Depuis le 7 octobre, le Proche-Orient s’est embrasé. Nouvelle phase, terrible et meurtrière, d’un conflit vieux de plusieurs décennies. Notre émission spéciale et en accès libre sur ces deux mois qui ont changé le monde avec des invités et la rédaction de Mediapart.

    Mediapart n’a qu’une seule ressource financière : l’argent issu de ses abonnements. Pas d’actionnaire milliardaire, pas de publicités, pas de subventions de l’État, pas d’argent versé par Google, Amazon, Facebook… L’indépendance, totale, incontestable, est à ce prix. Pour nous aider à enrichir notre production vidéo, soutenez-nous en vous abonnant à partir de 1 euro (https://abo.mediapart.fr/abonnement/decouverte#at_medium=custom7&at_campaign=1050). Si vous êtes déjà abonné·e ou que vous souhaitez nous soutenir autrement, vous avez un autre moyen d’agir : le don ➡️ https://donorbox.org/mediapart?default_interval=o#at_medium=custom7&at_campaign=1050

    Salut et bienvenue sur Mediapart. Depuis le 7 octobre, le Proche-Orient s’est à nouveau embrasé. Nouvelle phase terrible et meurtrière d’un conflit vieux de plusieurs décennies sur fond d’occupation et de colonisation par Israël. Ce soir, sur Mediapart, une émission spéciale sur ces deux mois qui ont changé le monde,

    Avec des invités et la rédaction de Mediapart. Vous regardez « À l’air libre », l’émission d’actualité de Mediapart. Personne n’a oublié, c’était le 7 octobre, les massacres du Hamas en Israël. 1200 morts et 138 otages sur 240 encore retenus à Gaza à ce jour et dont le sort est inconnu.

    Depuis, des dizaines de milliers de tonnes de bombes larguées sur la bande de Gaza, des quartiers entiers rasés, 100 000 bâtiments détruits ou endommagés, selon la BBC. 16 000 mots, selon le décompte du Hamas, décompte qui est « plus ou moins », c’est une citation, confirmé par Israël

    Dans une dépêche de l’agence Reuters ce matin. 70 % des morts gazaouis seraient des femmes et des enfants, selon le Hamas. Si ce chiffre est confirmé, cela signifierait, d’après le New York Times, qu’une femme ou un enfant a été tué toutes les sept minutes à Gaza en deux mois.

    À l’heure où nous parlons, les combats continuent, des centaines de milliers de Gazaouis luttent pour leur survie, la société israélienne reste traumatisée. Ce conflit a des résonances et un impact mondial. Comment Mediapart a couvert ce conflit ? Réponses aux questions que vous vous posez, que vous nous avez posées.

    Ce sera notre deuxième plateau d’ici 40 minutes avec Edwy Plenel, directeur de la publication et président de Mediapart, Lénaïg Bredoux, codirectrice éditoriale de Mediapart, Rachida El Azzouzi, journaliste au pôle international et François Bougon, qui a coordonné pour Mediapart la couverture de cette guerre. Mais d’abord, nos premiers invités.

    Bonjour à vous et merci d’être là. Ofer Bronchtein, vous êtes président et co-fondateur du Forum international pour la paix. Vous avez été conseiller du Premier ministre israélien, assassiné, Yitzhak Rabin, dans les années 90. Hala Abou-Hassira, bonjour, vous êtes ambassadrice de Palestine en France. Johann Soufi, bonjour. Vous êtes avocat et procureur international,

    Ancien responsable de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens à Gaza, l’UNRWA. Revenons peut-être, si c’est possible, c’est peut-être compliqué, mais revenons peut-être à ce début du mois d’octobre, avant cette attaque du Hamas. À ce moment-là, où en étions-nous ? D’une certaine façon, ce conflit israélo-palestinien, en tout cas pour les diplomaties occidentales,

    C’était comme si on n’en parlait plus, on ne voulait plus en parler. Est-ce que c’était ce sentiment que vous aviez ? Le sentiment que nous avons, que j’ai, et que tout Palestinien a, est que la communauté internationale a décidé, choisi de mettre de côté cette question palestinienne non réglée depuis 75 ans.

    Je rappelle le contexte de l’avant-7 octobre, et c’est ça l’essentiel dans ce moment-là, c’est ce qui était la réalité en Palestine occupée d’une Nakba palestinienne, d’un régime d’apartheid israélien imposé sur l’ensemble du peuple palestinien, d’une occupation militaire israélienne depuis 56 ans et un blocus, le blocus le plus inhumain,

    Je n’arrête pas de le dire, imposé sur la bande de Gaza depuis 16 ans aujourd’hui, qui a anéanti toute forme de vie digne de toute une population, de 2,3 millions d’habitants dont la majorité, plus de la moitié de la population gazaouie, n’a pas atteint l’âge de 18 ans.

    Du coup, une population qui vit l’oppression, qui vit la ségrégation, qui vit la discrimination, l’apartheid, l’occupation et la violation au quotidien de tous ses droits. C’est ça qui nous a amenés à une telle explosion le 7 octobre. Et nous vivons les conséquences aujourd’hui par le massacre perpétré par le génocide,

    Et j’insiste sur ce terme, perpétré par l’État d’occupation, l’État d’Israël, contre la population civile gazaouie. Ofer Bronchtein, vous avez milité pendant longtemps pour la paix. Est-ce que vous aussi, ces derniers mois, vous vous disiez : « On ne parle plus de ce conflit » ? Est-ce que même, d’ailleurs, la société israélienne

    Continuait à penser à ce conflit, d’une certaine façon ? Tout d’abord, je n’ai pas milité, je continue à militer, je continuerai à militer. Il s’agit de l’avenir de mes enfants et de ma petite-fille qui vit là-bas. Et oui, c’est vrai que ces dernières années, le conflit était à feu doux.

    Il y avait un statu quo qui arrangeait pas mal de gens, surtout le gouvernement de droite israélien. Des petits incidents à droite, à gauche, mais ça ne dérangeait pas vraiment. Certainement pas la communauté internationale et certainement pas les pays arabes qui, comme vous le savez,

    Une bonne partie d’entre eux ont commencé à avoir des relations diplomatiques avec Israël. Mais je voudrais reprendre les paroles d’Hala. Je n’aime pas être dans la position où je dois défendre, certainement pas ce gouvernement israélien, mais j’ai presque l’impression en l’entendant qu’elle excuse la barbarie,

    Le crime contre l’humanité qui a eu lieu le 7 octobre. Il ne peut pas être excusé, et moi, je suis, et Hala le sait, et que ce soit clair dès le départ, je suis pour un État palestinien, je suis pour un État palestinien hier. Pas demain. Hier.

    Je suis pour une égalité de droits entre Israéliens et Palestiniens, je suis pour une paix qui respecte les droits des uns et des autres. Ceci dit, ce qui s’est passé le 7 octobre ne peut pas être ni excusable, ni explicable. Prendre des enfants de trois ans en otage, c’est inacceptable.

    Violer des femmes, c’est inacceptable. Prendre des vieux de 85 ans comme otages, c’est inacceptable. Donc moi, je dis que pour le bien des Palestiniens, et Hala le sait, j’ai beaucoup d’amis avec qui je parle tous les jours du côté palestinien, s’ils justifient le 7 octobre, ils perdent de leur crédibilité,

    Ils perdent de la force de leurs arguments. Donc moi, je suis désolé… Je n’ai pas forcément entendu de justification, mais que répondez-vous à l’interpellation ? Justement, l’histoire, tout d’abord, il faut être clair, ça n’a pas commencé le 7 octobre, ni en Palestine occupée, ni en Israël, et personne n’excuse la prise des civils.

    On est contre l’atteinte aux civils de tous côtés, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Mais la vie des Israéliens n’est pas plus chère que la vie d’un enfant palestinien. Moi, ce que je n’entends pas, c’est une condamnation de l’occupation, une condamnation de l’apartheid et un appel à enfin mettre un terme au mal original,

    À la source de cette situation, qui est l’apartheid et l’occupation. C’est ce qu’on doit entendre aujourd’hui, dans ce moment très crucial dans notre histoire. Est-ce que tu condamnes le Hamas ? Je réponds aux questions du journaliste. J’ai compris. Johann Soufi… Tu évites la réponse, c’est ça ? Johann Soufi.

    Arrive le 7 octobre, les combattants du Hamas entrent en Israël, massacrent des habitants. Il va falloir quelques heures et jours pour saisir… L’atrocité, on la comprend assez vite, mais l’ampleur de ces attaques. Puis Israël a attaqué et on est dans cette phase après une trêve humanitaire.

    Pour vous, quel adjectif vous mettriez sur le cycle dans lequel on est entrés, dont on ne voit pas à cette heure la fin ? Oui, c’est un cycle d’atrocités, mais comme il a été rappelé, qui s’inscrit dans le temps long, qui change extrêmement par son intensité mais qui, en termes de qualification juridique,

    S’inscrit dans une continuité de crimes internationaux de part et d’autre, mais effectivement dans aussi une situation qui, au regard du droit international, est une situation d’occupation illégale et d’annexion qui est condamnable du point de vue du droit international. Donc, c’est là où peut-être le droit offre des instruments

    Qui permettent aussi de dépassionner d’une certaine manière le débat, de s’inscrire dans le temps long et de regarder aussi quelle est en fait la cause du problème, à la fois en Israël et en Palestine, et c’est notamment la violation du droit international.

    Si on parle du 7 octobre, des crimes de guerre du Hamas, les preuves commencent à arriver, y compris sur des crimes sexuels. En droit international, comment tout cela pourrait être qualifié ? Et on va évidemment parler de ce qui se passe à Gaza après. Le droit international est simple, en fait.

    Le fait de cibler des civils et de violer les conventions de Genève, ça constitue un crime de guerre. Ensuite, il y a différents types de crimes de guerre. Il peut y avoir des meurtres, la prise d’otages en est un, les violences sexuelles, notamment les viols, en sont également. Après, si l’attaque vise

    De manière généralisée ou systématique des civils, ça constitue un crime contre l’humanité. Mais ces principes à nouveau s’appliquent des deux côtés. C’est-à-dire que lorsque l’on considère, par exemple, que les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité dans l’attaque ne sont pas respectés au moment de la riposte israélienne,

    Ça constitue également un crime de guerre. Et si on détermine que c’est en réalité la population civile palestinienne qui est visée dans les attaques à Gaza, ça constitue aussi un crime contre l’humanité. En fait, la beauté, si j’ose dire, d’une certaine manière, et la rigueur du droit international,

    C’est que c’est un instrument qui s’applique des deux côtés et que la violation du droit par l’une des parties n’autorise pas l’autre à en faire de même. Et tant qu’on y est, puisque Hala Abou-Hassira a parlé du terme de « génocide », qu’on voit partout, dans les manifestations ou sur les réseaux sociaux,

    Il est beaucoup utilisé, il a beaucoup circulé. Qu’en dit l’avocat et procureur international, à ce stade ? Et quels seraient les éléments, c’est important de le dire en droit, quels seraient les éléments qui permettraient un jour peut-être d’accréditer ou non cet élément ? Ce n’est pas un terme évidemment neutre, « génocide ».

    Non, c’est pas un terme neutre, mais il est défini juridiquement aussi, et notamment dans les actes, donc le meurtre, mais aussi l’imposition de conditions d’existence qui entraîneraient la destruction d’un groupe sont des actes qui sont susceptibles de constituer un génocide. Donc, sur les actes, il n’y a pas trop de doute.

    C’est la motivation ou c’est l’acte même. Voilà. Ce qui distingue le crime contre l’humanité du génocide, c’est l’intention génocidaire. Et c’est ça qui est extrêmement compliqué à établir, puisqu’il faut démontrer, au-delà de tout doute raisonnable, la volonté des auteurs de détruire en tout ou en partie un groupe en raison de son ethnie,

    De sa race, de sa religion ou de sa nationalité. Et donc, c’est ça qui est compliqué à établir pour nous, les juristes, mais elle découle à la fois des discours et des actes. Simplement de rappeler, par contre, et ça, à mon avis, c’est important, que la convention de 1948,

    Qui a été votée pour la prévention et la répression du génocide, insiste sur le terme de « prévention », et notamment en 2007, la Cour internationale de justice, dans le cadre d’une affaire Bosnie contre Serbie, a rappelé qu’il était très important pour les États

    De prévenir le génocide et donc de ne pas attendre que le génocide commence pour utiliser le terme, puisque ça enlèverait tout but à cette convention sur la prévention de génocide d’attendre que le génocide ait débuté effectivement pour prendre des mesures. C’est pour ça que pour moi, aujourd’hui,

    Il n’est pas totalement déraisonnable que des experts, et notamment l’ancien procureur de la Cour pénale internationale, mais aussi des experts indépendants de l’ONU, utilisent ce terme pour alerter la communauté internationale. Ofer Bronchtein, deux mois plus tard, le traumatisme chez les Israéliens, mais aussi chez les Juifs du monde entier, il est immense.

    Et vous avez exprimé aussi, notamment dans un texte du Monde, mais à différents endroits, une forme de solitude, de sentiment de ne pas être compris ou de sentiment d’anciens amis, dont vous vous disiez : « Est- ce que tu es encore avec moi ? », d’une certaine façon.

    Est-ce que vous avez encore ce sentiment aujourd’hui ? Est-ce que les deux mois passés là vous ont renforcé dans cette idée-là, ou est-ce que vous voyez d’autres choses peut-être s’ouvrir, être possibles aujourd’hui ? Ecoutez. En 40 ans, en 45 ans de militantisme, c’est la première fois, et elle, elle le sait bien,

    Elle me connaît bien, que je sens un manque d’empathie mutuelle total. Il y a toujours eu de l’empathie de beaucoup de Palestiniens envers les Israéliens qui étaient victimes d’attentats terroristes, il y a eu toujours de l’empathie d’une partie du public israélien envers les Palestiniens qui subissent l’occupation et qui subissent des injustices.

    Cette fois-ci, je ne l’ai pas vue et j’en suis sidéré. Quand on demande aux Israéliens, ça se calme un peu ces 10 derniers jours, il y a des voix en Israël qui se lèvent, qui sont plus raisonnables. Mais quand je demandais aux Israéliens,

    Les premières semaines : « D’accord, ce qui s’est passé le 7 octobre, c’est barbare, c’est terrible. On soigne les plaies, on enterre ses morts, on fait le deuil. Mais regarde ce qui se passe chez le voisin, c’est des bombes, des femmes, des enfants.

    Tu ne peux pas ne pas émettre une émotion, au moins. » Non, la réponse était : « On s’occupe pas d’eux, on n’en a rien à foutre. Maintenant, on s’occupe que de nous. » Et quand je téléphonais à mes amis palestiniens, ils disaient : « On est sous les bombes »,

    Que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie, « nous, maintenant, on est là », et personne, personne du côté palestinien, et madame l’ambassadrice, en est la témoin, n’a eu le courage de condamner le Hamas. Je voudrais dire quelque chose sur le Hamas. Vous répondrez là-dessus.

    Bien sûr, mais je voudrais dire quelque chose sur le Hamas. N’oublions pas que le Hamas, avant de tuer des Juifs et avant de tuer des Israéliens, il a tué des Palestiniens. N’oubliez pas que le Hamas, quand il prend le pouvoir par la force en 2006, il tue presque 1000 Palestiniens

    Dans des conditions qui ne sont pas sympathiques, en les jetant des immeubles, etc. N’oubliez pas qu’il ne reconnaît pas l’Autorité palestinienne. Moi, aujourd’hui, je ne reconnais qu’une seule autorité chez les Palestiniens, c’est l’autorité du président Mahmoud Abbas. Dont Hala est la représentante. Absolument. C’est pour ça que je reconnais, j’apprécie son rôle.

    J’aurais voulu qu’elle soit ambassadrice à temps plein et reconnue par la France en tant que représentante d’un État et pas seulement d’une organisation. Je souhaite que ça arrive le plus vite possible. Mais le Hamas est une organisation terroriste, et pour le droit international, si je ne me trompe pas,

    Ils ont déjà été condamnés en 2002 par la Cour internationale de justice pour crimes contre la guerre. Donc, que mes amis palestiniens ne condamnent pas le Hamas et leur barbarie, ça me gêne. À propos… – Ça fait deux fois… – Qu’il n’y ait pas de malentendu. Moi je suis pour un cessez-le-feu hier,

    Je suis pour que la violence s’arrête tout de suite. Ce qui se passe à Gaza est insupportable. Hala Abou-Hassira, ça fait deux fois qu’Ofer Bronchtein dit que vous ne condamnez pas le Hamas. C’est une question qu’on vous a beaucoup posée, il vous la repose. Déjà, sur ça. Déjà, laissez-moi vous dire,

    Il faut connaître l’histoire de la Palestine, il faut connaître l’histoire d’Israël aussi pour comprendre où nous nous trouvons aujourd’hui. Toutes les voix israéliennes aujourd’hui parlent du Hamas comme l’ennemi. L’ennemi à la paix et la source de problèmes. Je vais répéter ce que je dis et je ne vais pas arrêter de le répéter.

    Le Hamas a été créé en 87. L’apartheid israélien et la Nakba contre le peuple palestinien et l’occupation israélienne militaire existent depuis 75 ans aujourd’hui. Du coup, ne cherchons pas de faux ennemis. Nous pouvons, je dirais, anéantir ou neutraliser tout ennemi, j’entre dans le raisonnement des Israéliens,

    Par le fait de faire la paix, de résoudre le problème principal. Je ne peux pas imposer les conditions les plus graves, les plus non-acceptables, en violation totale du droit international, et dire aujourd’hui : « Je n’en suis pas responsable, c’est le peuple sous occupation qui est responsable. »

    On a mis en garde pendant des décennies, des décennies, la communauté internationale et Israël aussi contre une éventuelle explosion, et on ne savait pas quelle forme, sans justifier ce qui s’est passé le 7 octobre. Et on le dit haut et fort : nous sommes contre le ciblage et l’atteinte de toute vie civile.

    – Pour cela, il faut arrêter. – Tu condamnes le Hamas, alors. Je condamne l’occupation, je condamne l’apartheid. On ne va pas vous mettre d’accord. Ce débat a été beaucoup joué sur les plateaux télé pendant des semaines. Aujourd’hui, la nécessité, c’est vraiment d’adresser la source des problèmes.

    Au lieu de se blâmer ici ou là, réglons le problème fondamental qui est l’occupation et donnons aux Palestiniens leurs droits, leur droit de liberté et de dignité, au lieu du carnage qu’on est en train de voir devant le monde entier. Je reviens à vous dans un instant mais Johann Soufi, vous vouliez réagir.

    Vous savez, mon expérience dans les conflits armés, c’est quand on a tendance, justement, à se focaliser trop sur les individus plus que sur les actes. Ou sur les groupes, d’ailleurs. Et c’est notamment aussi ce qu’on essaie de faire en droit pénal, c’est de dépasser l’individu ou le groupe

    Pour se concentrer sur la condamnation et la qualification juridique d’actes. Donc, c’est pour ça que moi, j’ai l’impression que ce débat, il est parfois un peu stérile de chercher à obtenir d’une communauté ou de l’autre la dénonciation, en fait, du groupe ou d’une population dans son ensemble.

    Ce qu’il faut essayer de construire, c’est des ponts plutôt que des murs. Et donc aujourd’hui, c’est comment est-ce que, entre Palestiniens et entre Israéliens, on peut d’abord se mettre d’accord pour condamner… Par l’application du droit international. Pour respecter le droit international et condamner les violations de ce droit international,

    Quels qu’en soient les auteurs, plutôt que de rentrer systématiquement, effectivement, dans ce débat qui est compliqué, parce que je ne vois pas comment aussi un groupe, quel qu’il soit, à nouveau, qui est pris dans un conflit historique… C’est compliqué de condamner le Hamas ?

    Sur ça, il y a un point très important, c’est la CPI. La CPI, on va en parler après. S’il vous plaît… S’il vous plaît… S’il vous plaît. Hala Abou-Hassira, si on tenait à ce que vous soyez là aujourd’hui, c’est que la vie d’une ambassadrice, d’une représentante diplomatique,

    Se croise parfois avec l’histoire personnelle et familiale. Vous êtes gazaouie et depuis deux mois, vous avez été directement, dans votre famille, très touchée par cette guerre. Est-ce que vous pouvez nous nous raconter ? Vous avez perdu beaucoup de proches. J’essaie d’épargner ma famille de tout cela.

    Je dis ça parce que vous l’avez déjà raconté dans Le Monde. Ce que je vis et ce que vit ma famille, malheureusement, c’est le quotidien non seulement de ma famille depuis 62 jours aujourd’hui, mais de l’ensemble de 2,3 millions de Palestiniens qui se trouvent dans la bande de Gaza.

    Si je vous dis le bilan d’aujourd’hui et le bilan, on n’arrive pas à suivre tellement les victimes et les Palestiniens assassinés, le nombre est gigantesque. On est à plus de 16 000 Palestiniens assassinés par Israël depuis deux mois, dont une majorité, vous l’avez rappelé tout à l’heure, de femmes et d’enfants.

    Plus de 60 %, 75 % d’entre eux sont des femmes et des enfants. Plus de 1,9 million de Palestiniens ont été déplacés aujourd’hui, et pas qu’une seule fois. Deux fois, trois fois, quatre fois. Il y a le cas de ma famille. Ma famille a été déplacée quatre fois.

    On a demandé à tout le monde de quitter le nord vers le sud. Ma famille a fait comme tout le monde, par peur. Elle voulait, tout simplement, épargner les enfants et leur garantir un « abri sécurisé », comme ça a été déclaré par Israël. Ils sont allés dans le sud.

    Le bâtiment où ma famille s’est réfugiée a été bombardé. Du coup, comme beaucoup de Palestiniens, ils ont décidé de remonter dans le nord. Mon père m’a dit : « Si c’est la mort partout, si la mort nous suit partout, qu’on soit dans le nord ou dans le sud,

    Moi, je préfère rentrer à la maison et mourir en dignité chez moi. » Ça, c’est la perception aujourd’hui de tout Palestinien qui se trouve dans la bande de Gaza. C’est la mort imminente. C’est la désespérance, c’est le désespoir. Pour qu’on se donne l’ampleur, parce qu’on a vu ces listes circuler, évidemment,

    Et elles ont été présentes… Ça veut dire que pour une famille comme la vôtre, on parle de dizaines de personnes. On parle d’une trentaine de personnes. Une trentaine de personnes, avec des vieillards, avec mes frères, ma sœur, leurs enfants, leurs petits-enfants. On parle de toute une lignée, d’une génération palestinienne entière.

    Quand les Palestiniens se sont enfuis pour le sud, le sud a été bombardé. Aujourd’hui, Israël bombarde dans le nord. Il a divisé la bande de Gaza en trois parties : le nord, le centre et le sud. Ils ont dit : « Allez-y, dans le sud, c’est une zone sécurisée »,

    Alors qu’aucune place, aucun endroit aujourd’hui dans l’ensemble de la bande de Gaza est un endroit sûr. Les hôpitaux sont bombardés. Les écoles de l’UNRWA, on appelle à leur élimination. Elles produisent et fournissent aujourd’hui les services vitaux. L’Agence des réfugiés des Nations unies. On va en reparler après. C’est pour les réfugiés palestiniens.

    Les écoles sont bombardées, les abris sont bombardés, les gens ne trouvent nulle part où aller. Même s’ils vont vers la mer, les Israéliens bombardent la mer. C’est une apocalypse totale. Toute infrastructure est anéantie. Toute essence de vie est anéantie. Les gens ne trouvent rien, ni de quoi manger,

    Ni de quoi boire, ni de quoi se soigner. Les hôpitaux ne peuvent même pas soigner les 60 000 blessés. On est à 60 000 blessés. On est devant une catastrophe humanitaire. On est devant une catastrophe sanitaire. Le système de dessalement ne fonctionne plus dans la bande de Gaza. Il y a des épidémies.

    C’est l’hépatite C, aujourd’hui, qui atteint toute la population, beaucoup d’entre eux. C’est les maladies de la peau. C’est les femmes enceintes qui sont en train d’accoucher dans des conditions extrêmement dangereuses. Plus de 50 000 femmes enceintes se trouvent dans la bande de Gaza. Plus de 20 % de la population est handicapée

    Et elle a besoin de soins très particuliers. Les gens se retrouvent dans la rue parce qu’ils n’ont aucun endroit sûr pour s’abriter, pour protéger leurs enfants. C’est l’horreur totale, c’est la peur totale, mais c’est la résilience aussi, car la population gazaouie et l’ensemble du peuple palestinien sont conscients du projet israélien.

    C’est le transfert forcé de toute une population. Justement… Je vous fais réagir après, Ofer Bronchtein. Johann Soufi, vous avez travaillé à Gaza pour l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, dont parle madame l’ambassadrice. On a vu la destruction par Israël des hôpitaux, la détresse humanitaire. Beaucoup d’images ont circulé.

    Israël dit à chaque fois : « Nous avertissons les civils. » C’est vrai qu’on a des avis d’avertissement qui sont passés. Il nous dit aussi qu’il y a des cibles militaires du Hamas sur les hôpitaux, et on sait que le droit international, il parle de proportion de la réponse militaire,

    A fortiori quand ce sont des infrastructures civiles et sanitaires. Est-ce qu’aujourd’hui, cette proportion… Enfin, le fait de prévenir et d’attaquer de façon proportionnée, est-ce que pour vous, aujourd’hui, c’est la réalité de ce qui se passe à Gaza ? Deux éléments de réponse. Le premier, c’est que, effectivement,

    Pour distinguer à la fois le principe de proportionnalité et de précaution dans l’attaque, c’est sur le temps long, puisque ça nécessite de voir non seulement les dommages, mais aussi quelle était la cible militaire qui était recherchée et aussi quelles informations étaient à la disposition de l’attaquant et donc d’Israël, à ce moment-là.

    Donc, ça sera une analyse au cas par cas à chaque fois, mais quand on voit le niveau de destruction dont a parlé madame l’ambassadrice, quand on voit la proportion de morts, de tués parmi la population civile, il n’y a absolument aucun doute que l’attaque, l’attaque israélienne,

    Ne correspond pas aux exigences du droit international. Il n’y a absolument aucun doute. Donc, pour le dire autrement, il n’y a absolument aucun doute qu’Israël commet des crimes de guerre a minima dans la bande de Gaza, aujourd’hui, mais déjà depuis plusieurs semaines. Il y a cette idée des transferts de populations,

    Dont parlait aussi Hala Abou-Hassira. En fait, c’est aussi des déclarations des dirigeants israéliens, cette idée de créer une zone tampon, ou même parfois de faire sortir les Gazaouis de la bande de Gaza. C’est exprimé par différents responsables – au sein du gouvernement. – Oui. Oui, mais pareil, dans mon expérience,

    J’ai rarement vu des auteurs de crimes internationaux. J’ai rarement vu des auteurs de crimes internationaux clamer haut et fort qu’ils violaient allègrement le droit international. Dans tous les dossiers dans lesquels j’ai travaillé, systématiquement, les auteurs nient d’abord les faits. Après, il y a les discours.

    D’ailleurs, certains discours ne laissent que peu de doute sur l’intentionnalité. Quand on parle de détruire toute la bande de Gaza, quand on parle – et je ne me rappelle plus qui a dit ça – de privilégier la destruction à la précaution, ça ne laisse que peu de doute à l’intention criminelle.

    Je voulais donner la parole à Ofer Bronchtein, mais il dit : « Ce n’est pas la peine. » – Je suis d’accord. – C’est des monologues. – Dites-moi. – Ce n’est pas des monologues. – Je pense qu’on est d’accord. – Moi, je te dis quelque chose…

    Je peux te tutoyer ? Il va y avoir… C’est pour ça que je pense que le débat, il ne servira à rien, à un moment donné, parce qu’il va y avoir des enquêtes faites par des gens qui doivent enquêter. Eux vont déterminer qui a fait quoi

    – et quel crime a été commis. – C’est trop tôt, c’est ça ? Oui, on est en pleine guerre. Ce qui est urgent, pour moi, c’est qu’elle s’arrête. Ce n’est pas de dire : « Tu as commis un crime de guerre. » Apparemment, ni les Israéliens ni le Hamas

    N’en ont rien à foutre qu’ils aient commis… Laisse-moi terminer, je t’ai laissée parler. – Ils n’ont commis aucune… – Elle n’a rien dit. – Je n’ai rien dit. Du calme. – Excuse-moi. Très bien. – Voilà, calmons-nous. – Je veux revenir quand même… Ça me gêne d’être dans cette position,

    – mais je vais le faire. – Je ne vous demande pas d’être dans une position en particulier. Je vais te dire dans quelle position je suis. Il s’agit d’expliquer que cette guerre peut s’arrêter. Je ne veux pas rentrer dans le débat historique pour dire qui a commencé en 48

    Et pourquoi il y a eu le départ des Palestiniens, pourquoi il a été forcé. C’est un autre débat historique, qu’on devrait avoir à un moment donné. Qui est quand même important dans la discussion. Mais il ne va pas faire avancer le schmilblick à ce stade. Dites ce que vous voulez dire.

    Par contre, il ne faut pas oublier que la riposte disproportionnée, cruelle, terrible de l’armée israélienne sur Gaza vient en réponse à ce qui s’est passé le 7 octobre. Est-ce que ça la justifie ? Ça ne la justifie pas. Je ne sais plus comment la qualifier. J’ai dit « cruelle, terrible, disproportionnée ».

    Je ne justifie pas, mais elle est venue en réponse à la barbarie du 7 octobre. Ça, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est qu’il ne faut pas oublier qu’il y a encore 130 ou 140 otages à Gaza, qui sont toujours à Gaza, qui n’ont pas été libérés.

    N’oublions pas que le Hamas continue, ce qui m’étonne assez, d’ailleurs, à envoyer des dizaines de roquettes sur Israël. Imaginez-vous, si ces roquettes avaient été efficaces, elles auraient tué des dizaines et des centaines d’Israéliens aussi. Heureusement pour Israël que ces roquettes ne sont pas efficaces,

    Mais ils continuent à les tirer. L’intention de tuer existe. Si le Hamas libère les otages, arrête de tirer sur Israël, je suis persuadé que cette guerre-là s’arrêtera et permettra peut-être à tout le monde de revenir vers la raison et vers… Je voudrais dire quelque chose à madame l’ambassadrice,

    Parce que son propos à propos du Hamas m’a assez étonné. J’étais il y a trois semaines avec le président Macron chez mon ami, parce que je l’aime beaucoup, qui est le président Mahmoud Abbas, et je l’ai entendu dire ce qu’il pensait du Hamas. Je crois qu’une grande partie de l’Administration palestinienne

    Dit clairement ce qu’elle pense du Hamas. Je vous garantis que ce n’est pas des mots doux. Le Hamas et le Fatah sont des ennemis politiques. Ce sont des adversaires politiques. Mais je voudrais vous rappeler autre chose par rapport au Hamas. Moi, j’ai vécu, comme beaucoup d’Israéliens

    Et de Palestiniens, la lune de miel après Oslo. On était persuadés… Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, deux leaders forts, charismatiques, étaient persuadés qu’ils allaient amener leur peuple vers un havre de paix. Une des raisons pour lesquelles cette paix n’a pas été suivie d’effet, ce processus a été brutalement arrêté,

    C’est l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un terroriste juif, mais cet assassinat d’Yitzhak Rabin, il vient dans quel contexte ? Dans le contexte dans lequel le Hamas, tous les jours, faisait sauter des bus, où des femmes et des enfants mouraient. C’était à répétition. Il y en a eu des centaines,

    Ce qui a poussé la droite et l’extrême droite à encourager l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Donc, ce qui a fait dérailler la volonté de Yasser Arafat, la volonté des Palestiniens, à l’époque, pour arriver à un accord historique entre Israéliens et Palestiniens, ce n’est pas que l’assassinat de Rabin, mais c’est aussi les terroristes du Hamas.

    Tout comme le gouvernement de Netanyahou, qui a favorisé l’ascension politique du Hamas. Oui, absolument, absolument. L’idée était de diviser. Hala Abou-Hassira, Ofer Bronchtein a parlé. Je vous ai vue réagir. Vous vouliez dire quelque chose ? Je commence par la bande de Gaza, par l’essentiel et le plus urgent aujourd’hui,

    Et je reviens au débat qu’on vient d’avoir. Face à ce qui se passe dans la bande de Gaza, pourquoi nous insistons pour définir la nature, je dirais entre guillemets, de l’« action israélienne » dans la bande de Gaza ? C’est en reconnaissant ce qui se passe, en définissant ce qui se passe,

    Que ce soit un crime de génocide, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité… On pourrait aborder cette situation avec les mesures nécessaires pour empêcher la crise humanitaire. C’est la prévention dont parlait Johann Soufi. – Mettre les mots… – C’était l’objectif principal. – Aujourd’hui ? – On va laisser parler madame l’ambassadrice.

    C’est en reconnaissant – qu’il y a un crime de génocide… – Ça arrêtera la guerre ? C’est la responsabilité de la communauté internationale… On n’est pas naïf quand on croit en la valeur du droit international. Le monde entier et le système international sont fondés sur ces valeurs, sur le droit international,

    Qui ne doit pas s’appliquer exclusivement au peuple palestinien ou exclusivement à Israël. Ça permettrait, cette reconnaissance, à la communauté internationale de réagir et d’assumer sa responsabilité et de demander, et ce n’est pas le cas jusqu’à maintenant, un cessez-le-feu immédiat. Ça n’est pas le cas encore des démocraties européennes et des États-Unis,

    Et ça a fragilisé complètement le système international, le système multilatéral, les instances onusiennes, y compris le Conseil de sécurité. Johann Soufi, puis Ofer Bronchtein. Après, j’ai une autre question à vous poser tous. Là où moi, je suis d’accord avec les deux, je ne sais pas si c’est…

    Le temps du droit, comme je l’ai dit, effectivement, il est sur le temps long, mais c’est une des premières fois où j’ai l’impression, et c’est la raison aussi pour laquelle je prends la parole, alors que je ne le faisais pas avant… J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on est en capacité

    De prévenir des crimes qui se déroulent sous nos yeux. Il n’y a absolument aucun doute… Moi, je l’ai dit et je le répète, que les actes du 7 octobre, pour moi, sont de nature criminelle. Aucun doute là-dessus. Simplement, aujourd’hui, je ne les ai pas vus,

    Comme vous, vous n’avez pas vu les événements du 7 octobre arriver et leur nature criminelle. Aujourd’hui, les crimes, ils se déroulent sous nos yeux. Donc, c’est pour ça que je pense que de plus en plus de voix, y compris dans la communauté juridique, s’élèvent pour aujourd’hui déclencher l’action politique.

    C’est, d’ailleurs, dans ce sens aussi qu’hier, le Secrétaire général des Nations unies a saisi le Conseil de sécurité. Ce qui ne lui était jamais arrivé depuis qu’il l’est devenu. À lui, ça ne lui était jamais arrivé. Ça n’était pas arrivé depuis 34 ans, depuis 1989. Pour alerter sur la catastrophe humanitaire.

    Pour alerter et déclencher l’action politique. On a l’impression parfois que cette guerre, en fait, plus personne ne peut y mettre un terme, même juridiquement. Si, demain, le Conseil de sécurité prenait une résolution et que les Américains simplement n’opposaient pas de veto, eh bien, la guerre, elle s’arrêterait. En tout cas, juridiquement,

    – Israël… – Tu crois ? J’en suis persuadé, parce que si je ne crois plus dans les instruments du politique – ni dans le juridique. – Dans le juridique. Bon… Dans quoi je peux croire ? Enfin, à quoi je peux croire ? Ofer Bronchtein, vous avez été hier invité de France Info

    Et vous avez eu des mots qui ont été remarqués, voire critiqués. Vous dites qu’il faut abolir l’UNRWA, l’Agence de l’ONU des réfugiés palestiniens, qui, depuis des décennies, vient en aide aux déplacés palestiniens. Je rappelle, pour ceux qui nous regardent, qui ne savent pas forcément ce que c’est en détail,

    Qu’elle a été créée en 1949. Elle s’occupe de 5 millions de réfugiés palestiniens dans 58 camps à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie. Elle scolarise 700 000 enfants. À Gaza, elle fournit l’aide humanitaire à 1,5 million de réfugiés. Des Gazaouis se réfugient en ce moment même

    Dans ces écoles pour tenter d’échapper aux bombes. Des camps ont été frappés, dont le camp de Jabaliya. On en parle aujourd’hui sur Mediapart. Depuis deux mois, plus d’une centaine de ses collaborateurs ont été tués à Gaza. Alors, ce qui a étonné, c’est le fait que cette déclaration, vous la fassiez maintenant.

    C’est une agence qui fait manifestement beaucoup de choses, y compris de l’urgence humanitaire stricte. Et là, vous nous dites qu’il faut la supprimer. Je vais vous expliquer. J’assume totalement ma position et c’est pas une position d’hier, c’est une position que j’ai depuis très longtemps et je vais vous dire pourquoi.

    Mais je voudrais faire une parenthèse : on oublie… Hala a raison de parler parce que c’est là-bas que ça se passe et que c’est gravissime, de parler de Gaza. Moi, j’aimerais dire deux mots sur la Cisjordanie. Il se passe quelque chose en Cisjordanie et on n’y fait pas attention.

    Il y a eu plus de 200 morts en l’espace d’un mois et demi, une partie d’entre eux par des colons fascistes, donc qui sont représentés dans le gouvernement israélien et que certains laissent faire à la fois pour coloniser, mais à la fois pour tuer, pour blesser, et c’est très dangereux,

    Parce que si la Cisjordanie prend feu, entre guillemets, c’est la région qui va être contaminée. Moi, je suis ravi qu’il y ait une coopération sécuritaire entre Israéliens et Palestiniens en Cisjordanie pour empêcher que ça prenne feu. Mais à un moment donné, ni les forces de sécurité palestiniennes, ni les israéliennes ne pourront retenir.

    Moi, j’aurais voulu que la communauté internationale fasse attention à ce qui se passe en Cisjordanie parce que ça peut être très grave. – Et on en parle sur Mediapart. – Je vais vous dire, mon propos n’était pas d’arrêter l’aide aux Palestiniens. Mon propos était de la faire différemment.

    L’UNRWA existe depuis 75 ans. Elle a un statut très particulier. C’est qu’elle ne s’occupe que des réfugiés palestiniens, et ce statut de réfugié, on le donne en héritage. C’est les enfants, les petits-enfants qui restent. Je ne veux plus de réfugiés palestiniens. Moi, le milliard de dollars par an que l’UNRWA reçoit,

    C’est à l’Autorité palestinienne que je veux le donner. C’est l’Autorité palestinienne qui doit construire des écoles. C’est l’Autorité palestinienne qui doit construire des hôpitaux. C’est l’Autorité palestinienne qui doit faire de l’humanitaire. Pas seulement, je ne veux pas que l’UNRWA existe et je veux que le milliard aille à l’Autorité palestinienne,

    Mais je veux que ça triple et quadruple pour l’Autorité palestinienne pour que… À l’arrivée, 75 ans après, il y a toujours des camps de réfugiés à Gaza, il y a toujours des camps de réfugiés en Cisjordanie, il y a toujours des camps de réfugiés en Syrie, qui sont massacrés par les Syriens.

    Et quand les Syriens massacrent des Palestiniens, personne ne manifeste à Paris, mais c’est un autre débat. Il y a toujours des camps de réfugiés à Beyrouth, donc à l’arrivée, je leur donne de l’argent, et il se passe rien. Encore une chose : aujourd’hui, je n’ai pas le choix

    Que de travailler avec l’UNRWA car on est dans l’humanitaire et qu’ils ont les moyens de palier les besoins des Palestiniens. Mais dès que ça va se calmer, moi, je veux qu’on change. Il faut secouer le cocotier. Est-ce que vous avez conscience que l’UNRWA, particulièrement depuis deux mois, est quand même aussi, par ailleurs,

    Vous le dites, c’est assez connexe… Ça va dans le sens aussi de ce que dit souvent le gouvernement israélien. L’UNRWA est très attaquée, en ce moment, y compris par le gouvernement israélien. C’est pour ça que vos propos ont été étonné. Je vous dis ça.

    Peut-être que je ne suis pas clair. Je n’attaque pas l’UNRWA en tant que telle, certainement pas les gens merveilleux qui font du travail sur place. Aujourd’hui, on a besoin d’eux parce qu’on est dans l’urgence. Mais il faut changer, il faut changer de disque. Moi, cet argent, je veux que l’État de Palestine

    – le reçoive… – C’est entendu. Est ce qu’il y a l’UNRWA en Israël ? Il n’y a pas l’UNRWA en Israël ! Il n’y a pas de réfugiés en Israël. C’est à l’État palestinien des gérer les réfugiés. Johann Soufi, vous avez été responsable du bureau juridique de l’UNRWA à Gaza,

    Ça tombe bien. Comment vous avez vu ça ? J’avoue que j’ai été surpris initialement par votre réaction, mais aujourd’hui, je pense qu’elle est clarifiée, et donc j’avoue que je l’accueille favorablement parce que moi, ce qui me pose problème, c’est que j’ai travaillé pour l’UNRWA, et d’ailleurs, pour d’autres organisations des Nations unies

    Et j’ai vu le travail formidable que font mes collègues – palestiniens et internationaux. – Qui sont très critiqués. Ils font l’objet d’attaques, et ces attaques sont non seulement coordonnées, mais elles sont toujours… Comment dirais-je ? …faites de manière assez aussi temporelle, généralement, quand il y a des conflits, etc.

    Après, moi, là où je rejoins Ofer, mais je pense que tout le monde est d’accord là-dessus, c’est sur le séquençage, c’est-à-dire que ce qu’il faut, – et c’est dans la résolution de l’UNRWA de 1949 – c’est que l’UNRWA travaille dans l’attente d’une solution juste et durable pour les réfugiés de Palestine.

    Donc, le jour où il y aura une solution politique pour les réfugiés palestiniens, dans ce cas-là, l’UNRWA n’aura plus de raison d’être, mais simplement, aujourd’hui, de faire croire que le jour où l’UNRWA disparaîtra, ça résoudra la question du conflit… C’est ça que tu as compris de mes propos ?

    – C’est en tout cas… – Alors non, je clarifie. – C’est là où c’est important. – Je clarifie. Johann Soufi, terminez, vous clarifiez et on donne la parole à Hala. C’est là où c’est important : d’abord une solution politique qui offre une solution. et après, l’UNRWA disparaîtra, mais ceux qui, parfois,

    Demandent la dissolution de l’UNRWA avant une solution politique, pour moi, ne font que prolonger un conflit qui… Ofer Bronchtein, une dernière clarification rapide. Ça fait 75 ans qu’ils attendent une solution politique, et pour l’instant, ils ont le statut de réfugiés. Ils n’ont pas le droit de travailler et d’avoir une carte d’identité

    Dans des pays comme le Liban, comme la Syrie. Moi, je répète et je clarifie ce que je dis : la solution politique ne viendra que de deux personnes avec l’aide de tout le monde. C’est le gouvernement israélien et c’est l’Autorité palestinienne. C’est eux qui sont habilités à trouver une solution politique

    À tout ce qui sépare Israéliens-Palestiniens. Et donc je pense que l’UNRWA doit être dissoute pour donner aux Palestiniens les moyens de traiter du problème des réfugiés qui est le leur ! Qui est le leur ! L’UNRWA, c’est un truc qui me paraît très bizarre. Que peut l’Autorité palestinienne, en ce moment ?

    La question que pose aussi Ofer Bronchtein, c’est ça. On a beaucoup écrit qu’elle était affaiblie. C’est pas facile, en ce moment, pour l’Autorité palestinienne et encore moins quand, y compris des historiens ou des spécialistes de la zone nous disent que, y compris avec cette action, le Hamas, qu’on le veuille ou non,

    Est devenu un peu, entre guillemets, « le champion de la cause palestinienne ». Donc comment, en tant que représentante de l’Autorité palestinienne, vous voyez la suite des choses ? Vous sûrement allez dire d’abord : cessez-le-feu, arrêtons ça. Mais ensuite, quelles sont les armes, les ressources ? Qu’est-ce qu’il faudrait à l’Autorité palestinienne ?

    Tout d’abord, merci pour cette question, mais juste, je réagis rapidement sur la question de l’UNRWA. Bien sûr, tout Palestinien voudrait l’élimination de l’UNRWA, mettre un terme à son action et son existence. Mais pour arriver à cela, il faut régler la question des réfugiés et il faut respecter et faire appliquer la résolution

    De l’Assemblée générale des Nations unies, 194. On oublie toujours cette résolution votée par l’ensemble des Nations unies, de la communauté internationale. Il faut régler et rendre justice aux réfugiés palestiniens qui sont aujourd’hui plus de 6 millions dans le monde entier, dans des camps de réfugiés en Palestine et dans les pays voisins.

    Il faut leur retour chez eux et c’est un droit fondamental à tout être humain, le retour des réfugiés chez eux et leur compensation par l’État d’occupation. Dans ce moment-là, on n’aura plus besoin de l’UNRWA, et justice sera faite. – Sur l’Autorité palestinienne ? – Sur l’Autorité palestinienne. Nous cherchons depuis des décennies

    Et depuis l’assassinat de Rabin, assassiné par les colons fanatiques et fascistes, nous cherchons le partenaire israélien qui s’engagerait dans un processus de paix. Les gens se moquent de nous quand on dit « processus de paix », ou même « solution à deux États ». Nous cherchons le partenaire israélien

    Qui s’engagerait et qui œuvrerait avec nous à l’application du droit international. On ne va pas parler l’un à l’autre sans référence, sans terme de référence et sans l’application et la nécessité de l’application de toutes les résolutions des Nations unies. Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne cherche un renouveau, cherche l’organisation des élections palestiniennes

    Et présidentielles et législatives. On a décrété ces élections il y a deux ans, mais on était obligés de les reporter, suite au refus israélien, de les organiser à Jérusalem-Est. Je rappelle qu’en 96, on a signé un accord avec Israël. On a signé un accord où Israël s’engagerait

    À permettre la tenue des élections législatives et présidentielles dans l’ensemble des territoires palestiniens occupés : dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Et ça a été le cas dans les deux élections qu’on a eues en 96, en 2005 et 2006. Israël doit permettre la tenue des élections.

    C’est une exigence palestinienne, la tenue des élections, le renouveau politique, et de permettre à toute une génération d’exercer son droit, Il y a une inquiétude sur la force électorale du Hamas pour interdire ces élections. Comment on a fragilisé l’Autorité palestinienne ? Par la fermeture totale de toute perspective politique,

    Par le refus de la solution à deux États, par Netanyahou qui a dit juste il y a quelques jours : « Jamais il n’y aura un État palestinien tant que je suis vivant », par la négation totale de l’existence de peuples palestiniens, de Smotrich auparavant.

    On va conclure, Ofer Bronchtein. Vous, la solution politique, et je finis par Johann Soufi, parce que là, on a quelques minutes. Avec beaucoup de tristesse, je voudrais aborder le jour d’après. J’espère qu’il arrivera le plus vite possible, que cette guerre s’arrête, que les malheureux Palestiniens de Gaza puissent respirer

    Et reprendre un minimum de vie, que les otages israéliens – et pas israéliens non plus, il y a quatre otages français, n’oublions pas – soient libérés et qu’on construise le jour d’après. Moi, je suis persuadé, comme Hala, que dans quelques mois, il y aura des changements politiques dramatiques du côté palestinien

    Comme du côté israélien. Monsieur Netanyahou, ses jours sont comptés politiquement, je n’ai aucun doute. Un autre gouvernement va être créé. Je ne connais pas exactement sa composition, mais ce qui est évident, c’est qu’il sera sans l’extrême droite fascisante qui est dans ce gouvernement et sans la droite très radicale.

    Du côté palestinien, je pense qu’il se passe plein de choses. Je rencontre les acteurs et je pense que dans quelques mois, il y aura un changement important dans le leadership de l’Autorité palestinienne, dans le leadership du Fatah et dans le leadership de l’OLP. Et c’est une bonne chose qu’il y ait un renouveau.

    Maintenant, la bonne chose, si je peux dire « la bonne chose » de cette crise terrible, c’est que tout le monde aujourd’hui reconnaît ce qu’Israël aurait dû faire en 2005. C’est que l’Autorité palestinienne doit contrôler Gaza. Aujourd’hui, il y a une reconnaissance internationale que c’est elle qui doit reprendre le contrôle de Gaza.

    Et Mahmoud Abbas a raison quand il dit : « Moi, je veux bien retourner à Gaza, mais ça doit être dans le cadre d’un processus de paix global et je dois être aidé. » Je sais que 15 000 Palestiniens sont formés en Jordanie aujourd’hui.

    Je sais que les Egyptiens sont prêts à mettre 20 000 soldats dans Gaza pour aider l’Autorité palestinienne à reprendre le contrôle, et j’espère que nous, communauté internationale, donnerons tout le support, tout le soutien à l’Autorité palestinienne pour qu’elle reprenne le contrôle de Gaza, ce qui permettra aux Israéliens d’avoir un seul interlocuteur.

    Conclusion, dernier mot, Johann Soufi. En même temps, les discours d’Israël, en ce moment, c’est de parler d’une occupation de Gaza ou d’une partie de Gaza. C’est plutôt ça, la réalité, en tout cas, des déclarations. – Moi, ce qui me fait peur… – Ce sera le mot de la fin.

    Ce qui me fait très peur avec la situation aujourd’hui au Proche-Orient, c’est que vous savez, pour beaucoup, la Palestine, c’est un peu l’étalon de la crédibilité du discours occidental, mais du discours plus général sur le respect du droit international, le respect des droits de l’homme et la justice.

    Et aujourd’hui, en fait, lorsqu’on voit un peu ces discours fluctuants, y compris… Dans la diplomatie française, on l’a beaucoup documenté sur Mediapart. …sur la situation en Palestine, j’ai l’impression que c’est ça qui est en jeu, aujourd’hui. Joe Biden est très critiqué pour son soutien militaire. Mais tous, mais tous ! Voilà.

    Et donc moi, c’est pour ça que j’appelle, pour solutionner ce conflit, à investir les outils du droit international, y compris la justice pénale internationale. Et ça passe par des actes très concrets, notamment, par exemple, soutenir les enquêtes du procureur de la CPI en Palestine. Ça ne fait pas avancer le schmilblick.

    En tout cas, moi, c’est ma solution. Après, je ne suis pas expert ni en politique, ni en diplomatie… C’est Johann qui termine. …mais je sais qu’en tout cas, ça a été une boussole qui, j’ai l’impression, a fonctionné dans d’autres conflits historiques comme ceux-là,

    Et c’est le seul espoir que je vois pour la situation au Proche-Orient. Merci beaucoup à tous les trois d’être passés sur le plateau de Mediapart. La suite, tout de suite. Depuis deux mois, Mediapart vous informe sur cette guerre au Proche-Orient. Ce conflit, l’occupation israélienne, Mediapart le couvre en réalité depuis 2008,

    L’année du lancement de notre site. Un des premiers articles sur Mediapart fut signé François Bonnet. Il date de janvier 2009, après déjà trois semaines de guerre à Gaza. Son titre était « Guerre de Gaza, l’ultime victoire d’Ariel Sharon », l’ancien Premier ministre israélien. Un article qui parlait, je cite,

    D’Israël « dans un état de guerre permanent ». Nous y sommes à nouveau et plus encore aujourd’hui. Quelques semaines avant le 7 octobre, Mediapart a d’ailleurs publié, sous la plume de notre confrère et ami René Backmann, grand spécialiste de cette guerre, une grande série d’articles « La paix aurait trente ans ».

    C’est le titre de cette série. Dans ces cinq articles, les ingrédients du désastre actuel sont déjà évoqués : l’échec des accords d’Oslo en 93, ses conséquences irrémédiables, l’occupation, l’extension de la colonisation en Cisjordanie, la situation d’apartheid quotidien. Évoqués aussi, la corruption, l’extrémisme et l’affairisme du gouvernement Netanyahou.

    Dès le matin du samedi 7 octobre, le jour des attaques meurtrières du Hamas à Sdérot, dans les kibboutz, au Nova Festival, la rédaction s’est mobilisée pour raconter ces massacres, pour raconter, malgré la fermeture aux journalistes, les massacres à Gaza et les attaques des colons en Cisjordanie, pour raconter aussi

    Les résonances mondiales et françaises de ce conflit. Pendant ces deux mois, vous avez lu nos articles, parfois apprécié, souvent apprécié nos articles, mais aussi, vous nous avez posé des questions. C’est bien normal. Vous vous êtes aussi interrogés sur l’emploi de certains mots, de certains termes.

    On va donc parler ensemble de la façon dont Mediapart a couvert et couvre cette guerre aux multiples facettes avec Edwy Plenel, président et directeur de la publication de Mediapart. Salut. Rachida El Azzouzi, journaliste à Mediapart. Lénaïg Bredoux, codirectrice éditoriale de Mediapart, et François Bougon, responsable du pôle international de Mediapart.

    François, le 7 octobre, les jours suivants, comment Mediapart s’est emparé de cette actualité et avec quel type de contenu ? Quel type d’articles ? Le 7 octobre, j’étais à Blois, aux Rendez-vous de l’histoire et j’ai participé à un débat, enfin, j’ai assisté à un débat sur la colonisation,

    Avec notamment Felwine Sarr, et on parlait de colonialité. Et cette année, le thème de Blois, c’était les morts et les vivants. Donc en fait, tout était déjà réuni, d’une certaine manière, pour annoncer ce qui allait se passer. Je ne le savais pas et quand je suis sorti,

    J’avais une dizaine de messages de Léna sur mon téléphone portable et donc j’ai regardé ce qui se passait, et j’ai su que ça allait être quelque chose d’assez important. Donc tout de suite, on a essayé de voir… Si on rentre dans les détails, on a une boucle…

    On a ce qu’on appelle à Mediapart une direction éditoriale élargie autour de la direction éditoriale, et donc on a une boucle Signal, en l’occurrence, et ce qui nous a permis très, très vite d’essayer d’échanger, etc… Concrètement, on essaye de monter une couverture, d’une part en essayant de voir sur place

    Quelles sont les personnes qui peuvent éventuellement nous écrire des articles. En l’occurrence, c’était Emmanuelle Elbaz-Phelps, qui travaille pour nous depuis plusieurs années, donc j’ai essayé de la contacter très vite en Israël, pour avoir un papier sur ce qui s’était senti, le ressenti de la société israélienne.

    Et sur place aussi à Blois, il y avait Charles Enderlin qui participait à une table ronde avec Jean-Pierre Filiu, qui est un autre connaisseur de la région, et donc tout de suite s’est imposée l’idée…. Je me suis dit que ça serait très bien d’avoir Charles Enderlin, une interview, très vite, 3-4 questions.

    Je suis allé le voir après son intervention à son hôtel à Blois. On a fait une interview en un quart d’heure, 20 minutes. J’avais mis 3 ou 4 questions sur une feuille blanche. Il avait deux téléphones portables et c’était très compliqué mais on a fini par le faire.

    Et donc en l’occurrence, le soir-même, on avait à la fois un papier d’Emmanuelle sur place, on avait cette interview de Charles Enderlin et on a lancé plein, plein d’autres idées de reportages, de couvertures, etc… Et ça a donné lieu aujourd’hui à plus de 150 contenus, je dirais,

    Des émissions que tu as animées, des interviews, des reportages sur place avec des pigistes, et puis des gens de Mediapart. Et beaucoup d’interviews aussi pour donner un peu de champ se sont animées pendant qu’on parlait, justement, ces différents dossiers que vous pouvez consulter, toujours, bien sûr sur Mediapart.

    Lénaïg, on a aussi très vite couvert les questions diplomatiques, et bien sûr les résonances de ce conflit partout dans le monde, mais notamment en France. Comme vient de le rappeler François, ce n’est pas un conflit comme les autres. Bien sûr, quand surgit un événement comme celui-là,

    On est saisi par l’importance et par l’urgence de le couvrir et de le traiter, quand on est dans un quotidien. Mais on le sait aussi tout de suite, que c’est pas un conflit comme les autres. D’abord parce que c’est un conflit mondial depuis toujours, en réalité,

    Avant même la création de l’État d’Israël en 1948, et parce qu’il l’est toujours, mondial, par l’implication de l’Iran dans le financement du Hamas, par les frappes qui touchent aussi le sud du Liban, par le fait que de très nombreux réfugiés palestiniens vivent dans d’autres pays frontaliers, notamment la Syrie, le Liban, la Jordanie,

    Qui fait de ce conflit un conflit mondial. Donc il y a cette dimension particulière qu’il a fallu, nous aussi, traiter dans toute cette dimension. Et puis aussi, le fait que c’est un conflit qui n’active pas n’importe quelle mémoire, qui active une double mémoire, celle évidemment,

    Et particulièrement, je parle là de l’Europe et de la France, et c’est pour ça que c’est un conflit si important en France : la mémoire de la Shoah, évidemment, et la mort de millions de Juifs et de Juives par le fait de l’Allemagne nazie, mais aussi avec la collaboration d’États européens

    Dont l’État français. Ça, c’est un point extrêmement important. Et l’autre point, c’est que ce conflit active une autre mémoire d’une autre nature, qui est celle de la mémoire coloniale, de la colonisation, qui est elle aussi au cœur de l’histoire française, qui est un pays qui a colonisé

    Notamment des pays arabes, les pays du Maghreb notamment. Et voilà pourquoi ce conflit a autant de résonance et qu’on s’est appliqué aussitôt à essayer de le déplier en prenant le temps, parce que dans le surgissement de l’événement, il y a toujours un risque à aller trop vite,

    À vouloir plaquer trop rapidement des choses, mais de prendre ce temps pour déplier les dimensions. Évidemment, la position d’Emmanuel Macron, de la France, dont on avait déjà raconté qu’elle s’était éloignée de la position historique de la France et qui n’a fait que se distendre davantage du droit international, en fait,

    De l’application du droit international et du droit des Palestiniens à disposer d’un État aux côtés de l’État d’Israël, et de la condamnation de la colonisation, mais aussi, comme tu le disais, Mathieu, des fractures, des divisions que ça suscite dans la société française, des divisions parfois, comment dire, suscitées, provoquées, renforcées,

    Mais qui sont aussi parfois des violences extrêmement fortes. Je pense évidemment notamment à l’explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre, et aussi des attaques contre nos compatriotes musulmans ou de culture musulmane, donc de l’islamophobie et les débats très vifs qui ont animé la gauche française

    Dans ce conflit, dans ce contexte très lourd, très tendu et d’un sentiment, parfois, de chape de plomb à laquelle il était difficile d’échapper. Edwy, très vite, on a aussi constaté une couverture médiatique, en dehors de Mediapart, décevante, c’est le moins qu’on puisse dire, de ce conflit en France.

    Des discours va-t-en-guerre, voire des propos racistes. Dans de tels événements, quelle est la responsabilité d’un média indépendant comme Mediapart ? Précisément de ne pas tomber dans le piège de l’événement, de ne voir que l’événement comme un événement monstrueux qui écrase tout, en l’occurrence le 7 octobre, un but de guerre fixé au Hamas,

    On l’a dit, qui est un crime de guerre, des massacres de civils dans des kibboutz, et on voit toute une propagande, en fait, dans les médias, qui fait comme si l’histoire s’était arrêtée, comme si cet événement du 7 octobre n’avait pas des causalités, une histoire, et comme s’il ne devait produire aucun futur.

    Et moi, dans toutes nos discussions collectives à Mediapart, car il faut dire à toutes celles et tous ceux qui nous suivent combien Mediapart, ce n’est pas vertical, on ne décide pas comme ça. On tâtonne, on partage, on discute de nos hésitations. Ce qui s’est passé là m’a profondément rappelé

    Quelque chose qu’on a vécu, François Bonnet et moi, au Monde, quand je le dirigeais. François Bonnet, ancien directeur éditorial. Ancien directeur éditorial de Mediapart, que tu citais tout à l’heure. C’est le 11 septembre 2001. C’est cet événement monstre, des tours, les tours qui s’effondrent, des corps qui tombent

    Et du coup, il n’y avait plus que ça en boucle et ça a donné la catastrophe que l’on sait, le mensonge américain, leur aveuglement, la guerre contre le terrorisme, une guerre sans fin. Nous sommes dans la même histoire. C’est-à-dire, si on reste piégé par l’événement monstre, eh bien du coup, ce sera l’aveuglement,

    Ce sera la perdition. Et donc ce qui se passe en France, de ce point de vue, c’est très, très grave, parce que la France a une responsabilité très particulière, et ça a été dit par Lénaïg à l’instant. La France est le seul pays continental européen membre permanent du Conseil de sécurité.

    C’est la voix de l’Union européenne puisque la Grande-Bretagne n’est plus à l’Union européenne, n’est plus dedans, et la France est le pays qui a les liens historiques les plus longs avec cette région du monde, Napoléon et l’Égypte, les protectorats au Liban et en Syrie, le Maghreb évidemment, l’Afrique subsaharienne pour les pays musulmans,

    Les liens historiques, culturels et d’histoire. Et donc, voir la France aujourd’hui faire exactement l’inverse de ce qu’elle avait su faire sous Chirac et sous Villepin, qui était justement de tenir bon, de ne pas tomber dans cette passion où on rajoute de la passion, de l’émotion, de l’aveuglement… Faisons le bilan 20 ans après,

    On l’a écrit aujourd’hui, de l’aveuglement américain. Le monde est encore plus instable et encore plus dangereux, et ces victoires militaires apparentes sont finalement des défaites. Donc pour terminer, je pense que dans un moment comme ça, notre responsabilité à nous, journalistes, et je crois qu’on essaye, Mediapart, de le faire,

    C’est de donner à voir clair. Évidemment, ça veut dire marcher sur deux jambes, rendre le réel dans sa complexité, dans sa diversité. C’est un puzzle réel. Il a des nuances, il a des contradictions. On doit être sensible. Bien sûr qu’il y a une souffrance immense en Israël qui existe aussi,

    Et il y a une souffrance ô combien immense chez les Palestiniens, mais rendre compte de l’une, rendre compte de l’autre, ne pas opposer l’une à l’autre. Et puis, ça, c’est notre travail de journaliste, rendre compte du réel, essayer d’y voir clair et en même temps marcher, sur une autre jambe

    Qui est de donner du sens, ce que je viens de rappeler, donner de la profondeur historique. François Bougon a multiplié, avec d’autres, Joseph Confavreux, Antoine Perraud et plein d’autres à Mediapart et toi-même Rachida, des interviews, une mise en perspective qui permet de donner du sens

    Et de donner du sens à l’histoire d’un conflit. Oui, il y a une injustice historique, elle est là, et elle concerne l’injustice faite aux Palestiniens dont les droits sont déniés depuis 1967. Et tant que cette injustice ne sera pas réparée, Israël ne sera pas en sécurité.

    Tenir cette ligne de raison le plus calmement possible, le plus tranquillement possible, c’est ce que nous essayons de faire. On voit défiler les interviews dont tu parles, les nombreux entretiens qu’on a faits depuis deux mois, vous pouvez les retrouver dans un dossier spécial sur Mediapart. Lénaïg, très vite ont émergé

    Plusieurs sujets, mais en fait, un : qualifier les actes du Hamas. Quel choix avons-nous fait ? Il faut bien comprendre que dans le moment des surgissements d’événements comme celui-là, les choix éditoriaux d’un journal peuvent varier dans le temps. Il faut prendre son temps, rester calme,

    Mais il y a aussi des ajustements, des discussions, des tâtonnements comme disait Edwy. Et il y a une difficulté à trouver tout de suite les mots justes quand vous fabriquez un quotidien. Vous devez aussi informer au plus vite les lecteurs et les lectrices. Et dans ce cas précis, quand on apprend

    Les attaques du Hamas le samedi 7 octobre, on comprend tout de suite qu’il ne s’agit pas d’une attaque comme une autre, qu’on n’est pas dans un épisode de plus dans une histoire tragique. On comprend qu’on a basculé dans une nouvelle ère de cette guerre, que ces attaques s’inscrivent dans une histoire longue,

    Celle de la colonisation, de l’occupation, mais qu’elles sont inédites dans leur ampleur et dans leur gravité côté israélien, essentiellement et notamment parce qu’elle touche des civils et par la brutalité des actions des combattants des groupes palestiniens qui sont rentrés dans le sud d’Israël.

    Donc, dans ce cadre, on a parfois qualifié ces attaques de terroristes et si nous ne l’avons pas fait dans certains articles, nous avons systématiquement signalé, et on y tient, à rappeler leur caractère particulièrement sanglant, meurtrier et visant des civils. En revanche, et c’était un choix,

    Nous n’avons jamais parlé du Hamas comme d’un mouvement terroriste. Nous avons parfois rappelé qu’il était catégorisé comme tel par plusieurs États, et notamment par l’Union européenne, mais nous avons systématiquement mentionné cette source sans la reprendre directement à notre compte. Et deux raisons à cela. D’abord parce que nous savons les instrumentalisations

    Que le mot « terroriste » ou « terrorisme » peut susciter, qui peuvent être mises en place, notamment dans un conflit entre deux parties. Et parce que nous avons tenu à expliquer dès le début, je pense, qu’il y avait une différence entre le Hamas et l’État islamique et Daesh.

    Non pas que l’un soit moins monstrueux ou moins sanglant, ce n’est pas une question de gradation, c’est une question de différence de nature, de projet politique en réalité, et que le mot « terroriste » risquait de mettre tout sur le même plan, ce qui n’était pas conforme à la réalité justement.

    Rachida, on a eu pas mal de questions, notamment, qui sont remontées par le Club de Mediapart ou les modérateurs de Mediapart. Et par exemple, une question qui est pas mal revenue : « Mais pourquoi jamais Mediapart ne parle du gouvernement israélien comme terroriste ou génocidaire ? » Puisqu’on parlait des mots, justement.

    Oui, on en a déjà parlé, Edwy et Lénaïg ont insisté sur la question du mot juste. Et j’ajouterai qu’à Mediapart, on n’a jamais craint d’employer les mots justes pour qualifier ce qu’il advient à travers le monde, et notamment en Israël et en Palestine. On n’a jamais eu de mal à nommer l’injustice historique

    Dont tu parles qui est faite aux Palestiniens dans les territoires sont occupés, colonisés depuis 1967 au mépris des résolutions de l’ONU. On n’a jamais cessé de le nommer. René Backmann est l’un des journalistes en France qui le premier a écrit, décrit le système d’apartheid en vigueur en Israël et dans les territoires occupés

    Pour décrire, définir, ce qui est imposé par l’État hébreu aux Palestiniens. Depuis le 7 octobre, qu’est-ce qui se passe ? Il y a un mot sur lequel, je pense, on est d’accord. Il y a des massacres, des massacres qui ont été commis le 7 octobre par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens.

    Et puis il y a les massacres qui ont été commis depuis le 7 octobre, en riposte à ces massacres commis par le Hamas, par l’État hébreu, par l’armée israélienne qui bombarde indistinctement la population de Gaza en tuant majoritairement des femmes et des enfants.

    Là, on est d’accord. Ensuite, il y a le droit international. Et je ne suis pas juriste en droit international, je suis journaliste. Le droit international comprend quatre qualifications pour qualifier ces crimes, qui ne s’excluent pas mutuellement. Il y a l’agression, le crime de guerre, le crime contre l’humanité et le génocide.

    Certaines de ces qualifications font débat, y compris entre juristes, entre spécialistes, et nous, à Mediapart, on déroule ce débat, on le déplie dans de nombreux articles qu’on a vu déjà défiler sur l’écran et ça va continuer. On va continuer à le faire parce que comme disaient aussi Léna ou encore Edwy,

    Il ne faut pas sombrer dans l’événement, il faut prendre le temps, et c’est notre rôle de refléter ce qui fracture, ce qui divise, mais aussi ce qui réunit. Mais notre rôle, ce n’est pas de céder aux injonctions militantes, polémiques ou encore aux caricatures rhétoriques. Lénaïg, comment nommer cette guerre ?

    Là aussi, la question s’est posée. Nous, comme d’autres médias, au départ, on a pu parler de, je cite : « guerre Israël-Hamas ». Ça a pu nous être reproché, d’ailleurs. Pourquoi, aujourd’hui, c’est plus le cas ? Oui, au départ, on a parlé de guerre Israël-Hamas et puis l’évolution de la situation…

    Et là encore, c’est aussi ça, fabriquer un journal. C’est aussi prendre le temps, constater l’évolution d’un conflit. De fait, l’évolution de la situation nous fait dire qu’aujourd’hui, nous parlons de guerre au Proche-Orient, parfois de guerre ou d’invasion à Gaza quand on parle de la situation spécifique de la bande de Gaza,

    Mais de manière générale, vous le verrez sur le site de Mediapart, on parle de guerre au Proche-Orient en raison des développements sur le terrain, au Liban ou encore en Cisjordanie. François, autre sujet qui est beaucoup revenu dans les commentaires, et ça, c’est assez massif, même sur les réseaux sociaux,

    C’est ce qu’on appelle le fil d’actualité de Mediapart, c’est-à-dire des articles qui sont publiés sur Mediapart, mais qui ne sont pas produits par les journalistes de Mediapart, mais par l’Agence France-Presse, dont nous sommes clients pour ces articles-là. Pourquoi, d’abord, nous l’utilisons, quel est le statut de ces articles-là sur Mediapart

    Et est-ce que tu comprends ces interrogations qui ont parfois émergé ? Ben en fait, le statut est assez particulier parce qu’en fait, en quelque sorte, c’est un prestataire qui nous apporte des informations qui ne sont pas les nôtres, et donc, c’est spécifié, d’ailleurs, dans le fil d’actu

    C’est pourquoi il y a eu un texte depuis parce que moi, je suis à Mediapart depuis 2019, mais historiquement, quand Mediapart s’est lancé, au départ, il n’y avait pas de fil d’information, d’agence de presse, et je crois que Mediapart, dites-moi si je suis dans le tort, mais a d’abord eu recours

    – à une autre agence de presse… – Reuters. Reuters, qui est une agence britannique, enfin, maintenant, canado-britannique, et à partir de 2020, on a décidé d’avoir recours à l’AFP. Pourquoi ? Parce que Reuters commençait à fermer son fil français, ils commençaient à licencier des journalistes,

    Les conditions de travail étaient intolérables à nos yeux, donc on a décidé de changer, de recourir à l’AFP. Alors, pourquoi l’AFP ? L’AFP peut être critiquable. – Elle est critiquée et critiquable… – Elle l’est beaucoup en ce moment. Comme tous les médias, mais c’est quand même malgré tout…

    Je viens de l’AFP, j’ai été formé à l’AFP, Lénaïg a travaillé aussi à l’AFP, elle a été formée également à l’AFP. Moi, je connais très, très bien l’AFP. C’est une agence où on apprend, enfin, c’est un lieu, c’est un média où on apprend la rigueur. On apprend la rigueur, on apprend

    Le respect des faits, le respect des sources, donc moi, quand on me parle de l’AFP, j’ai d’abord beaucoup de respect pour ce que c’est d’abord, avant tout. Par ailleurs, je sais qu’elle est critiquée par plein de gens, mais c’est quand même, avant tout, une école de la rigueur

    Et quelque chose de très respectable, donc lorsqu’on se tourne, lorsque Mediapart s’est tourné vers l’AFP, c’est avant tout parce qu’on considère que l’information produite par l’AFP est une information de qualité, recoupée, sur laquelle on peut se fonder et qu’on peut diffuser, en fait. Après, ce n’est pas notre information.

    Il y a des choses qui sont diffusées par l’AFP, on pourrait ne pas être d’accord, etc, mais malgré tout, pourquoi on est obligés de recourir à l’AFP ? Parce qu’on est une petite rédaction, on est 65 journalistes, qu’on ne peut pas tout faire et qu’on a décidé d’avoir un fil d’actualité

    Parce qu’on a une vocation à être un journal et le journal a une vocation à vouloir tout couvrir, mais on ne peut pas tout faire nous-mêmes, donc on a recours à l’AFP, mais avec les limites qui sont posées et par ailleurs, je voudrais dire une chose, c’est que l’Agence France-Presse est elle-même critiquée

    Dans ce conflit pour ne pas avoir voulu… Elle ne veut pas utiliser le mot de « terrorisme » pour le Hamas, donc il y a des gens qui vont considérer que l’AFP est pro-israélienne et il y a d’autres gens qui vont considérer que l’AFP est propalestinienne. On sait très bien qu’une des critiques,

    Notamment des pro-Netanyahou, c’est de surnommer l’AFP « l’Agence France-Palestine », donc en fait, d’un côté, certains vont vous dire qu’ils sont beaucoup trop pro-israéliens, d’autre part, ils vont vous dire qu’on est propalestiniens, donc moi, je considère que cette agence est respectable et respectée, et par ailleurs,

    Elle fait un travail remarquable. Elle a des journalistes à Gaza, nous n’avons pas de journalistes à Gaza, des journalistes un peu partout. Elle a des journalistes au Liban qui ont été blessés dans une attaque israélienne. Et par ailleurs, il faut signaler que, très régulièrement, depuis deux mois,

    On a aussi dépêché spécialement des journalistes qui ont fait des fils du jour, justement, en consacrant du temps à ça et on ne s’est pas juste basés sur l’AFP pour l’actualité la plus factuelle. Rachida, un autre sujet, là aussi, et évidemment, il est majeur

    Vu l’ampleur des décès, des morts, c’est le nombre de morts à Gaza. Il est évidemment, on le sait, très régulièrement actualisé par le Hamas. On est à 16 000 à ce stade. Certains spécialistes nous disent, d’ailleurs, que c’est peut-être plus encore. L’agence Reuters nous disait aujourd’hui… On en a parlé.

    L’agence Reuters nous disait que des officiels israéliens disaient que c’était plus ou moins le chiffre. Du coup, comment on a fait depuis le début avec cette question des chiffres ? Ce qui est une première. Jusqu’ici, on utilise les chiffres que fournit le Hamas, en le sourçant, évidemment,

    Mais comme c’est le cas pour tous les autres chiffres que nous utilisons dans nos articles. On source systématiquement l’origine du chiffre qu’on emploie et ici, pour les morts à Gaza, c’est effectivement ce chiffre-là qui est donné par le ministère de la Santé à Gaza, ministère qui est contrôlé par le Hamas,

    Dont les fonctionnaires sont payés par l’Autorité palestinienne et ce bilan, il n’est pas seulement repris par les médias français et à travers le monde, il est aussi repris par les agences onusiennes qui sont présentes sur place, donc on peut considérer que ce chiffre est crédible, et d’ailleurs, des spécialistes ont…

    Un officier de l’armée française disait que… Un ancien officier de l’armée française disait que ça pouvait être, effectivement, beaucoup plus et c’est assez nouveau, je pense, que des officiels israéliens disent que ces chiffres-là sont à la hauteur de… Aucun observateur indépendant sur le terrain,

    Tu as dit les agences onusiennes, on pourrait parler des ONG, Médecins Sans Frontières, l’UNRWA, tout le monde dit : « C’est une administration, c’est l’administration, c’est l’Autorité palestinienne qui paye », donc vraiment, ce procès sur les chiffres… Mais par rapport à tout ce qui vient d’être dit,

    On est au cœur et c’est pour ça qu’on rend compte ce soir, parce que, de fait, on rend compte, on rend compte et on explique et on a vu… Nous… Comment dire ? On a dit, évidemment, qu’on avait un positionnement et un engagement clairs sur la lisibilité de ce conflit,

    Mais on ne peut pas rentrer dans la guerre des mondes, on ne peut pas être dans les prisons identitaires. Je comprends très bien et je respecte très bien des personnes qui se disent : « Mais ce massacre est terrible et je ne vois plus que ça »

    Et puis, d’autres qui disent : « Mais le sort fait aux Palestiniens, je ne vois plus que ça », mais je pense que… Je dis que je respecte et, en même temps, je pense que l’identité qui devient une clôture est une prison et nous, on doit essayer de faire des ponts.

    On doit, c’est notre rôle, faire du lien et donner envie de comprendre l’autre. C’est la question de l’autre qui est au cœur de ce conflit. C’est la question de la relation à l’autre et donc si nous, nous rentrons dans une guerre des identités où il y a quelque chose qui est blanc

    Et quelque chose qui est noir, nous rentrons dans le piège de cette histoire, – la question de l’autre… – Ce qui n’empêche pas de nommer les choses par ailleurs. Autre question, Rachida, relevée par la modération de Mediapart. « Toujours personne sur place », nous disent plusieurs lecteurs, en réalité.

    Il faut le redire, Rachida, en tant que journalistes, on ne peut pas aller à Gaza car Israël ne le permet pas. Israël ne le permet pas. Israël interdit, au jour d’aujourd’hui, l’accès à la bande de Gaza aux journalistes internationaux. Informer est devenu une mission quasi impossible aujourd’hui à Gaza. D’abord, les journalistes internationaux

    N’ont pas accès à cette bande de Gaza. Les rares journalistes qui ont eu accès à la bande de Gaza l’ont été embarqués aux côtés de l’armée israélienne, donc aucun journaliste international aujourd’hui ne peut faire du journalisme librement puisque, j’insiste sur ce mot « librement », être embarqué aux côtés de l’armée israélienne,

    Ce n’est pas faire du journalisme librement, c’est être sous un contrôle étroit, donc il est impératif, je pense, et y compris ici, de dire qu’il faut que les autorités israéliennes rouvrent l’accès à la bande de Gaza. C’est impératif pour que nous puissions, journalistes, nous y rendre, faire notre travail

    Et toutes ces entraves, elles vont à l’encontre du journalisme, mais elles vont à l’encontre de la vérité, puisque, sans vérité, qui permet de faire éclater la vérité ? C’est aussi le journalisme. Il faut rappeler que les journalistes, ils ont été extrêmement ciblés sur place, ceux qui sont présents à Gaza,

    – par l’armée israélienne. – Les seuls journalistes qui sont présents aujourd’hui à Gaza, ce sont les journalistes gazaouis et ils le paient très, très cher. Au jour d’aujourd’hui, ils sont au moins 67 journalistes employés des médias à avoir été tués. 67. Dans ce studio, fin octobre, le 26 octobre,

    J’alertais sur la presse qu’on assassine à Gaza. Ce jour-là, le décompte était à 22. 22 journalistes avaient été tués en moins d’une vingtaine de jours, 22 journalistes. Une hécatombe sans précédent. Aujourd’hui, au moins 67. Retenons ce chiffre, mettons les visages, les noms de ces journalistes les uns après les autres. Une soixantaine sont…

    Ils sont 60 Palestiniens, 4 Israéliens et 3 Libanais. Il y a aussi tous ceux qui ont été blessés, ceux qui sont portés disparus. C’est un décompte que j’ai pris, le décompte de la Fédération internationale des journalistes, mais j’aurais pu prendre aussi le décompte de diverses associations de protection des journalistes.

    Il faut vraiment leur rendre hommage et pour vous donner un ordre d’idée macabre, entre le 18 et le 20 novembre, soit trois jours seulement, 10 journalistes palestiniens ont péri à Gaza. 10 journalistes. J’insiste encore : nous n’avons jamais vu autant de journalistes mourir en si peu de temps

    Sur le terrain de leur métier, ni durant les deux Guerres mondiales, ni durant les guerres du Viêtnam, de Bosnie, d’Irak, d’Afghanistan. On parlait de l’AFP, son directeur de l’information disait récemment que pratiquement autant de journalistes sont morts au cours des derniers mois à Gaza qu’en 20 ans de conflit en Afghanistan.

    Ouvrons les yeux : tuer des journalistes n’est ni plus ni moins que l’une des armes les plus redoutables pour supprimer la vérité. L’ONG Reporters sans frontières a déposé plainte pour crimes de guerre commis contre des journalistes palestiniens à Gaza et contre un journaliste israélien devant la Cour pénale internationale

    Et l’AFP, qui a enquêté pendant plusieurs semaines sur le bombardement qui a tué un de ses journalistes et blessé plusieurs autres confrères le 13 octobre au Liban, a révélé aujourd’hui qu’ils ont été tués par un obus de char que l’armée israélienne est la seule à posséder dans cette région frontalière sous haute tension.

    Ouais, François. Pour compléter ce que disait Rachida, nous, on a travaillé avec un fixeur qui s’appelle Roshdi… – Qui s’appelait Roshdi Sarraj. – Roshdi Sarraj. Céline Martelet était allée faire un reportage au mois de janvier à Gaza et il est mort dans une frappe quelques jours auparavant.

    Céline, justement, l’avait interviewé pour un sujet qu’on a fait sur les journalistes palestiniens en première ligne. Et il faut dire qu’ils travaillent dans des conditions épouvantables, apocalyptiques. Non seulement ils se battent pour honorer le droit de savoir si essentiel, mais ils se battent aussi pour rentrer vivants le soir.

    Ils ne sont pas sûrs de retrouver leur famille vivante, plusieurs d’entre eux ont perdu leur famille, donc ils vivent en même temps des drames personnels inouïs, ils sont confrontés à la famine, Ils doivent courir à travers l’enclave pour trouver du pain, du carburant, de la nourriture, de l’eau. C’est absolument terrifiant.

    Une ou deux questions encore de méthode et de comment on a travaillé. Un des reproches qui a été beaucoup fait aux médias en général, c’est qu’on ne voyait pas les souffrances des Gazaouis, puisque, effectivement, impossible d’y aller et on doit travailler dans des conditions difficiles. Déshumanisation par ailleurs accentuée par des propos extrêmes

    Ou une sorte de négation de ce qui se passe à Gaza, « on ne veut pas le voir », exprimée dans certains médias. Pourtant, on a publié de nombreux récits. François, comment on a essayé, à Mediapart, de lutter au quotidien, justement contre cette déshumanisation,

    C’est-à-dire contre le fait d’essayer de travailler sur des gens qui sont coupés du monde littéralement ? On travaille avec… je mentionnais Céline Martelet, donc Céline, par exemple, dès le départ, elle est partie très, très vite. Dès le lundi, elle était sur place et elle, elle a commencé à travailler,

    À nous envoyer un papier très, très vite aussi sur des témoignages de Gazaouis, en fait, et c’était pas des gens qui étaient déshumanisés, puisqu’ils étaient incarnés, puisqu’en l’occurrence, elle discutait avec eux via WhatsApp ou via Signal, et donc, elle a donné des témoignages dans les papiers

    – qu’on a publiés – Elle en a fait de nombreux. C’est ce qu’on a essayé à maintes reprises, avec des mises en scène, avec des papiers de reportage, des papiers de témoignages, que ce soit Céline ou d’autres, et je pense notamment à ce qu’a fait Joseph dans un article

    Qui s’appelle « Le cimetière numérique de Gaza » avec des histoires de famille, donc on essaye de le faire, les conditions sont difficiles. Alors, Edwy parlait de voir clair. On essaie de voir clair dans le brouillard de la guerre et c’est pas évident quand vous êtes coupé

    D’un lieu qui s’appelle Gaza où il est impossible pour des journalistes d’aller et de… Et malheureusement, on essaye, et on va essayer encore plus. Là, on a une journaliste, Julie Paris, qui obtient, depuis l’Egypte, des témoignages avec des Gazaouis qui sont partis en Egypte, les familles, etc, donc on continue,

    On a commencé et on continue. On a aussi recueilli des témoignages depuis la France de gens qui sont rentrés. C’est vrai, c’est important d’insister là-dessus. On a vraiment ce souci quotidien de ne pas être dans la déshumanisation d’un côté ou de l’autre et les Palestiniens, c’est important parce qu’il faut le dire,

    Je vais citer Karim Kattan, cet écrivain palestinien qui était venu dans l’émission et qui a publié un texte magnifique sur Mediapart et qui dit dans ce texte : « Gaza n’est pas une abstraction. » Je vais vous citer le passage : « C’est un rivage, ce sont des plages, des rues, des marchés

    Et des quartiers aux noms de fleurs et de fruits. Gaza n’est pas une abstraction, mais des lieux, des vies et des personnes qui disparaissent sous les bombes. » Voilà. Les Palestiniens ne sont pas une abstraction. À Mediapart, ils ne l’ont jamais été et ils ne le sont encore moins…

    Ils ne le sont pas depuis le 7 octobre. Et lutter contre la déshumanisation, pardon, passe aussi par l’image, par l’attention à l’image, le souci de l’image, de la photographie, notamment, et je voudrais parler de notre formidable service photo qui est emmené par Sébastien Calvet et qui joue, là aussi, un rôle important

    Sur le plan éditorial tous les jours, qui permet de mettre des visages, des noms sur les Palestiniens. Ce ne sont pas des masses informes, ce ne sont pas des chiffres et je pense aussi que cela passe, la lutte contre cette déshumanisation, elle passe aussi par la remise en perspective

    Sur le temps long et à l’échelle historique. C’est ce qu’on a déjà dit depuis le début de l’émission, mais c’est vraiment très, très important de rappeler que ça dure depuis des décennies et le remettre comme ça au centre. – François. – Juste un détail

    Parce qu’en fait, on n’est pas là pour se justifier, on est là juste pour expliquer comment on travaille et aussi répondre à certaines interrogations de gens qui n’ont pas forcément la capacité de lire tout ce qu’on a fait. Et ça, je le comprends, en fait. Vu la quantité d’articles qu’on a faits,

    Que ce soit des vidéos, des textes… Et il y a parfois certains articles qui sont plus mis en avant que les autres sur les réseaux sociaux. Ça peut dépendre, il y a des choix. Je voudrais juste signaler que, par exemple, Pascale Pascariello a fait un super boulot avec une famille.

    Il y avait un pédiatre… On a beaucoup parlé des personnels de santé. On parlait des journalistes, mais le personnel de santé, les médecins, les infirmières, etc, ont aussi beaucoup été touchés et sont beaucoup touchés dans ce conflit. Et Pascale Pascariello a suivi une famille d’un pédiatre

    Qui était bloqué là-bas, qui vivait en France, qui est franco-gazaoui et qui était parti. Il s’est retrouvé coincé à un moment donné, et elle a suivi, elle a fait des podcasts, etc. C’était un superbe travail, et on l’a mis en avant aussi. Donc voilà, c’est exactement ça,

    Le fait de ne pas déshumaniser. Nous, on l’a incarné. Dans ce conflit, il y a chaque jour une immédiateté. On en a parlé. Des récits et des affirmations contradictoires, des déclarations qui sont, en réalité, impossibles à confirmer immédiatement. Les exemples… On a vu ces deux derniers mois

    D’où vient le tir de roquette sur tel hôpital, des vidéos qui circulent sans qu’on sache très bien si la vidéo est authentique, si on peut la sourcer, la dater, et qui pourtant, font la conversation, sur les réseaux sociaux notamment. Quelles précautions éditoriales dans ce cadre-là on prend ? Lénaïg ou François.

    Moi, je veux bien dire… En fait, parce que tout à l’heure, j’évoquais le brouillard de la guerre. En fait, c’est quelque chose qui a toujours existé, le brouillard de la guerre. Rendre compte d’une guerre, c’est toujours très compliqué, parce qu’en fait, il y a la guerre en elle-même,

    La guerre des obus, des roquettes, des missiles, mais il y a aussi la guerre des images, la guerre des mots. C’est une guerre informationnelle. Il y a la guerre de l’information, la guerre de la désinformation, donc en fait… Après on a atteint, je pense, aujourd’hui, avec ce conflit, un niveau rarement atteint.

    Pourquoi ? Parce qu’en fait, on est aussi dans un débat public, dans un espace public, je trouve, qui est aussi réduit à un état de ruine, si je devais faire cette comparaison. Mais c’est vrai. Ce débat public qui est réduit, notamment sur les réseaux sociaux, l’utilisation des réseaux sociaux…

    Tu parlais de l’immédiateté, mais ça, c’est les fake news, c’est le bad buzz, c’est la petite phrase, etc. Donc en fait, quand tu posais la question à Edwy de savoir comment on fait, en fait, c’est une question de responsabilité. Enfin moi, c’est ce que je pense vraiment. C’est une question de responsabilité,

    « Quel est notre apport dans le débat public et comment on le voit. » Je pense que c’est vraiment ça qui nous anime. On a bien sûr des réflexes, qui sont les réflexes évidents du journaliste. On parlait de l’AFP, tout à l’heure : vérifier les sources, ne pas diffuser une information

    Si on n’a pas plusieurs sources, faire très attention aux images, aux photos, etc. Mais tout ça est encore plus renforcé par, à la fois, l’état déplorable de l’espace et du débat public, avec cette facilité à caricaturer, à ne prendre qu’un morceau de phrase, etc. Donc en fait, on évolue aussi là-dedans,

    Et c’est de plus en plus compliqué, mais on essaye. Je trouve que ce qu’on essaye de faire, et on essaye de le faire à Mediapart… Je ne dis pas que par moments, on se trompe pas. On peut faire des erreurs, et dans ces cas-là, on le reconnaît.

    Ce qu’on essaye de faire, c’est d’essayer à chaque fois… On parlait des mots, de peser les mots. On parle beaucoup, à Mediapart. C’est un collectif qui discute énormément, qui passe énormément de temps dans les réunions. – Ça oui, je confirme. – Mais qui passe aussi énormément de temps sur le terrain.

    – Ce qu’on perd, on le gagne… – On discute beaucoup du fond. Mais on le gagne dans une force éditoriale. Après, on peut avoir des discussions, on a des désaccords… Pas forcément des désaccords, mais voilà, on confronte nos idées. Mais voilà, je trouve que c’est à la fois

    Une responsabilité, une gravité, aussi, très, très forte, mais il faut faire très, très attention. Et on a toujours assumé à Mediapart de prendre aussi le temps pour vérifier des informations quand c’est nécessaire. Lénaïg, une question pour toi, parce que c’est un des sujets dont on parle beaucoup,

    Et à raison, qui a provoqué d’ailleurs, on y reviendra, mais y compris des fractures ou des discussions dans la gauche française, dans le mouvement féministe. C’est la question de, justement, des violences sexuelles commises par le Hamas et les autres groupes palestiniens le 7 octobre. Comment on a travaillé là-dessus ?

    Ça fait exactement écho à ce que vient de dire François, c’est-à-dire dans ce brouillard. De manière générale, il faut prendre le temps, recouper, vérifier, multiplier les sources et ne pas se laisser guider, comme le disait Rachida, par les injonctions d’un tel ou d’une telle. Là, c’est vrai qu’on s’est retrouvés dans cette situation

    Un peu particulière pour nous, parce qu’on est habitués à ce que le reproche vienne de trop parler des violences sexistes et sexuelles, d’en faire trop, de multiplier les enquêtes sur ces sujets. C’est des sujets, vous le savez, qui nous tiennent énormément à cœur, qu’on traite beaucoup au journal

    Et que nous allons continuer à traiter au journal. Et nous, contrairement, sans doute, à plusieurs personnes qui découvrent le sujet, nous savons que ces violences sexuelles sont massives, qu’elles existent partout, dans toutes les sociétés et qu’elles sont un crime de guerre très fréquemment utilisé… – Utilisé, oui. – Malheureusement. Tout à fait.

    Et donc, quand nous avons vu apparaître les premiers éléments, nous avons considéré que nous n’avions pas suffisamment de sources pour pouvoir l’écrire de manière documentée. Donc, avec Rachida, on a travaillé sur le sujet, on est restées en veille, on a guetté, on a regardé, on a attendu de voir l’émergence de nouveaux éléments,

    De nouveaux rapports circonstanciés, documentés. Il y a sur le sujet, et c’est là où je vais reprendre un petit peu de gravité, très peu de sources directes. Et on le sait, ce sont des sujets extrêmement difficiles. Les témoignages mettent souvent du temps à apparaître.

    C’est tout à fait normal car le poids de la culpabilité, de la honte, de la souffrance, du traumatisme est parfois tellement fort, qu’il est très difficile de faire émerger cette parole, encore une fois dans un contexte très lourd, très tendu, qui est celui d’un conflit en cours.

    Donc, on a attendu d’avoir ces éléments. Une fois qu’on les a eus, on n’a eu aucune espèce de prévention à l’écrire, bien au contraire, car voilà, encore une fois, nous savons que ces sujets traversent toutes les sociétés, et donc nous l’avons écrit en rappelant aussi les débats, justement, que ça génère…

    Parce qu’il ne faut pas être naïf non plus. C’est-à-dire qu’il y a aussi, parfois, ça arrive, dans le débat public, une instrumentalisation de la question des violences sexuelles, en niant par exemple le fait qu’Israël a pu aussi en commettre dans son histoire, ou en en faisant parfois,

    Dans certaines déclarations, une arme de propagande. Je pense par exemple aux déclarations de Joe Biden, le président américain, où tout d’un coup, ça devient une sorte de préoccupation extrêmement forte de sa politique étrangère. On ne peut pas dire que ça a été le cas jusque-là.

    Et donc, il ne faut pas être naïf par rapport à ça. Mais une fois qu’on a dit ça, évidemment, ça ne sous-entend pas que ces violences n’existent pas, qu’on ne va pas travailler dessus, qu’on ne va pas continuer à les documenter, car encore une fois, c’est un sujet d’importance,

    Qui existe partout, et c’est une arme de guerre fréquente. Je voudrais souligner que nous avons fait une grande enquête sur d’autres violences, de guerre, sexuelles, sur l’Ukraine. Un long, long travail. C’est Rachida qui l’avait fait. Il y a un long travail qui documente ça. Tu as raison, la guerre, les femmes,

    Les violences sexuelles font partie, hélas… Et Léna l’a dit, c’est extrêmement difficile de documenter les violences sexuelles. Ça l’est encore plus en terrain de guerre. Elle a déroulé plusieurs raisons, et notamment pourquoi les victimes ne parlent pas. Ici, dans ce cas précis, mais aussi pour la guerre en Ukraine,

    Vous avez parfois des victimes qui sont mortes, qui ne parleront jamais. Et puis, encore une fois, la guerre aussi fait rage. Et donc, il est aussi beaucoup trop tôt, aujourd’hui, pour arriver à déplier une enquête… parfaite, dans le sens « une enquête rigoureuse ». Mais évidemment, sur ce terrain des violences sexuelles,

    À Mediapart, nous n’avons jamais lâché et nous ne lâcherons pas, et encore plus, qui plus est, sur ce terrain-là. On signale que Lenaïg, tu parles en tant que codirectrice éditoriale de Mediapart, mais aussi comme responsable éditoriale aux questions de genre à Mediapart. Pour… ne pas tout à fait terminer.

    J’ai encore deux ou trois questions quand même. François, le titre de cette émission générale, c’est « Comment cette guerre a changé le monde ». On a l’impression, y compris avec nos invités précédents, qu’il y a une forme de basculement dans un inconnu qui est quand même assez inquiétant. On a aussi traité ça.

    Oui, bien sûr. Alors après… Je reprendrai ce que dit souvent Edwy : « C’est quand l’histoire sort de ses gonds.» Et elle sort beaucoup de ses gonds dernièrement, en fait, depuis quand même deux ans et l’invasion russe en Ukraine. Et donc, c’est vrai qu’elle nous soumet nous… Juste quand même, puisqu’on parle

    De ce qu’on appelle le making-of, la préparation, c’est quand même pour nous, une petite rédaction comme la nôtre, une épreuve, parce que ça nous soumet quand même à des séries de couvertures qui ne sont pas évidentes. Et donc oui, on l’a fait, et notamment… Alors, il faudrait presque une autre émission

    – pour aborder cette question. – On refera, François. On refera. Non, mais moi, je dirais que ça précipite… En gros, si on devait synthétiser, je pense que ça précipite la fin de ce qu’on voyait, des événements qu’on voyait déjà depuis quelques années : la fin du système international qui est né

    De la Seconde Guerre mondiale et l’émergence d’un nouvel ordre. Je ne dirais pas un nouvel ordre mondial, mais plutôt « un nouveau désordre mondial », en fait. Et puis, l’émergence d’entités qui sont beaucoup plus fortes vis-à-vis de l’Occident, par exemple. Je caricature un peu, mais c’est un peu ça qui nous guide.

    Et dans la couverture, en l’occurrence de ce conflit, ce qui nous a intéressés, en tout cas, c’est d’essayer de montrer un peu cette… Certains l’appellent « le deux poids, deux mesures » : ce que les Occidentaux ont demandé aux autres pays du monde quand il s’agissait de l’Ukraine

    Et ce qu’ils ne demandent pas quand il s’agit de la Palestine, les mobilisations, les mobilisations notamment… On l’a fait très, très vite au Maroc, au Liban, mais aussi les mobilisations, et je rejoins un peu ce que disait Lénaïg sur les mobilisations au sein de nos sociétés occidentales,

    Toutes les questions que ça pose et toutes les divisions qui sont encore plus fortes et qui ont été révélées par l’émergence d’hommes politiques comme Trump par exemple. Et donc, je pense que ça, ce sont des phénomènes qui sont de plus en plus évidents, émergents et qui s’affirment.

    Je pense qu’aussi des choses qu’on a vues… Tout à l’heure, je te parlais de la désinformation, des fake news, de ce système de déstabilisation des sociétés démocratiques. Je pense que ça, on l’avait vu pendant le Covid, et c’est encore plus renforcé aujourd’hui, en fait.

    Je pense que ce sont des phénomènes qui nous intéressent et qu’on va continuer « à documenter », comme on dit. Il y a aussi évidemment le traitement et les résonances de ce conflit en France. Rachida, on a… Il y a une question de libertés publiques et une question aussi de mouvement social

    Et de manifestations en faveur de la Palestine qui se sont dépliées depuis deux mois. Oui, tout à fait. L’interdiction des manifestations propalestiniennes pose de nombreuses questions ici en France, parce que souvent, cette interdiction se fait sur l’autel de manifestations qui reviendraient à soutenir le Hamas et non la population palestinienne,

    Donc qui pose la question de la criminalisation du mouvement propalestinien en France. Et là, il y a un travail remarquable qui est accompli, notamment par le service société de Mediapart. Je pense à Jérôme Hourdeaux, Camille Polloni, qui ont livré de nombreux papiers à ce sujet.

    Et vraiment, j’encourage celles et ceux qui nous critiquent sans nous avoir lus et sans être abonné à Mediapart, à s’abonner à Mediapart et à nous lire, vraiment, parce que là-dessus, voilà, un travail remarquable a été fait. On voit effectivement là aussi un « deux poids, deux mesures »

    Qui apparaît et qui est questionné par de nombreux articles de Mediapart. Et notamment des enquêtes et des reportages sur les gens qui participent aux manifestations. Lénaïg, on a aussi couvert la question de l’antisémitisme et la question de l’islamophobie. Bien entendu, c’est capital.

    Je le disais au tout début. On le voit depuis le 7 octobre, on constate une explosion des actes antisémites, Et là aussi, le travail de journaliste est d’informer, de dénoncer aussi. Ce sont les deux jambes dont parlait Edwy. C’est-à-dire qu’on informe, on recoupe, on fait paraître des témoignages

    Racontant cette explosion des actes antisémites, on les dénonce aussi, évidemment, mais on ne se contente pas non plus des chiffres du ministère de l’Intérieur qui peuvent être sujets à discussion. Justement, on va sur le terrain, on recueille les paroles. C’est le travail très important qu’ont fait de nombreux collègues

    De Mediapart, notamment du service société, et aussi des journalistes pigistes. Je pense notamment à Lou Syrah et à Sarah Benichou, qui ont, justement, été raconter la peur de la communauté juive face à l’explosion de ces actes antisémites. Et puis, on a évidemment documenté les actes d’islamophobie,

    Qui se sont multipliés aussi avec ce conflit, y compris dans les discours de l’extrême droite, mais pas seulement, aussi très tranquillement sur les plateaux de certains médias. Je ne répéterai pas les propos, mais c’est quand même assez marquant, il faut bien le dire, une espèce de voie ouverte

    À des propos racistes ou islamophobes. Et là aussi, c’est notre travail de journaliste de les documenter, de recouper et de les dénoncer. Dans ce cas, la seule différence, c’est qu’on manque de données publiques, on manque de chiffres, car elles sont peu collectées par le ministère de l’Intérieur.

    Et puis, on a aussi couvert parce que tu as la parole, les résonances à gauche, dans la gauche des partis, dans la gauche des mouvements, – l’éclatement… – De la NUPES. Un peu plus encore, de la NUPES, et particulièrement, aussi, les mots de Jean-Luc Mélenchon. Mais oui, parce que c’est toutes ces dimensions

    Qu’un journal a à couvrir. Quand un événement comme celui-là surgit, on n’occulte pas une partie de la réalité, celle qui nous arrangerait, celle qui nous arrangerait pas. On la traite dans sa totalité, dans sa complexité, dans ses nuances et dans ses développements. Et donc, c’est aussi tout le journal qui s’est mobilisé,

    Tous les services du journal, et aussi le service politique de Mediapart. Et donc effectivement, les débats suscités par les attaques du 7 et la riposte israélienne ont fait exploser la NUPES. Ce n’est pas rien. Elle était déjà largement affaiblie et fragilisée, mais c’est ce conflit qui l’a fait exploser,

    Peut-être définitivement. L’avenir le dira. Et dans ces cas-là, on essaye à la fois de raconter l’événement, mais aussi, comme pour le reste, de prendre de la hauteur, de faire vivre le débat, de ne pas rester dans un marigot de règlements de comptes sans intérêt

    Qui obstrue le débat politique et médiatique sur le sujet. Que faut-il penser ? Quelle est la responsabilité de la gauche ? Que doivent dire les partis de gauche ? Ce sont des questions importantes, pas juste des règlements de comptes – entre des personnes. – On est juste sur les mots

    De Gérard Larcher contre Jean-Luc Mélenchon. Tout à fait. Franchement, surtout dans ce débat, où clairement, on n’est pas aidé non plus par le personnel politique qui lui-même descend largement dans le marécage, jusqu’aux genoux. Justement, essayer de prendre de la hauteur, c’est notre travail,

    C’est notre mission de journaliste, et on y tient à Mediapart. Et donc voilà, par exemple, j’ai en mémoire de nombreux articles du service politique, mais aussi des entretiens qui justement faisaient vivre le débat sur le fond, de manière intéressante. Je pense notamment à des entretiens de trois députés,

    De deux insoumis, Éric Coquerel et Hendrik Davi, et un socialiste, Jérôme Guedj, qui, précisément, élèvent le débat sur le fond, sur les questions de fond, sur les ruptures, les fractures, les désaccords aussi, mais qui nous font réfléchir. Ce soir, ensemble, sur ces deux mois qui ont changé le monde,

    Sur Mediapart, en fait, en réalité, depuis ce matin sur Mediapart et dans cet ensemble, Edwy, tu publies un nouveau, ce qu’on appelle un parti pris chez nous, une prise de position, un parti pris. Dites-nous un peu ce que dit cet article et ce que tu défends aujourd’hui, deux mois après les débuts.

    Dire un peu comment… La genèse de ce genre d’articles, c’est pas le plaisir de tel ou tel, c’est aussi de faire des articles, j’aime bien dire, où celles et ceux qui lisent Mediapart puissent se reconnaître, en débattre, en discuter, mais se dire : « Tiens, où est mon journal ?

    Où est-ce qu’il plante son drapeau et qu’est-ce qu’il me dit ? » Et c’est le but de ce genre d’articles qui ne naissent pas du cerveau ou de la cuisse d’un quelconque Jupiter, ils naissent aussi de comment on discute ensemble et de comment on atteint quelque chose. Pour résumer celui-ci,

    Qui vient après un premier parti pris qui était sur la question morale, un peu, quels étaient nos repères dans cette histoire, la fin, les moyens, etc, l’histoire du conflit, tout ce que nous avons dit, là, ce serait en trois mots : abomination, perdition, et on l’a dit, déshumanisation. C’est une abomination,

    Ce qui se passe à Gaza, il faut le dire très clairement. Sur un petit laps de temps et un si petit territoire, il n’y a pas d’équivalent. Ce n’est pas… On a parlé des soignants, on a parlé des journalistes, mais en si peu de temps, et toutes les organisations indépendantes jusqu’à la Croix-Rouge,

    Qui est d’habitude silencieuse, sort de son silence. Jamais tant de personnes ont été tuées. On n’est pas loin de 20 000, qui ont été tuées, et majoritairement des femmes et des enfants, en si peu de temps, et dans un but de guerre qui soi-disant était la destruction du Hamas

    Mais en fait, le but de guerre, c’est de détruire Gaza, de détruire un lieu de vie, un lieu de travail, son histoire, son passé, ses maisons, ses repères. Et dans cette abomination, quand même, en si peu de temps, 1,9 million de personnes, 80 % de la population gazaouie chassée de chez elle,

    Se retrouvant en exil, ayant perdu tous ses repères, allant vers le sud. Et là, aujourd’hui, l’armée israélienne attaque aussi le sud. C’est quand même une histoire terrifiante. On ne peut pas être dans l’indifférence, on ne peut… Voilà, il faut que ça s’arrête. Évidemment, ça, c’est la responsabilité des États,

    Et on peut crier nous aussi : « Cessez le feu ! » Mais il faut d’abord dire comment, de manière sensible, nous ne sommes pas indifférents à ça. C’est une abomination et on ne répond pas à un massacre par un massacre. La loi du talion n’est pas la loi de la guerre.

    Les droits humains sont des droits qu’on doit revendiquer et ils ne sont pas à géométrie variable. Puis deuxièmement, c’est une perdition. Et c’est pour ça que je parlais du 11 septembre et de la riposte américaine, puisque les États-Unis sont derrière Israël. Cette guerre, telle qu’ils la mènent, là, est une impasse.

    Quelles que soient les victoires militaires momentanées qu’aura Israël, ce sera une défaite politique et à terme, diplomatique. Israël ne peut pas être une pointe avancée de l’Occident au Proche-Orient, entourée de pays et de peuples qui seraient méprisés, comme une place forte. Autrement, Israël sera en guerre, toujours.

    Sa population ne sera jamais en sécurité. Ce sera une guerre sans fin, et c’est une impasse dont l’histoire américaine des 20 dernières années, il faut le rappeler quand même, le 11 septembre, on tape, on tape l’Afghanistan. Qui est au pouvoir aujourd’hui ? Les talibans.

    On ne tape pas l’Arabie Saoudite qui est plus forte que jamais, d’où venait Al-Qaïda. On détruit un État souverain, l’Irak. Ça fait naître l’État islamique. Tout ça ne peut faire que naître d’autres monstres, d’autres insécurités, d’autres catastrophes. Et enfin, déshumanisation,

    Ce qui est le titre de cet article : Gaza, où meurt notre humanité. Il y a un vrai enjeu qui n’est pas assez souligné en France, et notamment dans ce discours sur le soutien inconditionnel de certains à l’État d’Israël. L’État d’Israël a des dirigeants, aujourd’hui. Ces dirigeants ont une idéologie.

    Ces dirigeants ont défendu et l’ont fait rentrer dans une loi fondamentale, un État ethnique, un État identitaire, un État qui serait seulement un foyer juif où les autres composantes de la population israélienne, arabes et druzes, seraient discriminées, et avec surtout une idéologie qui est le refus de ce qui fut proclamé

    En même temps que l’État d’Israël fut reconnu en 1948, c’est-à-dire la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le refus de l’idée qu’il y ait un genre humain, qu’il y ait des droits supérieurs aux nations, que les nations ne puissent pas faire ce qu’elles peuvent au point d’être une menace pour le genre humain.

    Et je le raconte dans l’article, il y a un idéologue derrière cela, qui est d’origine américaine et qui conseille Orban, qui conseille Trump, qui est publié ici, en France, par l’extrême droite française, qui s’appelle Yoram Hazony. Son livre s’appelle « Les vertus du nationalisme » et il défend cette idée :

    Il n’y a plus qu’une vérité qui serait le pouvoir des nations. Eh bien cela, c’est un monde de la guerre de tous contre tous, et c’est surtout un monde où il n’y a plus d’humanité commune. Et voilà, nous essayons de lancer cette alarme et ce souci, ce souci de l’autre.

    « Pense aux autres », disait le grand poète Mahmoud Darwich. C’est le début de cet article. Merci Edwy, merci à vous. Merci à vous de nous suivre. Lisez-nous, lisez-nous vraiment ! Retrouvez tous nos articles, dossiers, émissions sur Mediapart. Cette émission est en accès libre, vous le savez,

    Possible grâce à vos abonnements. Donc si vous le pouvez, abonnez-vous. À très vite sur Mediapart.

    48 Comments

    1. “Les événements du 7 octobre sont inexplicables et inexcusables “ non mais je rêve!?? Mais dans ce cas TOUTE VIOLENCE EST INEXPLICABLE ET INEXCUSABLE. Y compris celle d’israël. Il refuse d’entendre parler de tout contexte . Alors suivons la même logique pour israel : enlevons tout le contexte qui entoure ce genocide. Jugeons tout acte de violence de façon absolue et sans contexte tout monsieur. Encore une tactique de manipulation des esprits : jugez leurs actes SANS CONTEXTE et jugez nos actes avec le plus de contexte possible. Je dirais même retournons 5000 ans en arrière et utilisons ce contexte là pour interpréter et justifier le actes d’israël.

    2. Incroyable, nous musulmans on déteste dahech, nos imam toujours nous rapel que ce ne sont pas des croyant, il ne faut pas les suivre, et la des juifs défende l'état sioniste alors que se ne sont pas des croyants. C des terroristes. Dieu va punir toute c personne qui tue.

    3. La dignité de cette femme et la douleur inscrite sur son visage déchirent le coeur. Quel contraste avec le soi-disant "défenseur" des palestiniens, pour qui TOUT a commencé le 7 Octobre. Il essaye de donner le change..mais à travers son ton, ses mots…personne n'est dupe. de ce qu'il y a vraiment dans son coeur

    4. Sait-on vraiment ce qui s'est passé le 7 octobre ?
      Quelle est la réelle part de responsabilité du Hamas ? Quelle est la responsabilité des civils palestiniens qui ont pénétré sur le territoire israélien le 7 octobre par les brèches créées dans la "murailles" séparant Israël et la Bande de Gaza? Quelle est la responsabilité de l'armée israélienne qui a retiré ses troupes de frontières les semaines précédant le 7 octobre et qui n'est intervenu qu'après de nombreuses heures après le début des massacres ? Quelle est la responsabilité du gouvernement israélien qui viole quotidiennement les droits des Palestiniens ? Quelle est la responsabilité des Israélien qui ont voté pour ce gouvernement ?

    5. Le "rasage" !!! de Gaza est-il vraiment une conséquence des massacres du 7 octobre ? Ne peut-on pas penser qu'il était prévu depuis très longtemps par le gouvernement israélien … qui attendait passivement et certainement activement une occasion pour le mettre en œuvre ?

    6. Mr Ofer les combattants de HAMAS n'ont pas violées de femmes, ni décapités de bébé. Ce mensonges C la propagande des sionistes criminels. Les otages Israëliens libérés ont dit tout à fait le contraire. Vive la PALESTINE.

    7. Mais personne ne sait qu'il y a eu des démentis sur ce qui s'est passé le 7 octobre? Des preuves que Israel est probablement responsable de la plupart des morts. Qu'il n'y a pas eu de viols?

    8. Mediapart vous êtes les meilleur sans aucune exagération…un journalisme libre juste et authentique !!! Beaucoup d'amour et de respect à tous nos nobles journalistes de mediapart❤❤❤

    9. la reponse est que vous n'avez rien a foutre en tèrre que vous avez colonisépoint bar il oublier le petit mohamed derrire ce tonneau qu'un sioniste lui tiré une balle dans la tète il y de cele plus de 20 et se sioniste qui frappa le bras d'un palestinien avec une pièrre pour lui cassé son bras ce qu'a fait le Hamas est dans sa légimité totalc'est lui qui se defend des oppresseurs et colonisateur il est impensable qu'un occupant puisse légitimé une defense contre un occupé c'est vraiment prendre les gens pour des cons

    10. selon les precseptes de la charia un musulman lui interdit d'avoir des rapports sexuèl avec une juif donc tous ce qui est raconté sur des éventuèlle viol est archi faut parlé uniquement du 7 octobre et du massacre cela fait 75 ans que les sionistes massacre le peuple palestinien selon le droit international le Hamas est en droit de se defendre contre un blocus inhumain

    11. non monsieur Ofer le Hamas n'est pas une organisation térroriste il y a nuance c'est un peuple qui resiste a l'occupant dans tous ses droits c'est israel qui est une entité térroriste qui sans cesse térrorise la population palestinienne emprisonne des enfants le vase a débordé c'est plus que mar de supporté cette colonisation et ce Ofer qui avec son hypocrisie et ses dénégations a reconnaitre que cette situation seule israel est reponsable est ce qui c'est passer le 7 octobre viens de l'acharnement des sioniste a vouloire étouffé toute une popultion et l'anéantire et le faire disparaitre totalement sans avoire le droit de se defendre c'est pour moi un discoure d'hypocrites et de mensonges quand ont s'ais que pas un seule combattant du Hamas na été tuer seule la population a payer un lourd tribut enfants femmes et vieillards quelle honte de tojours mèttre ca sur le dos des victimes palestiniennes

    12. avant cela il faudrait peut ètre qu'israel arrètte la colonisation et que les colons cesse de tuer et chasser les palestinien de chez eux il parle que Hamas ce Ofer il est obsédé par cette resistance qui tire sans cesse des roquèttes mais fouter leurs la paix retourné d'ou vous venez point bar et le problème sera reglé une bonne foi pour toute

    13. Meme Hitler n'a pas fait ca
      . il est difficile pour moi de trouver un qualificatif ou adjectif pour designer ce massacre et ce genocide devant le monde entier invraisemblable

    14. comment ce présentateur ose-t-il annoncer le chiffre des victimes en disant "selon le Hamas", et l'0MS , RED Cross, ils ne disent pas selon le hamas. ce présentateur balance des éléments de langage de l'armée israelienne dans ses questions. je zappe cet israelien

    15. 😅 la solitude des israéliens depuis le 7 octobre, permettez moi de chialer !!! Ces gens ont pour la plus part 2 passeports voir 3 et se sont empressés de rentrer dans leurs pays d'origine en revanche les palestiniens sans aucun moyen de voyager et isolés du monde eux on s'offusque de leurs donner ce peu d'attention. Permettez moi de chialer encore,😢😢

    16. Arreter a chaque discution vous enployer la question esque vous condamner l'attaque du 7 d'octobre il n'ya jamais eut de voiles car c une invention de netanyahou pour salire l'immage de l'Islamisme donc il faut demandet une enquête internationale et non de croire aux dires a tire l'arigots des medias qui n'arretent pas de remettre çà tous les 5 minutes.

    17. Moi ce qui me rend malade , c'est que le Monde observe et ne dis rien 😮 surtout les dirigeants Arabes !! Ils devraient faire un embargo général !! et sanctionner Israël !! Et je ne parle même pas des occidentaux , quand il s'agit de l'Ukraine tout le monde s'est levé et sanctions contre le peuple Russe 😮 nous vivons dans un Monde injuste. le peuple palestinien retrouvera sa liberté et toute ses Terres , la roue tourne !!!

    18. Il est curieux de constater que certaines personnes détournent l'attention en parlant du terrorisme de Hamas oubliant ou faisant semblant d'oublier les véritables raisons de ce "terrorisme". Tous les colonisateurs à travers l'histoire ont qualifié les combattants nationalistes de terroristes. Ce fût le cas en paricculier des nazis qui ont occupé la France pendant qq années et des français qui ont occupé l'Algérien pendant 132 ans. Je doute fort de la véracité des massacres de bébé et/ou de femmes, rapportes par une presse dominee par des lobbies sionistes. Quoi qu'il en soit, le Hamas est un mouvement de liberation, il peut y avoir qq débordements que certains spécialistes sont très forts pour en developper une théorie qui monte en épingle le terrorisme dont ont souffert les sociétés arabes, arabisees et occidentales., mais rien n'équivaut le terrorisme d'état et son corollaire le "nettoyage" ethnique pratiqué par le bibisme qui n'est que la branche siono-juive du nazisme et est plus dangeureux que l'islamisme, car il a conduit le monde tout pres de la 3ieme guerre mondiale qui, si elle se produit anéantirait toute l'Humanité.

    19. Le Hamas est un mouvement de résistance et qui a été élu démocratiquement.
      Il faut rappeler que depuis 1947 Israel assassine quotidiennement les palestiniens avec la complicité internationale.

    20. Mediapart doit assumer son penchant pro – palestinien.
      Tout ce que vous dites, n'a aucun impact sur Israël.
      Israël est l'avant – garde du monde civilisé.

      Merci à Tshalal pour le 11 septembre, Toulouse, Nice, Bataclan, le 7 octobre etc.

      Un ennemi est un ennemi du berceau à la tombe.

    21. Minuto 27': Sr. Bronchtein, con una absoluta falta de respeto y una actitud prepotente, MANDA CALLAR a la Sra. Embajadora, que no le ha interrumpido en ningún momento.

      Minuto 31': Sr. Bronchtein no deja hablar a la Sra. Embajadora, con repetidos comentarios y gestos de desacuerdo.

      Sr. Bronchtein, su falta de educación es consecuencia del sexismo? O quizás porque no habla un francés tan perfecto como el suyo? Por qué ha creído usted que iba a ser interrumpido? Decepcionante para el cargo que usted ocupa.

      Gracias al resto de los participantes por su saber estar, independientemente de las opiniones expresadas.

    22. militant pour la paix vous dites ? c'est un vrai propagandiste ce monsieur ! et bein si les militants pour la paix sont comme ce monsieur alors on perd tout espoir …..

    23. Qui tire les ficelles ? Cette guerre en Ukraine qui n'en fini pas malgré les milliards des Ricains et ceux de l' Europe comme toujours avec les Ricains et maintenant Israel toujours avec les Ricains et l' Europe derrière ce qui représente des gâchis incommensurables qui déstabilisent le monde entier .Quels sont ces fous qui nous dirigent vers un nouveau conflit mondial ? Serait ces fous et dégénérés de mondialistes richissimes qui veulent réduire la population mondiale tellement ils ont peur ?

    24. 18:37 madame a évoqué le fond de problème,la communauté internationale condamne le crime d'Israël, Les sionistes sont la source des malheurs du monde vue leurs politiques similaires du nazisme.

    25. 1000 otges ne valent pas des milliers de morts du côté palestiniens ARRETEZ DE LES METTRE SUR LA MEME BALANCE C'EST PAS COMPARABLE!!! 1000 OTAGES FACE A UN GENOCIDE TOTALE D'UN PEUPLE ÎSRAËL EST INDEFENDABLE CEST TSAAL CONTRE DES CIVILES QUI NE PEUVENT SE DEFENDRE!!!

    Leave A Reply