Enseignement 2023-2024 : L’universalisme des Lumières : débats et controverses
    Cours du 12 février 2024 : « Il n’est pas un crime d’être noir ni un avantage d’être blanc »

    Professeur : Antoine Lilti
    Chaire Histoire des Lumières, XVIIIe-XXIe siècle

    En 1789, les révolutionnaires français, après avoir déclaré que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », n’ont pas aboli l’esclavage. La Convention ne le fit qu’en 1794, sous la pression des révoltes d’esclaves et notamment de la Révolution de Saint-Domingue qui aboutit, en 1804, à l’indépendance d’Haïti. Ce décalage est aujourd’hui une des questions les plus débattues par l’historiographie de la Révolution. Faut-il en déduire que l’universalisme proclamé des droits de l’homme et du citoyen n’était qu’un leurre, protégeant les privilèges des colons blancs, ou doit-on à l’inverse considérer qu’ils ont fourni aux esclaves et aux libres de couleur, dans les colonies, les arguments et les ressources pour obtenir leur émancipation ? Dans quelle mesure la révolution haïtienne incarne-t-elle un universalisme supérieur, ou différent, de celui de 1789 ? On revient d’abord sur les débats de l’hiver 1789, sur le grand discours de Mirabeau contre la traite, qu’il n’a pas pu prononcer à l’assemblée, et sur la contre-offensive des milieux coloniaux et marchands hostiles à l’abolition. Puis l’attention se porte sur la Révolution haïtienne, en essayant de comprendre dans quelle mesure les esclaves insurgés se référaient aux droits de l’homme. Enfin, on conclut par quelques éléments de réflexion sur l’universalisme dont la Révolution haïtienne était porteuse, à travers ses idéaux anticoloniaux et abolitionnistes, mais aussi sur les conflits qui la traversaient.

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    [Musique] alors bonjour à bonjour à toutes et à tous et en particulier aux élèves de terminal du lycée La Martinière de Lyon qui nous rendent visite aujourd’hui et qu’on est avec leur professeurs et qu’on est très heureux merci merci pour merci pour eux et pour elle et qu’on est très heureux d’accueillir j’ai un peu l’impression du coup d’être d’être transformé en animateur de de jeux radiophonique alors ne vous réjouissez pas trop vite il n’y a pas 1000 € à gagner enfin on m’a pas m’a pas prévenu bon soyons sérieux un peu parce qu’on va parler de choses sérieuses aujourd’hui et ouiut bien des fois un peu la semaine dernière vous vous en souvenez nous nous sommes quittés sur un constat ambigu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen était moins universelle qu’on ne le pense elle visait avant tout à construire la souveraineté de la nation face à celle du roi et a affirmé l’égalité des citoyens en détruisant le système inégalitaire et hiérarchique de l’ancien régime mais elle n’affirmait nullement l’accès de tous à la citoyenneté et donc à l’égalité de nombreuses catégories de personnes allaient d’ailleurs être écarté des droits politique par la Constitution les femmes bien sûr les esclaves les gens de couleur mais aussi les pauvres en raison de la distinction entre citoyens actifs et citoyens passifs le cas des colonies était particulièrement ambigu car il n’était pas du tout il n’était pas du tout évident aux yeux des députés que les colonies appartenait au même régime politique et juridique que la France d’ailleurs elle n’avait pas participé au processus de rédaction des cahiers de doléance et d’élection aux États généraux alors les colonies des antis avaient pris l’initiative d’envoyer des délégués des colons blancs bien entendu et l’Assemblée avait accepté en juillet d’en intégrer une dizaine qui donc siége en août mais de toute évidence les colonies n’étent pas très présentes à l’esprit de la plupart des députés toutefois la forme très générale que les députés avaient donné à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen j’avais terminé par ce point et bien cette forme ouvrait la voie à des débats sur l’élargissement de la citoyenneté la proclamation de l’égalité devenait dès lors le fondement normatif de litige possible suscitant des conflits qui allaient par parcourir tout le 19e siècle par exemple autour de ce qu’on appelle justement le suffrage universel et de son extension de son élargissement et notamment de l’accès des femmes à la citoyenneté active dans l’immédiat la contradiction la plus la plus évidente peut-être la plus criante était le maintien de l’esclavage dans les colonie raison pour laquelle j’ai un verset interverti deux séances et c’est la question dont nous allons parler aujourd’hui comment les députés pouvaient-ils affirmer sans contradiction que les hommes naissent et demeurent libres et égau en droit sans abolir l’esclavage alors que plus de 700000 esclaves vivaient dans les colonies française dont 500000 à Saint-Domingue la grande île sucrière longtemps l’historiographie de la Révolution française à vrai dire c’est peu intéressé à cette question il revient sans doute à Yve benau qui n’était pourtant pas un historien professionnel mais plutôt un journaliste engagé doté d’un d’un chercheur rigoureux d’avoir remis la question de la colonie des colonies et de l’esclavage au cœur des débats historiographique et mémoriel sur la révolution grâce à plusieurs travaux importants et notamment à ce livre la Révolution française et la fin des colonies publié en 1987 aujourd’hui on pourrait que dire que c’est l’inverse les travaux sur cette question forment un un domaine de recherche dense dynamique dont témoigne par exemple la très récente synthèse de Marc bissa qui porte un titre presque identique la Révolution française et les colonies bien sûr on peut objecter que la Révolution a bien aboli l’esclavage en février 1794 par le décret de Floréal en 2 avant que Napoléon Bonaparte part ne le rétablissent en 1802 vous connaissez cette histoire et on peut alors opposer la la République abolitionniste en 1794 puis à nouveau en 1948 en 1848 pardon fidèle à ces principes d’égalité universelle et d’autre part la monarchie constitutionnelle le Consulat et l’Empire sauf que sauf que les choses évidemment ne sont pas ne sont pas tout à fait aussi simples car si la convention a bien aboli l’esclavage en 1794 c’est essentiellement sous la pression des événements suite à l’insurrection des esclaves à Saint-Domingue à l’été 1791 insurrection devenue une véritable révolution et qui a conduit les commissaires de la République envoyé sur place à abolir l’esclavage dans l’île dès l’été 178 3 afin de de rétablir la paix et surtout d’obtenir le ralliment des soldats noirs contre les Anglais et les Espagnols qui avaient envahi Saint-Domingue alors dès lors plusieurs questions se posent qui sont au cœur des débats actuels premièrement l’universalisme proclamé des droits de l’homme et du citoyen affirmé avec tant de force en août 1789 n’était-il qu’un leur gens les privilèges des colons les droits de l’homme blanc ou doit-on à l’inverse considérer que les Lumières ont fourni aux esclaves et aux libres de couleur dans les colonies les arguments et les ressources pour réclamer et obtenir leur émancipation ou encore ce qui est une façon un peu différente de poser la même question lorsque la Convention a finalement aboli l’esclavage en 1794 àelle elle était fidèle aux idéaux que la Révolution avait proclamé depuis le départ ou ne l’a-t-elle fait qu’en réponse au soulèvement des esclaves autrement dit l’abolition de l’esclavage est-il le résultat des combats des lumières de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’engagement des abolitionnistes ou a-t-il été avant tout le fruit du combat des esclaves eux-mêmes c’est-à-dire le résultat d’une d’une insurrection violente nécessaire pour arracher la liberté à la pointe des fusils enfin une troisème question qui dépend en partie des réponses aux deux précédentes la révolution de Saint-Domingue qui ne s’achève pas loin de là en 1794 mais conduit vous le savez à l’indépendance de d’Haïti en 1804 et bien cette révolution n’est-elle pas porteuse d’un universalisme plus élevé plus concret que celui de la Révolution française elle-même un universalisme intégrant le refus des distinctions fondé sur la couleur de peau et condamnant toutes les formes de domination coloniale beaucoup de questions vous le voyez pour une seule séance mais revenons pour commencer à la scène originelle celle de l’été 1789 alors ce que je vous ai dit la semaine dernière c’est que la question de la de de l’abolition n’a quasiment pas été débatue à l’Assemblée à l’été 1789 en revanche ce que je ne vous ai pas dit parce que je ne vous dis pas tout c’est que elle l’a été elle l’a été dans l’espace public elle a été dans l’espace public notamment grâce au rôle joué par les membres de la Société des Amis des Noirs cette société fondé en 1788 pour mener le combat abolitionniste pour ces M la Déclaration des Droits de l’Homme impliquait l’abolition du moins l’abolition de la traite c’est le cas par exemple d’un article de mIRABO en août 1789 dans le courrier de Provence dans lequel il remarque ironiquement qu’aucun représentant de Saint-Domingue n’a proposé un amendement qui aurait précisé que les hommes blancs seuls naissent et demeurent libre d’autres figures importantes de la Société des Amis des des Amis des Noirs cherchaent à mobiliser l’opinion sur le sujet notamment condorsé brissau ou encore Grégoire au cœur de cette mobilisation une rumeur une rumeur enfla à partir de l’automne 1789 mIRABO mIRABO qui était alors l’orateur le plus envue je vous le rappelle le plus plus brillant le plus influent de l’Assemblée mIRABO préparait un grand discours qu’il allait prononcer à l’Assemblée pour dénoncer l’esclavage et récl l’abolition la traite et de fait ce n’était pas une rumeur dès l’automne mIRABO avait mis au travail l’équipe de collaborateurs qui lui rédig ses discours et il avait demandé des conseils et des renseignements à Thomas Clarkson qui était alors à Paris et qui étaitis parl lui très rapidement l’autre jour qui était un des principaux leaders dirigeant de la société anglaise pour l’abolition de la traite Claron lui fournit des renseignements très précis des argumentaires et euh grâce à lui mIRABO fit même fabriquer une maquette de vaisseau négrié qui lui permettait d’illustrer de manière percutante et pédagogique les conditions inhumaines dans lesquelles les captifs étai transportés en Amérique cette maquette existe toujours elle est conservée c’est celle que vous voyez ici le discours fut rédigé repris corrigé pendant tout l’hiver mIRABO devait le prononcer le premier mars lors d’une séance consacrée à la traite mais au dernier moment l’ordre du jour fut modifié et finalement mIRABO ne prononça pas ne prononça pas son discours devant l’Assemblée à la place un comité colonial fut créé qui devait s’occuper de la question et qui était très majoritairement constitué de partisan du maintien de la traite et de l’esclavage mIRABO n’insista pas en revanche le soir il alla à la siété des Amis de la Constitution c’estàd le club des Jacobins et il lut son discours pendant plus de 3 He et comme il avait pas terminé il est retourné le lendemain pour pour pour conclure ne vous plaignez pas quand je dépasse de 5 minutes vous voyez que j’ai quand même largement de la marche bon vous direz aussi que j’ai pas l’éloquence de mIRABO c’est un autre problème on peut reconstituer ce qui est intéressant c’est qu’on peut reconstituer très précisément le discours de mIRABO le discours donc qu’ n’a pas tenu à l’Assemblée qu’il a prononcé au jacobin grâce d’une part à l’édition donnée au début du 19e siècle par son fils naturel Lucas de Montini et au manuscrit conservé à la Bibliothèque de Genève le discours était très éloquent il comportait de grands moments de bravoure les envolés lyrique comme mIRABO les affectionnés mais aussi une description précise et documentée des horreurs de l’esclavage et surtout de la traite description qui devait faire frissonner son auditoire et le remplir d’effroids le plus intéressant peut-être pour nous c’est que le discours était parcouru par une tension entre l’affirmation ferme de l’universalité des droits et les recommandations plus floues auxquelles aboutissait mIRABO il appelé à l’interdiction de la traite mais non à l’abolition de l’esclavage même ou seulement graduellement en commençant par améliorer les conditions de vie des esclaves la difficulté apparaissait les premières lignes du discours je mets juste la la l’édition mIRABO commençait par rappeler le principe de la commune nature humaine sur laquelle reposait l’universalité des droits je cite je ne dégraderai ni cette assemblée ni moi-même en cherchant à prouver que les ont droit à la liberté vous avez décidé cette question puisque vous avez déclaré que tous les hommes naissent et demeurent libres et égau et ce n’est pas de ce côté de l’Atlantique que des sophistes corrompus oseraient soutenir que les ne sont pas des hommes la cause sembla entendue et pourtant et pourtant mIRABO immédiatement apportait une nuance pourquoi l’assemblée n’avait-elle pas aboli l’esclavage en aût demandait-il sa réponse c’est que l’antique existence d’une odieuse institution a tellement perverti l’ordre de la nature qu’on ne peut réparer le mal qu’en rétrogradant avec lenteur c’est que des hommes habitués depuis longtemps à l’esclavage et dans l’âme desquels tous les vices des esclaves ont nécessairement jeté des racines profondes doivent renaître et grandir pour devenir des hommes libres c’est qu’enfin en les apprranchissant sans précaution de la tyrannie de leur maître on les exposerit à une tyrannie non moins impérieuse à la tyrannie des passions que leur a donné une société dont ils n’ont reçu que des vices sans lumière des souffrances sans compensation alors l’argument aujourd’hui nous paraît totalement irrecevable si l’esclavage est une institution abominable contraire au droits de l’homme pourquoi ne pas la supprimer immédiatement or mIRABO sur ce point était parfaitement fidèle à la position de la Société des Amis des Noirs qui distinguait clairement entre l’abolition de la traite qui était une exigence immédiate et celle de l’esclavage qui devait se faire par extinction graduel l’argument visait à rassurer ceux qui craignaient un effondrement de l’économie de plantation je vais y revenir et donc à se présenter en quelque sorte en interlocuteur raisonnable mais il reposait aussi sur une conviction sur la conviction que l’accès à la Raison universelle ne pouvait se faire que Progressiv qu’il n’était ni possible ni souhaitable d’affranchir immédiatement des personnes sans éducation vous avez entendu mIRABO dit sans lumière rendu barbare par l’esclavage dominé par les passions brutal et par le ressentiment les esclaves étaient des victimes pour mIRABO leur état actuel n’était nullement lié à leur nature ou à leur couleur de peau en fait ils avaient été é dégradé dénaturé par la faute des Européens mais leur retour dans la société des hommes ne pouvait se faire que par un processus l de civilisation si on considère que cette position était celle des auteurs les plus radicalement anti-esclavagistes de l’époque on conçoit on conçoit la puissance des préjugés et les limites de l’universalisme ou pour être plus exact le conflit entre l’universalisme l’universel du droit et l’universel de la civilisation pour faire jouer des catégories que j’ai essayé de mettre en place les semaines dernières alors une telle prudence était de toute façon inutile même sous cette forme la position de mIRABO apparaissait tellement dangereuse qu’il ne put pas prononcer son discours devant l’assemblée de toute évidence les adversaires de l’abolition craignaient son éloquence craignit l’enthousiasme moral que mIRABO était capable de susciter chez les députés le 8 mars après un rapport donc du tout nouveau comité colonial l’assemblée vota sans débattre une motion qui maintenait le statut quo sans évoquer la traite et l’esclavage suscitant chez les députés on a du mal à concevoir un certain ous me semble-t-il ou du moins un lâche soulagement à partir de là mIRABO ne semble plus se préoccuper de la question il s’éloigne de la Société des Amis des Noirs jusqu’à sa mort un an plus tard la société elle-même devient moins active les partisans de l’abolition avaient laissé passer leur chance alors question que s’est-il passé on peut bien sûr s’interroger sur la détermination de mIRABO pourquoi n’a-t-il pas mené le combat jusqu’au bout pourquoi n’a-t-il pas pris la parole à l’Assemblée on ne sait pas sans doute avaent-il conscience que les partisans de l’abolition étaient très minoritaires et qu’il s’agissait d’un combat perdu d’avance certains ont même suggéré qu’il avait pu être acheté par les milieux coloniaux ce qui n’est pas totalement impossible le plus probable néanmoins comme le suggère Marcel dorini qui a don une excellente édition du discours c’est que mIRABO était alors en train de travailler à de nouvelles alliances au sein de l’assemblée et que le combat pour l’abolition ne correspondait plus à ses objectifs politiques du printemps 1790 en prononçant son discours au jacobin il pouvait à la fois s’en orgueillir d’un succès moral et rhtorique sans s’encombrer politiquement d’un combat qui risquait de l’affaiblir mais l’essentiel n’est pas là en fait on ne comprend rien on ne comprend rien à cette histoire si on néglige la mobilisation massive des adversaires de l’abolition depuis longtemps les historiens et les historiennes ont bien identifié l’existence d’un lobby colonial celui des colons et des planteurs de Saint-Domingue mais aussi de la Guadeloupe de la Martinique qui possédaent des relais importants en métropole et au sein de l’assemblée et dont Barnave nommé rapporteur du comité colonial en mars 1790 et une des voix les plus écoutées de l’assemblée était le porte-parole officieux on sait que les colons présents à Paris se réunissaient à l’hôtel de massic et le club Massiac est devenu dans l’historiographie le symbole du parti colonial défendant les intérêts des planteurs mais ce n’est pas tout et cela n’aurait pas suffi comme l’a montré dans un un article récent l’historienne américaine Lauren clé les milieux économiques et marchands ont joué un rôle fondamental tout au long de l’automne et de l’hiver 1789- 1790 ils ont publié des dizaines de brochures et d’articles dans les journaux ils ont envoyé à l’Assemblée nationale de nombreuses pétitions qu’on appelait à l’époque des adresses les chambres de commerce se sont mobilisé elles ont été extrêmement actives elles ont même nommé des put extraordinair qui ont été envoyés à Paris pour jouer un vrai rôle de lobbying un peu comme à Bruxelles aujourd’hui non seulement les milieux marchands des grands ports atlantiques Bordeaux La Rochelle Nant Le Havre proclamer que la fin de la traite serait leur ruine et ça on s’y attendait mais aussi plus largement les municipalités de plusieurs ville du Nord et de l’Est de la France comme lî Amien ouins qui s’associ au mouvement c’est un point essentiel c’est un point essentiel à comprendre les milieux économiques français étai persuadé que la prospérité économique de la France dépendait de l’économie de plantation aux Antilles et ils ont réussi ils ont réussi en convaincre de très nombreux députés il mobilisait pour cela trois types d’arguments premièrement il n’hésitait pas à reprendre les stéréotypes racistes à l’égard des esclaves africains pour pourer le discours humanitaire de la Société des Amis des Noirs deuxièmement ils attaquaient les partisans de l’abolition en les présentant comme des philosophes abstraits n’ayant aucun sens des réalités prêt à ruiner la France pour quelques principes moraux messieurs les philosophes raisonnent de cela sans se douter des conséquences ironiser un riche négociant marchand un un riche négociant normand pardon sans savoir qu’il inaugurait ainsi une longue tradition du discours politique opposant aux intellectuels moralisateurs et à leurs principes généreux mais irréalistes le bon sens des intérêts économiques et du patriotisme alors le le le terme droit de lomiste n’existait pas encore mais sinon il l’auraiit volontiers utilisé eux parlaient de philanthrope parlit de philanthrope et je vous assure que le terme n’était pas n’était pas un compliment des armateurs nantés firent publier une brochure parmi plein de re brochure je vous en cite une s’appelait l’ami des colonies aux Amis des Noirs qui affirmait Amis des Noirs vous n’êtes point les amis des blancs et vous aurez fait perdre à la France ses colonies car c’était le troisème argument et le plus important l’économie de plantation reposer sur le travail servil abolir la traite c’était ruiner les colonies c’était détruire le commerce colonial or celui-ci était effectivement florissant lui porter atteintte disait-il c’était ruiné la France dans un contexte économique déjà extrêmement difficile puisque la Révolution avait hérité des difficultés économiques et financière de la monarchie de la monarchie absolue qui avait conduit à la réunion des États-Généraux la France rappelons-le était au bord de la faillite et d’ailleurs les chambres de commerce n’hésitèrent pas à recourir au chantage elle refuseraient disait-elle de contribuer aux emprunts lancés par l’Assemblée si la traite était abolie beaucoup de députés même parmi ceux qui étaient favorables à l’abolition sur un plan moral étaient inquiet à l’idée de mettre en péril l’œuvre de la révolution en entraînant une grave crise économique bien sûr ce sont des hésitations qui aujourd’hui peuvent paraître presque scandaleuses mais il faut faire l’effort de situer l’analyse sur un plan historique et non pas moral pour beaucoup de députés l’esclavage colonial était au fond un sujet plutôt nouveau assez lointain qui leur paraissait assez marginal ils étaient avant tout embarrassés tirailler entre leur principe et l’urgence politique vous vous souvenez peut-être d’Adrien duquéois ce député Laurin que j’ai cité la semaine dernière parce qu’il souhaitait il était ind déc a souhaité que la Déclaration des Droits de l’Homme s’applique disait-il à tous les temps et à tous les pays duquéois était convaincu que l’esclavage sur le plan moral était un des fendable mais son journal permet de suivre ses hésitations et ses inquiétudes presque au jour le jour et on s’aperçoit qu’il a été très vite convaincu que l’économie française ne se relèverait pas d’une abolition immédiate de la traite il finit même par se persuader que le fait de débattre ouvertement de l’esclavage était un piège ourdi par les contre révolutionnaires comme l’abbé Mori et qu’il fallait éviter absolument d’en parler pour ne pas sombrer dans le désordre pour l’intérêt supérieur de la Révolution il fallait mettre la question sous le tapis l’esclavage finirait par être aboline en était convaincu mais ce n’était pas le moment c’était trop tôt trop rapide trop dangereux il fallait d’abord consolider les acquis de la Révolution si bien que duquinois se montra très soulagé de la solution proposée par barnab consistant à maintenir le statut quo sans le dire explicitement c’est toute ambigué de la période il est acquis que la question de l’esclavage a bien été soulevée à l’hiver 1789 qu’elle a fait l’objet d’un réel combat d’opinion mais néanmoins il reste difficile de mesurer la place relative qu’elle occupait dans les préoccupations des députés il est probable qu’elle apparaissait comme un enjeu symbolique important mais politiquement mineur face aux urgences du moment que ce soit la gravité de la situation financière les conflits religieux les débats sur le véteau Royal et cetera comme l’a souligné David Belle il faut se méfier de ne pas projeter sur les acteurs politiques de la Révolution une hiérarchie des enjeux qui est la nôtre aujourd’hui mais qui n’était pas forcément la leur à l’exception bien sûr d’une minorité d’abolitionnistes convaincus comme Grégoire qui en fera un de ces grands combat tout au long de sa vie j’en reparlerai mais aussi de brissau qui était le fondateur de la Société des Amis des Noirs et qui n’a jamais cessé d’évoquer la question jusque dans ses Mémoires rédigées en prison sous la Terreur Michely d’ailleurs une parenthèse Michely imaginait brissau écrivant pré écrivant ses mémoires uniquement préoccupé de cette cause je vous cite Michelet croirait-on croirait-on que l’infortuné qui écrit sous la guillotine ne s’occupe que d’une chose sur laquelle il revient toujours l’esclavage des noir indifférent à ses fer ils ne sent peser sur lui que les fers du genre humain bon c’est beau c’est un peu excessif c’est Michelet n’oublions pas n’oublions pas non plus que la question de l’esclavage apparaissait indissociable d’une autre question celle du statut des libre de couleur c’est-à-dire les esclaves affranchis libre donc et leurs descendants et surtout les métises qu’on appelait les mulâtres qui étaient parfois de riches propriétaires par exemple lorsqu’ils avaient hérité des biens de leurs pères mais qui étaient de plus en plus victime à la veille de la Révolution de ce qu’on appelait le préjugé de couleur c’estàdire une discrimination exercée par les Blancs à leur égard et qui luttait désormais donc c’est c’est libre de couleur luttait pour être reconnu comme citoyen de plein droit plusieurs d’entre eux menèrent ce combat à Paris et à Saint-Domingue notamment Julien Raym Vincent Oger ce dernier essayant même de susciter un soulèvement sur l’île il s’agissait de savoir si la couleur de peau et pas le statut d’esclave mais la couleur de peau elle-même était un obstacle à la citoyenneté et c’est donc bien l’universalisme des droits qui étaient directement concernés après plusieurs échecs ils ont per un premier succès avec le décret du 15 mai 1791 par lequel les personnes de couleur ayant parents libres obtenit la parfaite égalité des droits le décret fut salué comme un pas important vers l’égalité raciale vous voyez par exemple cette gravure que vous reconnaissez peut-être puisque je l’avais choisi pour le le le le le programme pour illustrer le programme de secours on ne connaît pas sa pr sa provenance exacte la Bibliothèque nationale de France la date de 1794 et elle est parfois utilisée pour illustrer l’abolition de l’esclavage mais de toute évidence c’est une erreur c’est une erreur le contexte est encore celui de la monarchie comme en témoigent les fleurs de Liss l’allégorie de la raison ou de la justice qui met un niveau un niveau un officier blanc et un homme noir sous le slogan les mortels sont égaux ce n’est pas la naissance c’est la seule vertu qui fait la différence l’homme noir qui s’appuie sur la Déclaration des droits de homme tient à la main le décret du 15 mai et vous remarquerez d’ailleurs qu’il est presque nu étrangement ce qui montre la persistance des stéréotypes au moment même où on se on se flatte et on s’en orgueiller de les avoir dépassé hein puisque en réalité évidemment la grande majorité des libres de couleurs ayant deux parents libres he n’était pas du tout là on a l’impression justement que c’est un esclave c’était pas du tout le leur statut et leur situation et d’ailleurs à Saint-Domingue les blancs firent tout leur possible pour empêcher l’application du décret et ce n’est finalement que par le décret du 4 avril 1792 que les révolutionnaires voteront la pleine égalité de tous les livbres de couleur mais il est vrai qu’à cette date l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue avait commencé et que l’assemblée Espérit constituait un front des librees contre les esclaves mais c’était déjà trop tard en effet en août 1791 donc les esclaves de la plantation de des grandes plantations de la plaine du Nord le cœur de l’économie sucrière de lîle autour du Cap se soulevèrent en quelques jours des dizaines de plantations furent détruites et incendiées la répression fut féroce ne fit qu’accroître la détermination des esclaves ceci était infiniment plus nombreux il représentait 90 % de la population à Saint-Domingue à la veille de la Révolution la révolution qui débutait alors la révolution cette fois de saint-domingle qui débutait alors ne s’acheva que 13 ans plus tard en janvier 1804 avec je le disais tout à l’heure la déclaration d’indépendance d’Haïti après la défaite du corps expéditionnaire envoyé par Bonaparte il était essentiel de bien comprendre que cette révolution n’est pas une simple révolte d’esclave un soubressut périphérique de la Révolution française mais bien une révolution à part entière la première révolution ayant conduit à l’existence d’un état noir indépendant comme l’écrivait a céser je cite il n’y a pas de révolution française il n’y a pas de révolution dans les colonies françaises il y a dans chaque colonie française une révolution spécifique née à l’occasion de la de la Révolution française branchée sur elle mais se déroulant selon ses propres lois et avec ses objectifs particuliers alors dè lors il faut poser la question quels étaient les objectifs particuliers des esclaves révoltés la question la réponse semble évidente la liberté mais en est-on bien certain plusieurs témoignages indiquent que du moins au début une partie des insurgés exigeaent une amélioration de leurs conditions de travail et notamment des journées de repos en réalité même si nous savons que l’insurrection avait été préparée et qu’elle a réussi assez vite à s’organiser il est très difficile de savoir quelles étaient exactement les intentions des insurgés et même celle de leur chef faute et bien de de source écrite de proclamation politique de panflet de débat si bien que les historiens les historiennes débattent depuis longtemps sur les motivations des insurgés certains certains il voient une résistance presque naturelle à la domination et à l’oppression l’affirmation d’un désir de liberté universel de la part des opprimés c’est l’universalité insurgente décrite par l’anthropologue Massimilian dont je vous avais déjà parlé d’autres insistent sur le rôle des religions africaines et notamment du vaudou et mettent en avant la cérémonie religieuse qui eu lieu à boisaillan quelques jours avant le début de l’insurrection il mettent aussi en avant les effets de la culture politique africaine fondé à la fois sur la liberté et la guerre car il ne faut pas oublier qu’une grande partie des esclaves étaient arrivé récemment souvent du Congo et qu’il gardaient une mémoire très vive de leur vie antérieure ainsi qu’une expérience du combat d’autres encore d’autres historiens ou historiennes mettent l’accent sur l’influence des idéaux de la Révolution française qui avaient circuler sur l’île et qui nourrissait de nouvelles attentes en terme de liberté de justice il est probable que les différents éléments se soient mêlés dans des proportions variables ainsi un fait prisonnier dans les premières semaines et immédiatement fusillé portait sur lui des panflets imprimés en France sur les droits de l’homme et le caractère sacré de la révolution mais aussi mais aussi un fétiche composé de de cheveux et d’osselé et un petit sac rempli d’Amadou et de phosphate comme le commente l’historien Laurent du bois dans son Histoire de la Révolution haïtienne les Vengeurs du nouveau monde je le cite les lois de la liberté de quoi charger un fusil et une puissante amulette pour invoquer l’aide des dieux une irrésistible combinaison LAURENT DU BOIS justement est sans doute l’historien qui a le plus insister pardon sur la façon dont les esclaves non seulement à Saint-Domingue mais aussi à la Guadeloupe se sont réclamer des droits de l’homme tout en leur donnant une signification plus concrète à travers leur expérience de l’asservissement au point dit Laurent Dubois de renouveler fondamentalement le sens de l’universalisme pourquoi et bien en y intégrant en intégrant à l’universalisme des droits de l’homme le refus de toute distinction de race et en faisant de l’abolition de l’esclavage non pas une question secondaire comme en métropole mais un principe fondamental les esclaves des Antill auraient ainsi produit lui dans le contexte très particulier de cette société esclavagiste mais traversée par les échos des révolutions américaines et française ce que Dubois appelle des lumières enchaînées enslaved Enlightenment en anglais un document passionnant va dans ce sens sur lequel je voudrais m’arrêter un instant c’est une lettre de juillet 1792 signé par trois chefs de l’insurrection jean-François B S et béire lettre adressée aux autorités et aux citoyens de la partie française de Saint-Domingue cette lettre dont ni l’original ni une copie nont été retrouvé a été en revanche publié à Paris quelques mois plus tard en février 1793 par le créole patriote un journal dirigé par un un curieux personnage Louis m de muset qui se faisait appeler Louis 1 créol qui était un colon de Saint-Domingue qui avait été longtemps hostile à l’esclavage de pardon hostile à l’abolition avant de se convertir en quelque sorte à la cause des esclaves c’est le moment où il arrive à Paris et crée ce journal le créole patriote en mai 1794 il sera condamné à mort au plus fort de la de la Grande Terreur et lui-même avait trouvé la lettre dans un mémoire justificatif publié le mois précédent par le colonel comfor qui lui-même avait été présent à Saint-Domingue à é 92 cette lettre a été longtemps oubliée négligée inconnue même des des spécialistes puis publié dans les annales historiques de la Révolution française en 1998 par Nathalie Picon mais euh le son authenticité son authenticité faute de manuscrit original son authenticité était contestée euh le texte était parfois présenté a parfois été présenté comme le manifeste révolutionnaire haïtien mais certains historiens en particulier un des grands spécialistes d’Haïti David gegus ont relevé quelques incohérences formelles rentre pas dans les détails mais récemment de nouveaux éléments semblent plutôt montrer que la lettre est authentique ou du moins que son authenticité est plausible comme le dit jeréy Popkin qui a repris tous les éléments du dossier dans un article de la revue slavery and abolition de 2022 don vous avez ici la référence or or si cette lettre nous intéresse tout particulièrement c’est que les auteurs font référence à plusieurs reprises et très ouvertement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour mettre leurs interlocuteurs face à leur contradiction je cite avez-vous oublié et ici donc les auteurs c’estes chefs esclave un Surget de l’insurrection des esclaves s’adresse aux représentants au commissairire venu de métropole mais aussi au colon membre de l’Assemblée avez-vous oublié que vous avez formellement juré la Déclaration des droits de l’homme qui dit que les hommes naissent libres et égaux en droit et que les droits naturels sont la liberté la propriété la sûreté la résistance à l’oppression si donc comme vous ne pouvez le nier vous avez juré nous sommes dans nos droits et de vous devz vous reconnaître par jure donc les chefs des esclaves insurgés mettent en avant le modèle que représente la Révolution française en se réclamant ouvertement du droit naturel ils en déploient les les implications les plus universelles non seulement en rejetant l’esclavage mais en affirmant un principe de fraternité humaine au-delà des différences de l’épiderme qui n’ont aucune pertinence dans l’ordre moral et politique je cite encore la lettre nous sommes donc vos égos en droit naturel si la nature se plît à diversifier les couleurs dans l’espèce humaine il n’est pas un crime d’être noir ni un avantage d’être blanc la lettre n’hésite pas à dénoncer amèrement au nom de l’humanité la façon dont la France révolutionnaire a perpétué illégalement un système barbare d’exploitation coloniale cite encore depuis longtemps nous avons été les victimes de votre cupidité de votre Avaris sous vos coups de fouet Barbar nous vous accumulions les trésors dont vous jouissiez dans cette colonie l’universalisme des droits est retourné contre la France révolutionnaire dans un geste qui rappelle cet universalisme critique des lumières que nous avions rencontré par exemple chez didro par exemple chez Bernardin de Saint-Pierre par exemple chez renal à cette différence prês que ce soit sont désormais les esclaves eux-mêmes qui s’approprient ce discours et lui donnent ainsi une plus grande portée les revendications sont à la fois assez radicales puisque la lettre réclame l’abolition complète de l’esclavage et relativement modéré puisque les auteurs proposent que les anciens esclaves retournent sur les plantations pour travailler pour leurs anciens maîtres mais cette fois avec un salaire cela dit même en considérant que la lettre est authentique il faut se garder d’y lire le le projet révolutionnaire des esclaves deangoa mais plutôt un moment un moment de leur revendication d’autres documents antérieurs datant des premiers mois de l’insurrection donnent une image différent des revendications alors soit plus radicale par exemple prenant totalement la fin du système des plantations voir la disparition des colons blancs soit plus modéré se contentant d’un d’un adoucissement des conditions des esclaves et par ailleurs il faut noter que Biassou et Jean-François eux-mêmes ne sont pas restés sur cette ligne à la différence de tout sain l’ouverture ils ne se sont jamais ralliés à la France républicaine même après l’abolition de l’esclavage biasou George Biassou par exemple est resté fidèle aux Espagnols ne cessant de se revendiquer catholique et royaliste il reste il reste que la lettre atteste que la Déclaration des droits de l’homme était connue des chefs de l’insurrection et qu’il n’hésitait pas à s’en réclamer et même à la Cité vous avez vu très précisément d’autre part la lettre montre une grande habileté diplomatique elle est destiné au commissaire envoyé par l’Assemblée pour pacifier l’île mais elle s’adresse aussi au colon je cite ne voyez plus en l’homme noir qu’un de vos frères soyez juste envers lui alors vous verrez la prospérité régnait dans cette contrée alors vous jouirez de vos revenus enfin les auteurs se tournent vers les libres de couleur pour leur rappeler le martyre de Vincent Oger je vous a cité tout à l’heure exécuté en 1791 par les colons et les appeler à la solidarité raciale dans un contexte où le décret leur accordant l’égalité des droits venait d’être connu dans l’île et risquait de était en train de créer aussi une alliance avec entre les blancs et les libres de couleur encore une citation de cette lettre vous citoyens de couleur n’oubliez jamais que si vous tenez ce titre respectable citoyen ce n’est que par le travail des hommes que vous vousoulez égorger souvenez-vous qu’ils sont vos frères vos parents et que leur sang coule dans vos veines souvenez-vous qu’un de vos brave frère fut victime pour vous c’est évidemment Vincent alors une telle habilité politique a conduit certains historiens à supposer que tout se l’ouverture pouvait être l’auteur de la lettre mais jusqu’à présent il n’y a guerre de preuve il reste qu’on prête on ne prête qu’au riche comme vous le savez et tout ça ancien esclave affranchi en 1775 est en effet la figure majeure de la période le héros incontestable des années 1790 à Saint-Domingue réussissant à unifier l’île sous son autorité grâce à son talent militaire et à son charisme politique le destin de toustin l’ouverture a souvent été exalté sir James historien et intellectuel marxiste originaire de Trinidad qui a écrit un des plus beaux livres sur la Révolution haïtienne publié pour la première fois en 1938 voyez en lui un jacobin noir titre du livre s’appelle justement les Jacobins noirs un révolutionnaire nourri par la lecture de l’abbé rénal s’efforçant d’importer et d’acclimater dans les Caraïbes les idéaux républicains de la Révolution française précurseurs des grandes luttes de décolonisation et d’émancipation du 20e siècle plus récemment sudir aarising l’a présenté comme un chef militaire charismatique et un homme politique habile et pragmatique cherchant à assurer l’autonomie de Saint-Domingue sans rompre avec la France pour en faire un foyer de liberté où cohabiterit blanc noir et métis bref le promoteur d’un universalisme cosmopolite ouvert et tolérant un héros pour notre temps selon les mots d’azarising mais mais tout ça l’ouverture n’est pas seulement le héros victorieux de la révolution des esclaves il est aussi un héros vaincu capturé et déporté mort vous le savez tragiquement au fort de jou dans le Jura en avril 1803 victime d’abord de la trahison des Français mais victime aussi peut-être de sa confiance dans la Révolution française de sa conviction que l’avenir de saint-d domain passait par le maintien de lien avec la France c’est pourquoi sans doute ces dernières années l’attention s’est porté davantage sur les figures de l’indépendance haïtienne notamment Jean-Jacques des saline qui fut le premier chef d’État d’Haïti ancien lieutenant de toussin vainqueur des Français à la grande bataille de Vertière en novembre 1803 des salin proclame l’indépendance le 1er janvier 1804 quelques mois plus tard il se fait sacré empereur mais son règne est court car il meurt assassiné en 1806 de fait 10 ans après la lettre de Biassou Jean-François et B un autre document plus célèbre et parfaitement authentique pour le coup permet d’envisager le sens que les acteurs donnés à la Révolution haïtienne c’est justement la déclaration d’indépendance d’Haïti qui affirme le refus net de toute discrimination raciale mais aussi de toute forme de colonialisme et de conquête Haïti devenait ainsi le premier état abolitionniste dans cette perspective l’indépendance d’Haïti apparaît comme le symbole d’un universalisme plus élevé fondé non seulement sur la proclamation abstraite des droits de l’homme mais sur la condamnation sans appel du système colonial le système colonial dévoilé selon le titre d’un livre de Baron vast baron de vasté est un des premiers grands écrivains haïtiens du tout début du 19e siècle contemporain de la Révolution et de l’indépendance infatigable défenseur de la légitimité d’Haïti mais aussi de la grandeur de l’histoire africaine auquel les historiennes Marlen D et Doris garaw ont consacré récemment des travaux importants cet universalisme fondé sur les combats pour l’émancipation des esclaves en cré aussi dans un désir de liberté antérieur à la Révolution à par la suite nourr tout un courant de la pensée noire dans les Amériques et au-delà car les intellectuels et historiens haïtiens au 19e siècle est élu et commenté en Europe alors c’est une thèse extrêmement intéressante que j’avais déjà évoqué vous vous en souvenez peut-être il y a 15 jours celle de ces lumiè noire issue de la Révolution haïtienne et issue des combats des abolliitionnistes Noirs nord-américains elle est extrêmement intéressante parce qu’évidemment elle permet de pluraliser les lumières en identifiant d’autres courants d’autres branchement d’autres traditions intellectuelles il faudrait y revenir plus longuement en reprenant patiemment les textes de ces lumières noires et c’est une question qui nous occupera certainement l’année prochaine car je compte prolonger cette série de cours en mettant l’accent sur le 19e siècle pour suivre les héritages multiples des langage de l’universel pour en rester aujourd’hui à la Révolution haïtienne elle-même il faut toutefois se garder et se méfier d’en donner une vision trop idéalisée alors comprenez-moi bien je dis ça il s’agit pas de reprocher quoi que ce soit aux combattants pour la liberté et la et l’indépendance encore moins de relativiser les responsabilités de la France que ce soit les atermoimements révolutionnaires le rétablissement de l’esclavage sous Napoléon les terribles violences exercées par Leclerc et rochambau en 1802 1803 ou encore les indemnités colossales 150 millions imposé militairement par la France en 1825 en échange de la reconnaissance d’Haïti et qui ont très durablement entravé le développp de l’économie et de l’État haïtien mais pour autant pour autant il n’est guère utile je crois de remplacer un mythe par un autre celui de l’universalisme de la Révolution française par celui de l’héroïque Révolution haïtienne il s’agit plutôt d’être attentif aux contradictions qui traversent l’une et l’autre y compris dans leur relation mutuelles il serait dommage de laisser dans l’ombre plusieurs questions qui ont été soulevé ces dernières années dans l’historiographie notamment l’autoritarisme incontestable des chefs de la Révolution haïtienne depuis tout sa l’ouverture jusqu’à des salin puis au roi Henri Christophe qui lui succède au nord de l’île autoritarisme sans doute explicable par la situation de guerre mais qui néanmoins a laissé des traces dans la culture politique haïtienne de même certains auteurs aujourd’hui insistent moins sur l’universalisme dont la Révolution haïtienne serait porteuse que sur l’idéal d’autodétermination et d’indépendance c’est-à-dire la construction d’un projet national spécifique fondé sur des héritages spécifiquement africains enfin un point important qu’il faut garder en vue et l’importance des divisions sociales et politiqu au sein de la population noire de Saint-Domingue puis d’Haïti notamment entre les métises libres déjà avant la Révolution parfois extrêm riche parfois propriétaire de plantation et d’esclav et qui se percevaient comme les nouveaux maîtres de l’île surtout après la Révolution et d’autre part les anciens esclaves qui non seul ne voulaient pas seulement la liberté civile mais voulaient aussi échapper au système de la plantation au profit de microexloitation vivrière et là il y avait un conflit économique et sociale sur l’organisation économique de d’Haïti et au sein même des anciens esclaves les conflits étaient souvent importants entre les bossales ce qu’on appelé les bossales qui était né en Afrique et qui était arrivé en fait à Saint-Domingue juste avant la Révolution quelques années auparavant et les créoles qui eu étaient nés dans l’île qui parlaient français et qui étaient accoutumés depuis beaucoup plus longtemps à culturer depuis plus beaucoup plus longtemps à la culture coloniale française ces tensions et ces conflits sont un des grands arguments du livre fondamental de Michel Rolf trouyot sur la Révolution haïtienne intitulé silencing the past publié en 1995 et qui n’est chose très étonnant qui n’est toujours pas traduit en français alors qu’il est un des grands classiques des études sur Haïti et plus largement un très grand livre sur l’écriture de l’histoire le titre renvoie la thèse la plus célèbre du livre c’est d’une révolution dont le souvenir en dehors d’Haïti aurait été recouverte recouverte par une chape de silence mais l’argument de trouyot était plus complexe le silence n’était pas seulement celui de l’historiographie occidentale c’était aussi celui de la mémoire haïtienne elle-même et le contexte dans lequel écrivait trouyot on a tendance à l’oublier qui a été obligé de s’exiler sous la sous la dictature de Duvalier explique que son approche de l’histoire haïtienne était tout sauf héroïque l’histoire écrivait-il et toujours un pouvoir sur le passé et des silences s’ajoutent au silence effaçant par exemple le souvenir des conflits entre les chefs noirs pendant la Révolution haïtienne le symbole de ces silences à ses yeux était le palais de sans souci grandiose construction du Roi Christophe aujourd’hui à l’état de ruine et dont le nom semble bien sûr pour un un un esprit européen évoqué le château le fameux château de Frédéric II à postdame mais qui était aussi le nom d’un homme aujourd’hui totalement oublié le colonel Jean-Baptiste sans souci qui était un des chefs des esclaves bossal et qui avec ses troupes refusait l’autorité de dessaline et de Christophe pendant la guerre contre les Français et que Christophe a fait assassiner en 1803 une guerre dans la guerre des silences au milieu des silences l’histoire n’est jamais univoque ni neutre alors il est vrai toutefois que la grande thèse de trouyot celle qui a fait le succès de son livre porte sur l’incapacité des Européens à comprendre la révolution haïtienne à en prendre la mesure à l’intégrer au grand récit de la modernité à côté des révolutions américaines et françaises à en faire un un événement historique une révolution mené par des esclaves était proprement inintelligible impensable écrit trouyot et par conséquent l’historiographie l’a ensuite longtemps passé sous silence thèse puissante qui demande peut-être à être nuancé et il nous manque toujours pour le faire il nous manque toujours jours une étude systématique sur la réception de la Révolution haïtienne dans l’opinion publique européenne on peut en revanche revenir sur le contexte de l’abolition de l’esclavage en 1794 certains spécialistes de la Révolution ont voulu y voir le triomphe de l’universalisme révolutionnaire fondé sur le droit naturel rappelant que robes piierre avait pris position dès 1791 contre l’esclavage et pour les droits des hommes de couleur il voit dans ce résultat en 1794 le fruit d’un long combat venu de la philosophie du 18e siècle poursuivi par les Jacobins et achevé par la convention motagnarde de 1794 il y a une part de vrai il y a une part de vrai dans cette vision des choses et par exemple on peut rappeler que santonax santonax qui est j’en ai pas parlé c’est lui le commissaire qui à saint-doming en 1793 prend la responsabilité alors qu’il n a ça excéd ses pouvoirs d’abollir l’esclavage dans l’île et bien santonx on dit toujours qu’il l’a fait sous la pression des événements c’est vrai mais c’est vrai aussi que santonax était un un abolitionniste convaincu fidèle à ses convictions et depuis 1790 il écrivait dans la presse des articles en faveur de l’abolition mais on doit aussi ne pas négliger he que l’universalisme républicain qui s’affirme en 1793 à Saint-Domingue et en 17 94 en France se produit dans un contexte qui est d’abord celui d’une d’une d’un sursaut patriotique contre la Grande Bretagne l’abolition n’a pas seulement répondu à des motifs humanistes mais d’abord à la volonté de transformer les esclaves en soldat républicain beaucoup d’entre eux furent en effet de fervants républicains convaincus que la Révolution française était l’instrument de leur propre libération du moins jusqu’au moment où sous le Consulat il dure deschanter certains reprirent le vocabulaire qui associait l’universalisme à la lutte de la France contre la Grande-Bretagne mais en France même à la convention le 6 février 1794 donc lors du vote du décret d’abolition Danton prend la parole Danton déclare représentant du peuple français jusqu’ici nous n’avons décrété la liberté qu’en égoïes et pour nous seuls mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers et les générations futur trouveront leur gloire dans ce décret nous proclamons la liberté universelle on pourrait être tenter d’opposer la générosité des principes républicains de l’an 2 avec la frilosité de 1789 un universalisme conséquent à un universalisme égoïste pour parler comme Danton mais il faut aussi citer la suite du discours qu’on ne fait pas dont on poursuit lançons la liberté dans les colonies c’est aujourd’hui que l’anglais est mort note on applaudit en jetant la liberté dans le Nouveau Monde elle y portera des fruits abondants elle y poussera des racines profondes en vain pit et ses complices voudront par des considérations politiques écarter la jouissance de ce bienfait ils vont être entraînés dans le néant la France va reprendre le rang et l’influence que lui assure son énergie son sol et sa population il s’agit toujours de sauver les colonies et de maintenir le rendre la France l’universalisme de la liberté est au service une fois de plus de la grandeur de la nation les années suivante sous le Directoire seront celles du Grand progrè du grand projet civilisateur de la colonisation nouvelle notamment en Afrique 5 ans plus tard Étienne lavoau qui avait été gouverneur de Saint-Domingue au moment de l’abolition qui avait entretenu des relations de confiance avec tousin l’ouverture et qui était un jacobin convaincu prononça un discours pour célébrer l’anniversaire du décret de février 1794 il décrivait l’abolition comme une conquête de la République au nom de l’espèce humaine mais pour préciser immédiatement que cette conquête de la liberté et de l’égalité était un surcroix de puissance pour la France je cite dans nos colonies tout est français ce système d’unité absolue fera PIR de rage nos ennemis déconcertés et des partira de la métropole le signal de la prospérité coloniale la dialectique subtile de l’universalisme entre extension des droits de l’humanité et unité de la nation française était à l’œuvre nous allons la retrouver dans les prochaines séances deux mots deux mots de mots deux mots s’il vous plaît trop vous avez bien bien bien tenté mais mais mais vous allez pas m’empêcher comme ça de finir deux mots s’il vous plaît pour conclure donc la séance d’aujourd’hui en vous rappellant qu’il n’y aura pas cours la semaine prochaine et que nous nous retrouverons donc dans 15 jours la Révolution haïtienne est de toute évidence un événement ou plutôt une série d’événements indispensaes pour penser les héritages complexes de l’universalisme encore faut-il éviter deux tentations la première vous l’avez compris est une lecture francocentrée dans laquelle les droits universels auraient été proclamés à Paris en 1789 pour pour se diffuser ensuite progressivement dans le monde et notamment à Haïti en réalité les esclaves de Saint-Domingue ont dû arracher leur liberté par l’insurrection la violence et la guerre il faut le rappeler la deuxième lecture est une lecture excessivement romantique qui remplace un B révolutionnaire par un autre et qui voudrait voir dans la Révolution haïtienne la réalisation sans reste sans tâche d’un idéal égalitaire et émancipateur une sorte d’universalisation de l’Un univ alors pour ma part quand je veux éviter les les généralisations et bien je pense au personnage de Noël dans l’inoubliable héros du royaume de ce monde le court mais puissant roman de l’écrivain cubain alérocarpentier Noë est un esclave travaillant sur une plantation près du cap un homme simple témoin plutôt qu’acteur des bouleversements de son temps et à travers son regard on parcourt l’histoire de la Révolution haïtienne depuis la révolte de macandal sur fond de vaudou 30 ans avant la Révolution jusqu’à la chute du Roi Christophe et son suicide en 1820 à la toute fin du livre à la toute fin du livre Noël P Noël est un vieillard il vit reclu dans les ruines de l’ancienne plantation de son maître où il est revenu vivre entouré des objets qu’il a récupéré lors du pillage de S sou si bien qu’il possède dans sa chambre sans toit une table de boule un poisson lune naturalisé une boîte à musique et j’aime tout particulièrement cette notation je cite trois volumes de l’encyclopédie sur lesquels il s’asseayaiit d’habitude pour manger des cannes à sucre tinoë inquiet de voir arriver les arpenteurs du nouveau régime et après avoir vainement cherché refuge au sein du règne animal accepte sa condition d’homme il se remémore sa vie ses espoirs et ses illusions dans un dernier moment de lucidité et je vais vous quitter sur cette citation il revit un peu longue il revit les héros qui lui avait révélé la force et la richesse de ses lointains ancêtres africains lui faisant croire à un avenir meilleur il se sentit vieilli sous le poids de siècles innombrables une lassitude cosmique de planète lourde de Pierre tombé sur les épaules décharné par tant de coups de sueurs et de révoltes tinoë avait assumé sa part des tâes héréditaires et bien qu’il fut parvenu au dernier degré de la misère il laissait à son tour cet héritage intact sa chair avait fait son temps il comprenait à présent que l’homme ne sait jamais pour qui il souffre ou espère il souffre et il espère et il travaille pour des gens qu’il ne connaîtra jamais qui à leur tour souffriront espéreront travailleront pour d’autres qui ne seront pas heureux non plus car l’homme poursuit toujours un bonheur situé au-delà de ce qui lui est donné en partage mais la grandeur de l’homme consiste précisément à vouloir améliorer le monde à s’imposer des tâches à doncun jour [Musique]

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