Audio de Butler, Alimi et “l’éthique”, billet posté le 28.03.2024 par Frédéric LORDON sur son blog hébergé par Le Monde diplomatique, “La Pompe à phynance” : https://blog.mondediplo.net/butler-alimi-et-l-ethique
Frédéric Lordon y réagit à la controverse ayant suivi les déclarations de Judith Butler, après qu’elle ait désigné l’attaque menée par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 “d’acte de résistance armée” — notamment à un article publié par Arié Alimi pour prendre position contre les déclarations de Judith Butler.
Là où Arié Alimi affirme la nécessité de maintenir certaines “catégories morales essentielles” et de penser à la fois une éthique de la résistance armée et une éthique de la prise de parole en tant qu’intellectuel, Frédéric Lordon réplique par une certaine exaspération à l’égard des appels aux condamnations morales.
Le réflexe de la condamnation morale relève en effet, selon lui, d’une approche individualiste étriquée, qui se soucie davantage de posture face à la violence que de concevoir un moyen effectif d’y remédier : une oppression coloniale meurtrière sème nécessairement de la rage vengeresse, et la rage vengeresse aboutit tôt ou tard, à son tour, à des atrocités ; condamner n’y change rien.
Il convient plutôt selon Lordon d’adopter une attitude matérialiste : c’est-à-dire, de revenir à la positivité causale des événements, d’établir pourquoi cela se produit ; ce que l’on peut raisonnablement s’attendre à voir s’ensuivre ; et à quelles conditions effectives on peut espérer dévier le cycle interminable des atrocités et de la vengeance.
Il y faut l’intervention d’une force tierce, à même d’imposer à Israël la fin de son oppression coloniale, et à même de jouer une fonction judiciaire auprès des Palestiniens en leur donnant réparation pour l’immense tort subi.
L’intervention initiale de Judith Butler, au micro de Paroles d’honneur, est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=rlQNBJOq-0E et son billet dans le Club de Mediapart, Après Pantin, ici : https://blogs.mediapart.fr/judith-butler/blog/110324/apres-pantin
Le billet d’Arié Alimi, L’éthique de l’intellectuel ou la résistance à son propre pouvoir, est disponible sur le site AOC, au lien suivant : https://aoc.media/opinion/2024/03/21/lethique-de-lintellectuel-ou-la-resistance-a-son-propre-pouvoir/
SOMMAIRE
0:00 Titre et remarque à l’auditeur
0:44 Lordon : Butler, Alimi et “l’éthique”
12:33 Butler : déclaration initiale
15:04 Butler : Après Pantin
21:10 Alimi : L’éthique de l’intellectuel ou la résistance à son propre pouvoir
20 Comments
Pendant que nos révolutionnaires de salon se touchent la nouille pour savoir qui est le plus radical et fait le moins de concessions, le Hamas a présenté ses excuses au peuple gazaoui pour les souffrances que cette guerre leur fait subir.
Car c'est un échec stratégique total. La réplique israélienne aurait du provoquer un embrasement des pays arabes. Mais la rue est quasi-muette. Les dirigeants détournent poliment les yeux entre deux protestations d'usages. Même le Hezbollah et l'Iran sont bien mollassons. Le 7/10 aurait du remettre le problème palestinien au centre du jeu du M-O, au lieu de cela, c'est dans l'indifférence que Gaza est rasé, sa population condamné à la famine, et bientôt à l'exil.
Et si c'était précisément à cause d'un problème éthique ? Qu'à l'heure de la médiatisation de masse et des réseaux sociaux, tout humain, pro-palestinien compris, ne peut être que révulsé par l'attaque du 7/10 ? Que les arabes déjà saignés par plusieurs décennies de terrorisme islamiste dont ils sont les premières victimes ne sont pas enthousiastes à l'idée de soutenir un groupe qui se revendique de ces mouvances ?
Netanyahu et Smotrich ont choisi le bon cheval quand ils ont libéré les chefs du Hamas et financé ce groupe, tout en gardant Barghouthi dans leurs geôles. Avec un ennemi pareil, il n'y a pas besoin d'amis.
La question des moyens s'est souvent posée dans les luttes révolutionnaires, de résistance et de décolonisation. Ceux qui postulaient l'absence de limites ont souvent perdus.
Les gauchistes aiment les glorieuses défaites, surtout quand ce n'est pas leur sang qui coule. C'est d'un chic pour la galerie !
Que les gazaouis puissent un jour compter sur une "résistance" moins avide de leur sang
Merci de nous faire la lecture!
mais on ne possède aucune preuve des crimes horribles; mais nous ne disposons que des infos propagées par Israël qui ment sur tous les sujets;
que seront demain , les orphelins de gaza ?? de gentils moutons ou des loups enragés . occident regarde dans ton miroir et pleure sur les conséquences de ta veulerie !!!
Merci à nouveau ! Je guettais la prochaine lecture de Lordon depuis des mois !
Alimi est un allié, il n'y a pas de doute. Mais un allié qui raisonne dans la grammaire de l'adversaire. Donc dont le raisonnement s'arrête aux limites que nos adversaires politiques ont fixé. Pour lui, si tu ne t'exprime pas avec les mots choisis par nos adversaires politiques, avec les connotations politiques qu'eux mettent, alors il se permet comme eux de présumer de sa supériorité morale sur toi. Il a dit et je cite, qu'il se demandait en écoutant les réactions de la gauche type LFI "Si nous faisions partie de la même humanité". Je crois que tout est dit.
Tout matérialiste devrait voir le piège que constitue cette question morale. Elle dépolitise tout. Elle est à géométrie variable : on pousse des cris suraigus quand c'est la Russie, on pousse des cris suraigus quand c'est Israël… mais sur ceux qui défendent la voix des Palestiniens. Elle ment, elle triche, elle cache les faits qui ne vont pas dans son sens, elle propage des fausses nouvelles… Elle n'est pas morale, la morale de nos adversaires. Tout simplement parce qu'elle est idéaliste, et que dans un monde idéaliste il suffit de décréter qu'une idée est meilleure que les autres, et si tu as tous les porte-voix pour couvrir la contradiction, alors cette idée devient la vérité, aussi injuste et ignorante des faits qu'elle soit. Il se trompe complètement en croyant qu'on défendra mieux la Palestine en parlant comme ses bourreaux.
Judith a des tiques !!! ? Frédéric se prend pour Spinoza !!!
Est ce que l’acte terroriste peut uniquement qualifier un acte d’un jour, par surprise, sur une population civile et ne pas qualifier d’acte terroriste ce que subissent les Palestiniens tous les jours sur leur sol au vue de tous, depuis 75 ans ?
alimi a perdu la une occasion de se taire !!!
Merci pour la lecture des textes annexes auxquels nous n'avons pas tous accès
Comme j'aimerai qu'Arié Alimi nous parle davantage des conditions faites au peuple palestinien depuis si longtemps par les colons qui les chassent de leur terre, et qui les tirent comme des lapins sans que personne n'y trouve rien à redire. Qu'il nous dise aussi ce qu'il pense du blocus qui dure et qui impose des souffrances sans nom à 2 millions de personnes. Alors ses arguments pleurnicheurs sur l'acte de." terreur" du HAMAS un certain 17 octobre prendrons un tout autre sens à mes yeux. Comme j'aimerai qu'il condamne l'occupation de la Palestine et accepte simplement l'idée que cette occupation justifie en soi des réactions violentes de ceux qui sont dépossédés de leurs biens.
Assassins de teufeurs. Elle est belle la résistance. La morale, l'éthique cest pas pour faire joli. Separez vous en et vous n'êtes plus rien qu'un singe violent.
Je trouve le billet à charge contre Arie Alimi et trop agressif. De quel droit presenter Alimi comme extérieur au conflit et comme un bourgeois non touché personnellement par les événements? Qu'en sait Lordon ? Sinon merci pour votre travail. J'apprécie beaucoup la brillance de Lordon. Tout devient clair grâce à son analyse.
Merci pour cette vidéo si riche. Et c'est très pratique d'avoir une version audio du billet de lordon, un de ses plus forts
Salut camarades,
J'apprécie beaucoup ces échanges d'idées, et pour cette fois , je trouve que la note de blog de Lordon est critiquable. Sur biens des points je suis bien sûr en accord avec lui : les origines, la durée du conflit, les injustices et les crimes commis par la colonisation …OK
Mais en résumé « qu'il ne reste que la vengeance aux palestiniens » et de soutenir cette explication pour les attaques du 7 octobre, je ne suis pas en accord avec ça.
La vengeance s'exerce lorsque l'on est victime et que la justice officielle (un tiers) ne fait rien, OK, mais alors on rend une justice en lieu et place de ce tiers. Or en l'espèce, attaquer et massacrer des civils, violer des femmes et prendre des otages ne peut faire justice !
Et si l'on est dans la vengeance, chaque crime ou massacre en réponse sera aussi une vengeance, et sera justifié comme telle.
Cet acte est un acte de terreur ! Tout le monde comprend cela. Et a la limite je veux bien comprendre que sur place il ne reste que cela à opposer à l'ennemi occupant.
Mais ici hors du champ des combats, pouvons nous nous identifier sans réfléchir un peu ?
Pourquoi nous posons ici nous la question du qualificatif de résistance à attribuer aux combattants du Hamas ?
Nous sommes loin du conflit, mais nous avons besoins de voir clair. Ici, en France la résistance : »ça parle "aux gens de gauche, les résistants avaient le courage de combattre l 'ennemi, mais étaient aussi porteur d'un projet politique démocratique et social, communiste.
Imagine-t-on le groupe Manouchian violer des collabos ? Se sont-ils vengé ou ont-ils demandé justice à la libération ?
Ceux qui ont tondu les femmes ne rendait pas justice, mais exerçait leur vengeance.
La justice fût aussi expéditive parfois, peut-être, mais aussi trop clémente .
Quel est le projet politique du Hamas ?
Quelle est leur volonté politique ?
Quel est leur combat ? Pour qui combattent-ils ?
Le peuple Palestinien est -il gagnant de quoi que ce soit sur cette attaque ?
Pouvons nous faire la critique de combattants qui sacrifie leur peuple ?
Les faits sont ce qu'ils sont , au delà des mots, le projet d'Israël on se rend bien compte de ce qu'il est. Israël augmente son occupation, se débarrasse de l'ennemi, par tous les moyens, fait un génocide, et il reste l'IMPUISSANCE de toute force pour stopper cela.
Et notre propre impuissance se révèle dans chaque combat ici et maintenant .
Aucune force de gauche ne réussit à créer un mouvement de masse suffisamment puissant pour faire plier le gouvernement dans sa « réforme » des retraites. Chaque jours on nous prédit que les fachos sont en masse et vont tout gagner !
Et nous restons impuissants à nous faire entendre.
Est-ce dans cette impuissance que naît le désespoir, et la volonté de vengeance ?
L'écoute de Lordon participe de l'hygiène mentale. Il remet les choses à leur place. J'ajouterai qu'il ne faut jamais oublier que le terrorisme, quels qu'en soient les auteurs (nationalistes qui défendent leur pays, fanatiques islamistes, terrorisme d'Etat…), est toujours politique, par définition. Voilà une chose que les journalistes (qui n'ont aucune culture) devraient apprendre.
Mais dans quelle guerre ils ont déjà vu qu’il n’y avait pas de mort de civil intentionnelle ou non? Les viols et meurtres de civils font partie de l’horreur de la guerre, ils s’en horrifient quand ce sont les Palestiniens qui les commettent, les israéliens n’ont jamais violé dé palestiniennes avant le 7 octobre? Tué de civils? Ah mais là ce n’était pas du terrorisme par contre. Désolé mais ça ne tient pas.
Arié Alimi proposera bientôt une charte de l'éthique de la résistance. Les peuples colonisés, pillés, expropriés, voire génocidés seront incités à la signer. Elle encadrera leurs révoltes en fonction des valeurs de leurs colonisateurs ; ces derniers, comme il est d'usage, n'étant pas tenus de les respecter. Dommage, Frédéric Lordon, que vous n'ayez pas aussi relevé la délicate comparaison que fait A. Alimi entre Caroline Fourest – dont le silence quant aux violences infligées aux Palestiniens et Palestiniennes depuis 75 ans n'est sans doute que pudeur tant sa douleur est grande – et Judith Butler qui ne cesse d'alerter sur la situation, avec sans doute un peu trop d'intelligence et d'empathie. Comparaison indécente dans ce contexte, quel qu'en soit le but. Tout comme l'usage d'une vieille technique de discrédit, toujours usitée dans les médias, qui consiste à caricaturer tel ou tel trait physique lorsqu'on est à court d'arguments. Un sourire, une gestuelle dont A. Alimi, spécialiste reconnu du langage du corps nous dit avoir saisi le sens. Quel baratin ! En fait, je crois que A. Alimi comme tant d'autres ne s'est pas remis d'avoir été obligé de regarder en face les conséquences que peuvent entraîner la souffrance et le désespoir. Et plutôt que comme le fait Butler, exprimer son désarroi sans perdre de vue la situation et ce qu'elle a d'absolument inacceptable, il se noie et tente de brouiller les pistes pour ne pas regarder la réalité en face.
Débat très intéressant nous permettant de réfléchir sans être manipulé par la vangeance Je pense important de. souligner que Arie Halimi nous donne à lire une plaidoirie ,normal il est avocat Il défend une situation il a choisit le camp d’où il parle même si il manifeste une certaine empathie pour l’autre partie Butler est une philosophe qui tente de réfléchir et de produire des connaissances qui permettront de choisir
J'imagine que c'est lié à la philosophie de son cher Spinoza, mais je ne comprend pas pourquoi Lordon oppose la condamnation éthique à la condamnation judiciaire, la seconde étant toujours pour moi nécessairement fondée sur la première, et de même avec la politique qu'il oppose à l'éthique. Il reconnaît lui même à la fin de son article qu'il sort de la pure positivité quand il pose l'existence d'un oppresseur et d'un opprimé, et sa réserve sur l'absence d'arguments de justification ne semble pas pouvoir tenir, car qu'est-ce donc, si ce n'est une justification d'ordre éthique, que d'affirmer qu'il y a une colonne de souffrances plus importante que l'autre et qu'il faut partir de là pour penser la situation ?
Le propre de la bourgeoisie n'est pas le registre éthique (même si il est vrai qu'elle l'investit plus particulièrement parce que cela lui permet de renvoyer chaque problème à une responsabilité individuelle en evacuant le déterminisme sociale qui est à l'œuvre) mais de posséder les moyens de production et donc aussi les moyens de production de l'information, et par là de choisir le cadre et l'angle selon lesquels une information sera traitée. Ayant pris parti pour les colonisateurs, les médias de la classe dominante ont décidé de se focaliser presque entièrement sur ce qui est le plus évidement condamnable dans la résistance palestinienne.