trouvé à à d’autres échelles et dans d’autres casadres sous la Révolution française concerne aussi des échantillons naturalistes hein je pense par exemple au au poisson fossilisés du montbolka qui sont des un objet naturaliste tout à fait fascinant pour les voyageurs parce que il leur montrent on est au nord de la ville de viissence des bah finalement des poissons fossilisés qui ne s’inscrivent pas dans les classifications naturalistes existantes donc les voyageurs commencent à penser la nécessité possible d’une d’une évolution des espèces à travers ces à travers ces échantillons qui fascinent donc et qui font l’objet de de captation véritable et puis je pense aussi un fameux et un mystérieux champignon qui pousse sur l’archipel de Malte et que la tapapie et d’autres voyageurs vont chercher à capter en se rendant sur l’île parce que on lui on lui on lui imaginait au 18e siècle des vertus thérapeutiques extraordinaires qui se sont avérés d’ailleurs par la suite tout à fait fantaisiste ce que révèlent les archives du voyage c’est aussi un un monde du Voyage une société des lumières qui est saturée d’émotions je crois qu’on on ferait tout à fait fausse route si on imaginait ces voyageurs du temps des lumières comme de simples encyclopédistes froid et calculateur le voyage des lumières c’est un voyage de la raison oui mais c’est un voyage de la raison sensible et la pratique du voyage est l’occasion pour les voyageurs de de développer une une mobilisation véritablement synesthésique des cinq sens le voyage est un est un est un moment où le goût Le Dorat le toucher la vue évidemment se se mobilise et se font écho hein les les les un vis-is je pense par exemple à la question du goût qui est très important dans les écrits de voyage et me vient en en tête l’ expression assez singulière de du voyageur anglais Peter Beckford qui écrit que un voyageur épicurien devrait déjeuner à Londres prendre le goûter l’après-midi en Suisse et puis souper le soir à Paris alors ce que révèlent les archives du voyage c’est que cette cette culture de de la sensibilité de l’émotion c’est pas une culture qui est seulement tournée vers soi vers l’individu mais c’est une culture qui revê un aspect profondément pluriel et collectif les voyageurs forme au 18e siècle de véritable communauté émotionnelle pour reprendre une notion qui a été forgée par lahistorienne du Moyen-Âge américaine Barbara rosenwine et ces émotions collectives ce qui m’a intéressé dans le livre c’est de montrer qu’elles sont consubstantiellement esthétiques et politiques elles sont bien sûr esthétique les voyageurs se s’enorgueillisent d’un amour pour l’Antiquité d’un amour pour le spectacle sublime de la nature à travers les volcans d’un amour pour le le pittoresque aussi de de la nature au détour d’un chemin mais ces émotions esthétiques ont un lien consubstantiel avec la politique et je crois que pour le comprendre on pourrait terminer en examinant le l’un des voyages de la tapapi qui est le premier qu’il accomplit en Angleterre en 1770 il va à Londres mais très rapidement il s’éloigne de la capitale londonienne pour aller visiter les jardins anglais et pour aller visiter en particulier le plus célèbre des jardins anglais de l’époque célèbre très célèbre en en même temps très méconnu c’est le jardin de STO Rousseau dans la nouvelle elloïse vente déjà ce jardin sans lui lui-même jamais l’avoir vu comme un des lieux les plus enchantés de l’Angleterre et donc la Tapie va se rendre à STO décrire les différentes fabriques comme on les appellerait en France c’estàd les différents monuments qui se trouvent dans ce très beau jardin et les donné à voir à des lecteurs avec un livre qui lui va être publié mais anonymement c’est pour ça qu’on a retenu le livre mais on n pas retenu le nom de la Tapie un livre un peu gigogne un livre particulier un livre qui est une traduction d’un livre anglais de Thomas Watley sur l’art de faire les jardins modernes et à cette de faire les jardins modernes la tapapie associe une description des jardins de STO qui joue un rôle très important car c’est la lecture de ces de cette description dans le milieu des amateurs de jardin en France qui va générer une véritable passion un véritable engoument je voudrais m’attarder pour terminer sur la manière dont non seulement dans cet ouvrage publ mais dans son carnet de voyage inédit en Angleterre la tapi décrit l’un des monuments présents à STO qui est le temple des gloires britanniques en observant le temple des gloires britanniques à la Tapie non seulement associe l’Angleterre à une forme de modernité politique liée à la à la liberté politique qui caractérise ce territoire liberté d’ailleurs qu’il assimile à la liberté de son corps de voyageur en mouvement dans l’espace anglais mais il considère qu’il a que les Anglais ont une grande font preuve d’une grande modernité en mettant en avant des gloires politiques qui ne sont pas fondées simple des gloires politiques ou littéraires ou artistiques qui ne sont pas légitimé simplement par leur naissance et il va revendiquer pour la France elle-même la nécessité d’ériger de grands monuments digne de rendre hommage non pas simplement au au grands princes qui sont parfois des tyrans mais aussi aux bienfaiteurs de l’humanité ces bienfaiteurs de l’humanité ben on les a quelques années après derrière nous dans ce ce ce temple de la philosophie moderne qui est créé ici à hermenonville où sont mis en valeur les figures de montesquieux père putatif et spirituel de la Tapie mais aussi Voltaire descart et quelques autres et plus tard le rêve de la Tapie qu’il a eu en se promenant dans un jardin anglais va se concrétiser de manière plus institutionnelle encore lorsque sous la Révolution française on créera le le Panthéon à la gloire des des des des grands des grands individus qui ont qui ont participé à l’histoire non seulement de France mais à disons au au bien public les jardins d’Ermenonville incarne merveilleusement ce lien fondamental cette articulation entre émotion esthétique et émotion politique bien mis en avant d’ailleurs aussi dans les écrits du philosophe chacrancière ou de l’historienne Sophie vanich hermenonville à partir du moment où Rousseau décè en 1778 devient un haut lieu de pèlerinage littéraire de très nombreux voyageurs s’y rendent de marie-anttoinette à Schiller en passant par Franklin ou ou Napoléon mais je voudrais insister pour terminer sur un voyageur méconnu un voyageur néerlandais Lambert van eg qui se rend non pas d’abord à hermenonville mais en France mais à une période bien particulière puisqu’on est en 1788 juste avant l’événement de la Révolution et il sera en France avec une idée bien particulière c’est de convaincre les autorités françaises et en particulier la figure montante qui est le marquis de la faillette le convaincre de de leur apporter de lui apporter un soutien à la cause des libertés des libertés néerlandaises alors lafillette est suit je dois dire à une fin de non recevoir aux attentes de de Van eg parce qu’il a bien d’autres chats à fouetter avec les les bouleversements qui s’annoncent dans le royaume de France donc Vanek est un petit peu déçu mais avant de quitter la France et bien il se rend ici à hermenonville sur la la tombe de de de Jean-Jacques Rousseau et je crois que ce ce détour révèle bien cette articulation finalement fondam mental que l’on peut saisir par le prisme de la pratique du voyage entre le temps des lumières et l’âge des révolutions une des choses singulières des des archives de voyage laissé par la Tapie c’est que elles sont en partie cachées non seulement elles ont été cachées aux histoiriens de métier parce que elles n’étaient pas dans des lieu public mais elles contiennent en elles-même ces effphémériques de voyage ces journaux de voyage une partie cryptée un alphabet mystérieux qu’il a fallu décoder et lorsque j’ai décodé cette cet alphabet ben je me suis rendu compte de choses d’une chose assez extraordinaire c’est que l’histoire sentimentale que Rousseau nous a décrit dans la nouvelle elloïse cette histoire qui a fait pleurer des des générations entières de lecteurs cette histoire qui cette histoire d’amour contrarié entre Julie et saintpreux et ben cette histoire elle a été vécu dans sa chair par le voyageur la Tapie c’est ça qui nous décrit dans cet alphabet secret en de mots la tapapie est à Paris employé par la très riche et très aristocratique famille de Langeron il est précepteur des enfants Langeron unidy né avec aglaide Langeron et puis évidemment cette idile n’a absolument pas de de devenir possible puisque les les les les le marquis de Langeron ne peut pas songer un seul instant que sa fille épouse un vulgaire fils de notaire donc la tapis se désespère totalement de cette de cette idile qui a été tué dans l’œuf par la la la rigueur la violence des assignations sociales il songe sérieusement à mettre fin à ses jours et puis finalement il laisse à la vie une dernière occasion une dernière chance de le surprendre et cette chance ça sera le voyage il prend la route c’est le le voyage et l’alphabet crypté qu’il nous livre sont comme une une justement une forme d’exil émotionnel une forme de thérapie par le voyage qui va lui permettre de construire au fil de la route cet apprentissage personnel de la liberté [Musique] [Musique] [Musique] [Musique]

    3 Comments

    1. Ce que dit cet homme est correct ; mais dans une certaine mesure . Il est vrai que certains écrivains auront idéalisé la description des paysages et des lieux, mais tous ne l'ont pas fait. Les meilleurs documents pour étudier le « Grand Tour » sont les lettres et les journaux personnels, car ceux-ci ne etaient pas destinés à être lus par le public et lá l'auteur y exprime ses véritables sentiments et pensées.

      La liberté est une idée chimérique car la liberté elle-même n'existe pas. Ce qui existe, c'est le désir d'être libre de faire ce que l'on veut. La "liberté" en tant que bien fondamental ou suprême n'existe que dans le cerveau des idiots qui croient en son existence et dans celui des démagogues qui l'évoquent pour gagner des voix.

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